Société

×

Avertissement

JUser::_load : impossible de charger l'utilisateur ayant l'ID 176

dimanche, 08 mars 2015 16:59

Un an après l'interview de Patrick Collet - Rien n’a changé ?

Il y a tout juste un an Outremerlemag avait interviewé Patrick Collet Président des Gérants des Stations services sur la formation du prix du Carburant. Cette interview avait suscité l’émoi d’un confrère qui confondait l’intérêt de l’information à un cancan déplacé… Après plus d’une année, aucun écho n’est venu en réponse au cri d’alarme lancé par Patrick Collet. La problématique est intacte, les parties concernées ne veulent rien lâcher au détriment des consommateurs ultramarins qui seront inévitablement victimes ou otage à terme et  malgré eux.

Avant hier, l’ancien Ministre de l’Outremer, auteur de la nouvelle loi sur le carburant en Outre-Mer a été contraint de quitter une réunion en préfecture de Guadeloupe sous bonne escorte après avoir chauffé à blanc les gérants des stations services. C’est dire que la tension est à son paroxysme et que la cocotte minute est prête à exploser.

Ce qu’il faut craindre c’est l’embrasement du climat social en Outre-Mer à partir de cette étincelle…
Outremerlemag vous propose à nouveau cet entretien plus que jamais d'actualité avec Patrick Collet Président des gérants des stations services de la Guadeloupe. Vous verrez que rien n’a changé…

OUTREMERLEMAG : Le décret Lurel sur la formation du prix du carburant en Outre-mer a soulevé un tollé de la part des gérants de stations. Vous dites que ce décret condamne l’avenir des emplois dans cette filière.  Les pétroliers vont automatiser leurs stations et supprimer les postes de gérant de station y compris leurs employés. Est-ce un argument  ou une réalité ?

Patrick Collet : Les pétroliers ont envoyé au mois de septembre 2013 un courrier d’une grande clarté aux gérants de stations-service leur indiquant qu’ils pensaient changer le mode actuel de distribution si le décret LUREL s’attaquait à leurs intérêts. Cela est la réalité. Il faut souligner que 2 stations en Martinique et 4 en Guyane sont actuellement gérées directement par les compagnies pétrolières. Cela veut dire qu’ils ont déjà mis à exécution leurs menaces.
Changer de système, cela veut dire automatiser, comme c’est le cas dans l’hexagone.
Automatiser, c’est faire disparaître l’emploi comme cela a été le cas dans l’hexagone dans les années 80 :
suppression de 200 000 emplois
disparition de plus de 30 000 stations-service. Au début des années 80, on pouvait compter plus de 45 000 stations et aujourd’hui elles sont moins de 10 000.
Le décret de décembre 1986 qui a instauré le principe de la liberté des prix n’a pas permis une baisse du prix à la pompe, mais, par contre a engendré un désastre économique et social.
Nous ne voulons pas importer en Guadeloupe ce  modèle porteur de désespérance économique et sociale et qui de surcroit ne permet pas une baisse des prix à la pompe.

Nous avons mis sur pied un modèle social vertueux qui permet l’emploi de près de 4000 personnes sans qualification dans les DOM : nous tenons à le préserver.

OUTREMERLEMAG : En s’attaquant à la formation du prix du carburant, l’ancien Ministre Victorin Lurel veut-il réduire les marges exorbitantes que pratiquent les pétroliers auxquelles  se rajoutent celles des gérants ?

Patrick Collet : Nous tenons à signaler que les gérants n’ont pas fait de demande de revalorisation de marge depuis 2007 alors que leurs charges n’ont pas cessé d’augmenter (le smic a augmenté de plus de 10% de 2007 à aujourd’hui, interdiction de vendre des boissons alcoolisées réfrigérées, accord BINO, baisse des ventes d’essence de plus de 10% à cause de la crise et de la diésélisation du parc automobile  ect..). La grande majorité des stations ont des problèmes financiers et beaucoup sont obligées de licencier.
Les stations font fantasmer, les gérants ne sont pas des pétroliers qui font partie du CAC 40, ce sont des chefs de petites entreprises comme les autres qui vivent et subissent la crise. Au vu de ce qui vient d’être dit, vouloir s’attaquer aux gérants est absurde et n’a pas de sens.

