« Aznavour c’est tout, c’est un monument, c’est la tour Eiffel. C’est un homme avec un grand H, et il restera unique ». Jessye Belleval a fait la rencontre de Charles Aznavour lorsqu’elle était petite. « La Bohème, c’est une chanson que ma mère écoutait beaucoup quand j’habitais en région parisienne. » se rappelle la chanteuse. « C’est vrai que le dimanche il y avait beaucoup de musiques antillaises qui résonnaient dans l’appartement, mais il y avait aussi de la variété française et principalement cette chanson. Je la chantais sans trop comprendre les paroles. Et puis en grandissant elles ont infusé en moi. » C’est à la fin de l’année 2017, notamment après avoir assisté à un concert de l’artiste, que Jessye décide de passer le pas et de contacter les éditions Raoul Breton, la maison d’édition du crooner franco-arménien. Mais tout ne s’est pas fait d’un claquement de doigt. Car le projet de Jessye était d’interpréter la chanson en créole avec en toile de fond le BUMIDOM. « Il a fallu que j’envoie la traduction, une maquette etc. Ils voulaient être sûrs que je ne dénaturais pas l’âme de l’œuvre originale. Et la réponse a été positive à ma grande surprise » s’extasie encore Jessye.
« Aznavour, c’etait le meilleur rappeur »
Autre réponse celle de Misié Sadik. Le saintannais a accepté sans l’ombre d’une hésitation la sollicitation de Jessye Belleval, car il se reconnaît dans les paroles du crooner. « C’était un artiste qui savait faire vivre les mots. Avec ses chansons on avait tout de suite les images. Et c’est un peu la même chose chez nous, je me retrouve beaucoup dans sa façon d’aborder la vie et de vivre sa musique. Quant à ses textes, ils étaient aussi percutants que ceux des rappeurs. Pour moi Aznavour c’était le meilleur rappeur ».
Exilé(e)
Même si La Bohème reste le canevas du projet, la chanson de la Gosérienne a pris un autre nom, Exilé(e), afin de prendre son propre chemin. Le décor n’est plus Montmartre mais Basse-Terre. « Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre » laisse place à « S’i té sav kay té rivé, i pa té gen kité ti kaz é fanmi a-y (1) ». Tout comme la Bohème, cette œuvre relate un temps passé mais dont les effets sont encore actuels. « Pour moi, c’était vraiment délicat d’écrire cette chanson car elle mélange histoire et politique ». résume l’auteure, tout en se souvenant de l’origine de l’idée. « Je suis tombé par hasard sur un reportage traitant BUMIDOM, diffusé sur France Ô » se souvient Jessye Belleval. « Et je me suis dit, il faut encore en reparler parce qu’il y a beaucoup de jeunes qui ne connaissent pas ça. C’est un cri qui est encore dans notre mémoire ».
(1) S'il(elle) avait su ce qu'il allait arriver, il(elle) n'aurait jamais quitté sa maison et sa famille
Question croisée : Que retenez-vous de Charles Aznavour ?
Jessye Belleval : « Son humour. Quand je l’ai vu sur scène pour la première fois en vrai (le 13 décembre 2017) c’était vraiment grandiose et bien sûr, j’aurais aimé chanter un jour à ses côtés. Je me rappelle la facilité qu’il avait de communiquer avec son public. Ce fut un grand partage et un grand moment d’émotion. »
Misié Sadik : « Sa joie de vivre et son humilité. Pour moi c’est quelqu’un qui a toujours su rester simple malgré les strass. Et puis que dire de sa longévité ? »
Pour aller plus loin:
La chanson Exilé(e) a aussi été adaptée en version kompa
Gilles Floro a quant à lui fait une reprise de la chanson originale
Le chanteur de Maloya, Meddy Gerville, s'est aussi essayé à reprendre La Bohème
A connaitre également la très belle version en espagnol de la chanteuse Equato-guinéenne, Concha Buika