Monsieur le Président, madame la Secrétaire d’État, monsieur le Président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui dans la phase finale, du moins sur le plan administratif et juridique, de la refondation du paysage universitaire des Antilles et de la Guyane françaises. Le paysage universitaire des départements français d’Amérique a changé. Pour répondre à une revendication guyanaise, le Gouvernement s’est engagé en 2013 à créer une université de plein exercice en Guyane, en détachant le pôle universitaire guyanais,
jusqu’alors partie intégrante de l’université des Antilles et de la Guyane.
Télescopage heureux, ou planifié, de calendriers : suite à l’adoption, en juillet 2013, de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la loi dite ESR, le Gouvernement était autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, des mesures législatives modifiant les dispositions applicables à l’université des Antilles et de la Guyane pour, entre autres, adapter le titre V. L’ordonnance fut présentée en juillet 2014 et le projet de loi de ratification, déposé au Sénat le 3 décembre 2014.
À l’instar du sénateur Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je voudrais souligner que le texte initial ne tirait aucune conséquence du démantèlement de l’UAG décidé en 2013. Le Gouvernement ne pouvait modifier le code de l’éducation pour changer le périmètre de l’UAG et lui substituer une université des Antilles, le champ de l’habilitation prévu par l’article 128 de la loi du 22 juillet 2013 se limitant à une adaptation d’une partie des dispositions à l’UAG. Et ce, alors même que la composante guyanaise de l’UAG devenait une université de plein exercice par le décret no 2014-851 du 30 juillet 2014.
Cela aurait pu et dû être anticipé. Ou alors, cette séquence de décisions prises par le Gouvernement, que je qualifierais de malheureuse, pour le moins, aurait dû être expliquée aux universitaires, ou plus encore, aux étudiants.
La plupart d’entre eux restent sous le choc de la séparation, tout en subissant un intense parasitage de l’affaire du CEREGMIA, le centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée. Bien des malentendus actuels et à venir auraient pu être ainsi évités !
Ce n’est donc qu’à l’issue des travaux de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, le 14 janvier 2015, que le texte en discussion a pris sa forme actuelle.
S’inspirant des principales propositions avancées par un groupe de travail mis en place par cette même commission et dont le rapport d’information est sorti il y a un an, fin janvier 2014, ce texte vise à acter juridiquement la transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en une université des Antilles. Finalement, le débat parlementaire sur le sort de l’université des Antilles n’est possible que depuis un mois !
Toutefois, le rythme exceptionnellement bref des travaux parlementaires ne peut être imputé uniquement à l’urgence ou à la fragilité de la situation de l’UAG ! Tous s’accordent sur le fait que notre université a été, pendant de longues années, le théâtre de crises récurrentes, dont l’origine est plus ou moins connue…
Certes, l’UAG, privée de sa composante guyanaise de manière assez brutale, il faut le redire, ne pouvait espérer une amélioration sans une refondation importante de son organisation. Mais l’urgence imposée à nos travaux provient bien plus du calendrier, à mon sens exagérément précipité, de la création de l’université de la Guyane et des conséquences de cette décision, essentiellement juridiques et administratives, sur ce qui reste de l’UAG.
Sans jamais remettre en question la légitimité de la création de l’université de la Guyane, j’ai eu l’occasion, à trois reprises au moins, d’attirer l’attention du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité d’accorder le temps nécessaire à la concertation, notamment pour que la communauté universitaire antillaise s’empare du projet de l’université des Antilles.
Dans une question écrite, publiée au Journal officiel le 12 novembre 2013, je relayais les inquiétudes sur l’avenir des implantations de l’université en Guadeloupe et à la Martinique. Je faisais déjà remarquer que les évolutions entrevues, menées à marche forcée, ne suscitaient que peu l’adhésion des acteurs de nos territoires et ce, quelles que soient les options d’organisation institutionnelle proposées.
Dans une autre question écrite, publiée le 22 avril 2014, je réitérais mes craintes de voir l’avenir de l’unique établissement d’enseignement supérieur et de recherche de la Guadeloupe et de la Martinique assujetti au calendrier prévu pour le décret de création d’une université de plein exercice en Guyane.
Dans une question au Gouvernement, le 7 mai 2014, je réclamais l’organisation d’une consultation des forces vives antillaises de l’enseignement supérieur. Les réponses d’alors se voulaient partiellement rassurantes. Promesse était faite de soumettre à consultation les décrets créant les deux universités. Cette consultation ne fut que très partielle, et restreinte à peu d’acteurs universitaires !