Nous tenons aussi à dire que notre marge de détail en Guadeloupe est supérieure à celle des autres DOM à cause d’une convention collective très lourde qui n’existe nulle part ailleurs.
Les employés bénéficient :

  • Du 13ème mois
  • D’une prime de transport de 60 euros
  • D’une mutuelle-prévoyance d’un montant de 95 euros
  • De tickets restaurant d’un montant de 140 euros
  • De l’accord BINO (100 euros)
  • D’une grille d’ancienneté allant jusqu'à 21% d’augmentation de salaire après 20 ans de présence
  • De jours de congés supplémentaires en fonction de l’ancienneté
  • etc…


Un pompiste coûte par exemple en Guadeloupe 8,7 centimes d’euros sur le prix du litre de carburant, ce n’est pas rien…
Notre marge de détail étant de 12,584 centimes d’euros, vous comprendrez bien que plus des 2/3 de la marge des gérants sont affectés aux salaires.


OUTREMERLEMAG : On nous dit que Le décret Lurel poursuit l’objectif suivant : donner plus de pouvoir d’achat aux ultramarins lésés par le mode de calcul actuel (décret Penchard 2010).  Pour plus de transparence, pouvez- vous  donner au grand public ce  mode de calcul : (Pétroliers et Gérant + Sara). Ce mode de calcul aurait pour conséquence une augmentation significative des bénéfices des pétroliers.  Pouvez-vous nous faire part du nouveau mode de calcul de la formation des prix du carburant contenu dans le décret de méthode logiquement annexé au décret applicable depuis le 1er janvier 2014 ?

Patrick Collet : Ce nouveau décret a pour objectif de réduire le résultat de la SARA de 30%, ce qui est considérable pour une entreprise. Il veut amener soi- disant encore plus de transparence au niveau de certains acteurs de la filière, mais il oublie volontairement un acteur primordial qui est la Région. Pour rappel, selon le produit, le Conseil Régional de la Guadeloupe perçoit jusqu’à 56 centimes sur le prix d’un litre d’essence.
L’ancien ministre de l’Outre-Mer veut de la transparence pour tout le monde sauf pour la Région.
Avec les taxes perçues, combien d’emplois la Région Guadeloupe a-t-elle créé ?
En 2004, lors de son accession au pouvoir à la Région Guadeloupe, Victorin LUREL avait promis la création de 27 000 emplois. Entre 2004 et aujourd’hui, il y a près de 30 000 chômeurs de plus…
Nous, on veut de la transparence pour tout le monde y compris la Région.


OUTREMERLEMAG : Il y a eu une rencontre le 9 janvier 2014 dernier à Paris, qu’en est il ressorti ?

Patrick Collet : Suite aux échecs avec le ministère des Outre-Mer de l’époque, il avait été clairement établi que celui n’avait jamais voulu d’une véritable concertation. Il a voulu faire passer son décret en force. Nous avons demandé l’arbitrage du premier ministre. Ce dernier a proposé que dorénavant  les concertations se feront sous l’égide du ministère des  finances à Bercy.
La réunion du 9 janvier 2014 présidée par le ministère des finances a permis un échange intense et constructif afin de bien identifier les inquiétudes des acteurs de la filière carburant. Des réunions techniques en fonction d’un calendrier à définir, sont prévues pour apporter de véritables solutions qui permettront  de protéger notre modèle social.
Enfin, nous avons l’impression que le gouvernement se donne les moyens pour une véritable concertation.
Malheureusement ces belles intentions sont restées lettres mortes à ce jour un an après nous n’avons pas avancer.

OUTREMERLEMAG : LA SARA appartient aux compagnies pétrolières  selon la répartition suivante : Le groupe Total détient 50% du capital, Rubis 25,5% le groupe Exxon Mobil à 14,5%. Les Pétroliers sont donc en situation de monopole.
Le décret de Victorin Lurel  intervient sur le prix d'achat des carburants par la raffinerie, et à la création du « prix sortie Sara ». Qu’est-ce que cela va changer pour le consommateur puisque les dividendes des pétroliers resteront inchangés quelles que soient les formules retenues ?

