Deuxième dame à être élue députée de la Martinique, après Josette Manin, Manuéla Kéclard-Mondésir fait désormais partie de la génération d’élues qui vont apporter une manière différente de penser la politique sur l’île aux fleurs. Finis les rôles secondaires qui ont empêché les femmes d’accéder aux responsabilités nationales et locales. « La mentalité est en train de changer » ressent la députée, qui rajoute implacablement, « on a trop longtemps accepté de rester dans l’ombre. » Et d’une manière lucide, après quelques hésitations, l’élue lâche : « La femme aborde la question politique comme une mère s’engage dans son foyer. Etre maman ce n’est pas un métier. Alors que l’homme a plus tendance à penser en termes de carrière. La femme ne raisonne pas comme cela. Elle a certes de l’ambition - qui n’en a pas ? - mais c’est une ambition qui peut faire du bien à toute une génération. » Elle rajoutera judicieusement, les yeux un brin espiègles, « Et puis c’est connu, aucun homme ne s’engage s’il n’y a pas de femme derrière. »
La tête à Paris, le cœur à Saint-Joseph, les pieds en Martinique.
Née à Saint-Joseph, dans le Nord de la Martinique, Manuéla Kéclard-Mondésir n’a jamais caché son attachement à sa commune de naissance et à cette région de l’île. Passée par de nombreux postes et mandats locaux, la Joséphienne a toujours la rivière blanche qui coule dans ses veines, qu’elle soit à l’Assemblée Nationale, en Guadeloupe ou à Fort-de-France. La députée de la 2ème circonscription a les pieds profondément ancrés dans la terre vallonée des mornes, là où le temps du champ se conjugue avec le plaisir des choses simples. « Il est vrai » avoue la députée, d’un sourire presque nostalgique, « que le Nord de la Martinique a quelque chose à part dans la façon d’approcher la vie quotidienne. J’ai vraiment besoin de rester au contact avec cette façon de vivre. » Mais, malgré sa nouvelle mandature nationale, elle compte toujours animer la politique martiniquaise avec la création de son mouvement politique, qui devrait prendre le nom de Nouvelles Alternatives Citoyennes. Manuéla Kéclard-Mondésir insiste bien sur le mot « mouvement » et non « parti ». Elle explique que « le mouvement politique est dans un esprit beaucoup plus associatif, cela permettra de créer une nouvelle dynamique. » Avant de répondre, sans hésitations, qu’à présent son destin est d’être Manuéla Kéclard-Mondésir, députée de la Martinique et non plus la suppléante de Bruno Nestor-Azérot.
Prendre en main les dossiers brûlants
La Martiniquaise prend le temps mais n’aime pas le perdre. A peine élue députée de la Martinique le 25 avril dernier, elle est tout de suite montée au créneau avec le dossier des sargasses. Engagée dans la vie de la cité depuis 2001, elle a grandi petit à petit dans le paysage politique martiniquais avant d’arriver sur le siège parlementaire et très vite elle questionne le gouvernement sur ses responsabilités à propos de la catastrophe naturelle qui touche les Antilles. « Il serait temps qu’il y ait une organisation avec tous les acteurs de la société civile pour gérer le problème des sargasses » lance net la députée. « Et malgré l’urgence de la situation actuelle, il est primordial de répondre à la question suivante : Comment dote-t-on les Outre-Mer des moyens, à long terme, pour lutter contre les sargasses ? » Question qu’elle pose à son interlocuteur sans jamais le quitter du regard, avant de conclure toujours avec calme et douceur « Il faut qu’il y ait un Monsieur Sargasse qui pilote le tout mais également un plan spécifique à chaque département. » Ce n’est que le préambule d’un dossier qu’elle a prévu d’attaquer de bout en bout. Manuela Kéclard-Mondésir a déjà pris rendez-vous avec les assurances pour discuter de la toxicité de ces algues brunes et leur impact sur les particuliers. Mais pour cela il va falloir que l’état de catastrophe naturelle soit reconnu et ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour si l’on en croit Nicolas Hulot. Et puis ce dossier n’occulte pas les autres : le chlordécone, l’Asulox – dont elle doit s’occuper prochainement - le transport ou encore la formation.
Encadré :
Le 24 mai dernier, la délégation des Outre-mer a auditionné Murielle Pénicaud, la Ministre du Travail, au sujet de son projet de loi sur l’apprentissage et la formation. Un sujet important sur lequel la députée s’est exprimée longuement lors de notre entretien :
« Il faut que le regard sur les jeunes change. Il est temps de les prendre en considération et de se rendre compte de leurs qualités. Et cela passe tout d’abord par les entreprises. C’est à elles de former l’avenir du pays. En Martinique par exemple, on manque de techniciens en fibre optique. Alors même qu’il y a un grand projet d’installation de fibre sur le territoire, que l’on n’a pas de formation en Martinique, on va chercher des travailleurs extérieurs qui ne restent pas. Et on se mord les doigts lorsqu’il y a besoin de faire des travaux de maintenance. Pour cela, il est crucial d’aborder la formation et l’apprentissage de façon sérieuse : créer une filière d’ingénieur, de BTS de Bac pro en partenariat direct avec les entreprises. Et ce n’est pas un marché de niche puisqu’ il y a 600 emplois qui sont à la clef. »