Outremerlemag : Si vous deviez faire un tableau de vos souvenirs de mannequin, qu’y mettriez-vous ?
Mounia Orosemane : J’y mettrai d’abord la matière, j’aime le mélange des matières de la Haute Couture comme le gazar, la mousseline de soie. Je pourrai les mélanger sur une toile avec de la peinture à l’huile et beaucoup de lumière.
Outremerlemag : Comment êtes-vous venue à la peinture ?
Mounia Orosemane : Je peins depuis une vingtaine d’années depuis mon passage chez Yves Saint-Laurent où je suis restée 17 ans. Dès mon début de carrière, je peignais au 7ème étage dans ma « petite chambre » qui me servait d’atelier. Je demandais à mes amis comme Henri Guédon, artiste-plasticien de la Martinique ou César le talentueux sculpteur, de me conseiller sur mon travail. Henri aimait ce que je faisais, quant à César il me déconseillait de rentrer dans une école d’art, ce qui risquait de dénaturer ma spontanéité.
Outremerlemag : Vous nous parlez de célèbres artistes, des Maîtres de peinture, comment avez-vous pu garder cette humilité ?
Mounia Orosemane : Je suis profondément simple. Je savais retrouver mon équilibre bien que j’ai évolué longtemps dans un milieu qui subsiste grâce aux artifices. Je n’ai jamais oublié d’où je venais. Je savais très vite que « le paraître » était là pour faire rêver les autres. Cela m’a valu d’ailleurs quelques réflexions pas très aimables mais cela ne m’a jamais désaxée. Je sais ce que je veux et j’aime dans la vie : la simplicité. J’ai toujours la tête droite sur mes épaules.
Outremerlemag : Le Docteur es Arts Plastiques René Louise, dans votre catalogue vous décrit comme « notre Palmier Royal, enracinée dans son île natale où elle se bât contre vents et marées… ». Que cela signifie t’il pour vous ?
Mounia Orosemane : Je suis quelqu’un qui s’est toujours battue dans la vie. Je n’aime pas le « i bon kon sa » comme on dit chez nous. J’aime la perfection et aller au bout de ce que j’envisage. M’arrêter en chemin n’est le choix que je fais. J’ai toujours tenté de faire le mieux que je pouvais pour mon pays et les miens. Ma spontanéité m’accompagne toujours et m’a permis de faire de belles rencontres et de belles choses.
Outremerlemag : Que représente Massk’à Moi ?
Mounia Orosemane : C’est définitivement mon masque à moi, celui qui me reflète envers les autres. Pour moi, il est plutôt positif, et si il arrive qu’il y ait quelque négativité, je transcende en y faisant refléter toujours le meilleur. Tant envers les être humains, les animaux ou la nature.
Outremerlemag : Qu’en est-il de la chanson ?
Mounia Orosemane : Ah la musique revient comme un cheval au galop… (rires)
Je finis l’album « Mounia - Groove African Reggae ». C’est un album que Jeff Joseph avait commencé à m’écrire. Les musiciens du célèbre groupe Jamaïcain Gentleman ont accepté de m’accompagner pour son enregistrement. On peut déjà entendre un titre sur les ondes. Certaines mélodies sont de moi mais la majorité de Jeff.
Outremerlemag : Quels sont les pays où vos auriez pu vivre hormis le vôtre ?
Mounia Orosemane : Définitivement le Japon ! J’aime cet endroit. J’aime Tokyo surtout Osaka. J’aime cette culture qui ne lésine jamais sur la perfection. J’aime les couleurs du Japon. Le rouge japonais que l’on retrouve dans mon expo.
Outremerlemag : Auriez-vous un petit côté taureau qui fonce face au rouge ?
Mounia Orosemane : Paradoxalement il semble que le taureau n’aime pas le rouge. Mais pourquoi pas, c’est peut être lié à mon signe Capricorne et à mon ascendant taureau.
Outremerlemag : Pouvez-vous nous parler de votre association en Haïti ?