Patrick Collet : Depuis le début, nous posons le problème de l’impact de ce décret sur le prix à la pompe. Nous affirmons de manière claire que ce décret ne permettra aucune  baisse des prix à la pompe. Dire le contraire, c’est travestir la vérité.
Les 10 millions d’économie réalisés sur la SARA représente à peine 0,008 euros (soit moins d’un centime) d’économie sur un litre d’essence vendu. En Guadeloupe, un automobiliste consomme en moyenne 140 litres de carburant par mois, cela veut dire que l’économie réalisée n’est que de 1,12 euros par mois, c’est ridicule.
Mais en face, il y a le problème de la gestion des stocks stratégiques que ne veut plus gérer la SARA et cela va engendrer indéniablement une dépense nouvelle de plus d’un centime d’euro pour le consommateur.
Donc l’essence ne peut pas baisser et cela a été confirmée lors de la réunion  du 9 janvier à Bercy.
Il faut dire la vérité aux populations domiennes.

OUTREMERLEMAG : Pensez-vous que l’avenir politique du Victorin Lurel et Marie-Luce Penchard dépendrait de décrets interposés au détriment de l’intérêt supérieur des ultramarins ?

Patrick Collet : Nous ne pouvons vous répondre. Par contre, nous regrettons que le sujet sur le carburant soit toujours abordé de manière passionnelle sur fond de démagogie par nos politiques et certains syndicats.
Certains en ont fait leur fond de commerce.
C’est un sujet complexe qui doit être abordé de manière beaucoup plus sereine afin de préserver l’intérêt général.
Par exemple, il n’est pas normal qu’un ministre de la République (en l’occurrence Victorin LUREL) se comporte avec les gérants comme s’ils étaient des adversaires politiques. On a l’impression qu’il est en campagne politique contre des hommes et des femmes qui se battent tout simplement pour la préservation de leurs outils de travail. C’est ahurissant…
Nous n’avons jamais vu dans l’hexagone un ministre de la République se comporter de la sorte et pourtant il y  en a des conflits durs et violents (voir GOODYEAR…)
Nous avons été victime d’une campagne de dénigrement, de calomnie sans précédent de la part d’un ministre dont la volonté était manifestement de dresser la population contre nous ; cela est inadmissible et dangereux dans un département gangréné par le chômage et la violence (nous battons tous les records à ce niveau) ; un département où le lien social est distendu…
Nous avons  assisté à un spectacle surréaliste, déplorable qui ne grandit pas la classe politique.
Nous sommes des chefs d’entreprises qui créent de la richesse et des emplois, nous méritons un peu plus de respect (il en est  de même pour tous les chefs d’entreprises de manière générale) surtout dans le contexte actuel  où il y a manifestement de réelles difficultés à créer de l’emploi.

OUTREMERLEMAG : Rétroactivement, depuis la crise de 2009, qu’y a t-il de changé dans nos départements ?

Patrick Collet : Concernant le carburant, beaucoup de choses ont changé.
Les populations domiennes comprennent mieux les raisons qui font varier le prix à la pompe (prix du baril, parité euro/dollar ect…).
Avec le décret Penchard, les prix changent à la fin de chaque mois pour tenir compte des facteurs cités précédemment.
Les populations domiennes ont aussi constaté que  nos prix étaient souvent équivalents ou inférieurs à ceux de l’hexagone.
Par exemple, un litre de gasoil coute 1,26 euros en Martinique, soit un cout largement inférieur à ce qui se pratique en France et même en Europe alors qu’il existe des pompistes.
Le décret Penchard, fruit d’une large concertation a apporté une réelle transparence.

D’un point de vue  général, rien n’a changé. La situation a empiré.
Il y a beaucoup plus de personnes qui pointent à pôle emploi, la violence atteint des sommets, les jeunes sont désemparés car la moitié d’entre eux ne travaillent pas … Nous sommes sur une poudrière et il y a de quoi être inquiet…
Beaucoup de nos politiques ne pensent qu’à leurs carrières, leurs images et basent leur politique uniquement sur de la communication et rien d’autre.
En fait, ils n’ont pas de projets et sont déconnectés de la réalité. Il y a très peu d’hommes politiques comme Felix PROTO…
Dans un contexte aussi difficile, on a besoin d’hommes et de femmes qui ont le sens du pays comme le disait le regretté philosophe Raoul SERVA.
Oui, rien n’a changé… On peut difficilement faire du neuf avec du vieux…

Partenaires

CANGT NORD GRANDE TERRE
CAP EXCELLENCE

Derniers articles

Les + lus

Rejoignez-nous sur Facebook

Recevez les actus par email

Recevez par mail les dernières infos publiées sur OUTREMER LE MAG'

Rechercher