Il faut dire aussi que l’implémentation de ce projet de refondation s’est montrée bien plus délicate que prévue. Pour l’essentiel, le texte ne vise qu’à traiter des conséquences juridiques et administratives sur l’UAG, restreinte aux pôles universitaires de Guadeloupe et de Martinique, de l’engagement de l’État à doter la Guyane d’une université de plein exercice.
Ainsi, il propose de rapprocher la composition du conseil d’administration de l’université des Antilles, dorénavant constitué de deux pôles, l’un installé à la Guadeloupe et l’autre à la Martinique, du droit commun des universités, tout en assurant la présence d’au moins un représentant des autres organismes de recherche présents sur chacune des deux régions. Le texte vise aussi à clarifier les éléments constitutifs des pôles universitaires régionaux, afin de distinguer les services qui leur sont propres des services communs et de l’administration générale de l’université. Ce dernier point constitue à mes yeux une réelle avancée. Cela répond à la nécessité d’acter l’autonomie des pôles
universitaires sur les deux régions.
Dans le même esprit, je voterai l’amendement présenté par le Gouvernement qui vise à intégrer le patrimoine mobilier et immobilier de chacun des pôles dans les éléments à prendre en compte par le CA de l’université des Antilles pour la répartition des moyens. Au passage, je salue l’effort de la région Guadeloupe, qui investit plus de 100 millions d’euros, dans l’intérêt de nos étudiants.
Le texte propose encore de préserver la transversalité de la recherche au sein de l’université. Enfin, dans une tentative d’apporter une solution aux divergences identitaires qui menaceraient l’université des Antilles, le texte propose d’organiser la continuité et la stabilité de la gouvernance, en confiant la responsabilité de la rédaction des statuts du nouvel établissement, conformément aux dispositions de l’ordonnance du 17 juillet 2014, aux membres du conseil d’administration de l’UAG, au titre des régions Guadeloupe et Martinique, en exercice à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
Il propose de garantir la cohérence stratégique et l’unité de l’établissement, en prévoyant la mise en place d’un ticket de trois candidats à la présidence et aux vice-présidences de pôle, afin que les pôles universitaires régionaux exercent pleinement leur autonomie dans le respect du projet global de l’université.
Sur ces derniers points, je ne suis pas certain que l’élection commune d’un trio composé du président de l’université des Antilles et des deux vice-présidents de pôle par le conseil d’administration garantira l’entente cordiale. Bien au contraire, cela risque de miner la légitimité des vice-présidents sur chacun des pôles. C’est pour cette raison que je voterai l’amendement présenté par le Gouvernement, conformément aux principes actés par les présidents des deux régions où est implantée l’université des Antilles. Cet amendement supprime l’élection d’un ticket pour rétablir l’élection des vice-présidents de pôle par les élus de chaque pôle et celle du président par le conseil
d’administration de l’établissement.
Je ne suis pas le seul ici à voir que le démantèlement de l’UAG, quelles qu’en soient les raisons, et sans que les parlementaires des trois départements aient été consultés, marque un échec patent !
Dans les régions continentales de la France, le processus inverse consistant au regroupement d’universités autour de grandes universités à rayonnement international est d’ores et déjà en phase d’achèvement. Comment dans ces conditions, donner corps à une égalité des chances véritable, dont profiteraient les jeunes de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Guyane ?
L’université des Antilles et de la Guyane, l’UAG, se devait d’assurer, comme tout établissement de recherche et d’enseignement supérieur, des missions d’intérêt général. Mais ce n’est qu’à travers son originalité profonde que celles-ci pouvaient être véritablement appréciées.
Anticipant le vote de ce texte, j’ai sollicité, hier encore, le Gouvernement afin qu’il s’engage à favoriser, à l’aide de dispositions spécifiques, la coopération entre l’université des Antilles et l’université de la Guyane. Il ne tiendra qu’à nous, représentants de nos régions, aux côtés du monde universitaire et avec, nous le souhaitons, l’aide de l’Etat, de faire en sorte que cette refondation universitaire soit, au bout du compte, l’occasion de bâtir une réelle offre d’avenir pour notre jeunesse et de renforcer les moyens d’expertise de nos laboratoires.
Vous l’aurez compris, chers collègues, je plaide pour un fonctionnement équitable de cette nouvelle université de la Guadeloupe et de la Martinique, mais surtout pour une excellente collaboration, une fraternité de nos deux îles, dans l’intérêt supérieur de nos jeunes.
Source: communiqué de presse d'Ary CHALUS