Mounia Orosemane : « Mounia pour l’amour des enfants » existe depuis plus de 15 ans. Le réel travail a pris son essor après le séisme de 2010. J’ai accompagné des enfants en bas âges pour lesquels j’avais créé une école à Cité Soleil. Voir des enfants boire de l’eau souillée par la boue m’a véritablement interpellé. J’ai donc choisi de les protéger et de leur construire un espace. Cet espace Adelson Jean du nom de son directeur prend forme et aujourd’hui est soutenu par l’Ambassade de France à travers Monsieur Didier Lebrède, et l’humanitaire et docteur Bernard Kouchner qui ont été les premiers à m’aider. Puis nous avons creusé à plus de 50 mètres avec le SMA de Martinique et de Guadeloupe, et une ONG de Trinidad pour avoir un puits. Ce fut une aventure entre un collectif français et caribéen. Je remercie encore ces soutiens qui font que cet orphelinat-école qui reçoit 140 enfants dont une trentaine de prises en charges totales. Nous sommes toujours à la recherche d’un minibus pour les transporter et qu’ils soient complètement autonomes lors de sorties diverses… Et bien sût nous avons besoin de toute l’aide qui puisse venir de l’extérieur.
Outremerlemag : Que deviennent donc ceux qui ont grandi, participent t’ils à l’évolution du lieu ?
Mounia Orosemane : Bien sûr, il y en a beaucoup qui reviennent le week-end pour aider les plus petits. Ils participent activement à leur éducation. L’école doit d’ailleurs être homologuée bientôt par l’état haïtien.
Outremerlemag : en revenant à votre actualité, à quelle édition en êtes-vous et combien de temps pour la création de celle-ci ?
Mounia Orosemane : En fait je crois être à la quinzième édition. Pour cette dernière, il m’a fallu deux ans d’un intense travail pour y aboutir. Et véritablement c’est beaucoup de moi que j’ai mis là dedans.
Outremerlemag : Quels matériaux avez-vous utilisés pour Massk’à Moi ?
Mounia Orosemane : Il y a du bois simple, des écorces de l’arbre précieux le Mahogany, du bois flotté de la récup, du bois d’ébène récupéré auprès des militaires qui m’accompagnent pour les missions en Haïti. Et bien sûr de la toile que je travaille avec la peinture et la brûlure qui est une facture que j’ai adoptée et qui s’ajoute à ma signature. Cela permet de me passer pour certaines d’encadrement. La toile est maitrisée par la brûlure qui permet de travailler encore le dessin que je veux donner à la toile.
Outremerlemag : En conclusion que pouvez-vous nous dire de ces nouveaux accessoires pour le petit-déjeuner ?
Mounia Orosemane : Oui j’ai commandé des trêts créoles que transportaient nos marchandes pour le marché. Dans ceux-ci j’ai peins et cela peut être choisi comme une œuvre d’art ou comme un plateau enrichi.
Outremerlemag : En regardant dans le rétroviseur, qu’y voyez-vous ?
Mounia Orosemane : Ah là, j’y vois malgré tout une sublime vie pour laquelle je ne cesserai de remercier. Peu de compréhension par moment mais j’ai su le surpasser. Je regarde vers l’avenir, simplement avancer avec sérénité et amour.
Outremerlemag : Pour conclure que diriez vous à ceux qui vous visite et vous lis ?
Mounia Orosemane : Il y a toujours une solution aux maux. Il nous faut garder l’espoir. Il y a le Yang & le Ying. Le oui ou le non. Malgré la dureté de la vie, les atrocités, tâchons de rester positifs. Il y a toujours une lumière et une porte qui s’ouvrira pour chacun de nous. Il y a un espoir jusqu’au dernier souffle.
*Massk’à Moi jusqu’au 31 Juillet à la Galerie Arsenec – Atrium Fort-de-France
6, rue Jacques Cazotte – 97200 Fort-de)France – Martinique
Tél : 0596 60 78 78
Association MOUNIA : www.mouniapourlamourdesenfants.org