La mobilisation est donc générale de la mer aux rivières et aux eaux souterraines.
Sur Petite Terre, là où l’eau potable manquait il y a 10 ans, une usine de désalinisation à été construite. Mais les gens n’aiment pas cette eau et la trouvent salée... des conduites sous-marines pour compléter la production « ou » adoucir le goût de l’eau ont été construites. A l’extrême sud de la Grande Ile, zone aride et érodée, les rivières ont presque toutes été asséchées. Les forages sont le seul recours. Ces travaux énormes justifient que l’eau jadis gratuite soit désormais facturée. Un fait que la population ne comprend pas toujours. D’autant que la gestion de l’eau est venue bouleverser les habitudes culturelles.
76% de l’eau potable de la Grande Terre vient de l’eau de surface, des rivières et des cours d’eau, La construction de retenues collinaires répond aux besoins pendant la saison sèche, mais oblige au contrôle de la pollution en amont des captages, là où les bouviers conduisent leurs zébus, où l’on lave son véhicule et surtout là où se font les lessives. Une tradition à laquelle tiennent les mahoraises pour des raisons économiques comme l’explique Samaouia de Chiconi « Si je lave chez moi, je vais penser à Sogéa. C’est peut-être 10 euros que j’ai consommé... si je lave ici, il n’y a pas de compteur, ça ne tourne pas, c’est gratuit, c’est la nature. « Sans compter le côté convivial du rendez vous à la rivière. Les lavoirs nouvellement construits sont vides : trop près de la route et la lessive s’y fait debout. Car la tradition pèse comme le souligne Abdallah Angatahi président d’une association environnementaliste « les gens viennent déposer des trucs pour les Djinns. Là on voit des oeufs, des gâteaux. Pour soigner les gens qui sont malades, qui ont des mauvais esprits. Il y a toujours un culte qui se poursuit ici«
33 000 compteurs ont été installés pour une population d’environ 180 000 habitants. L’île fonctionne à deux vitesses. En bas les lotissements modernes raccordés au réseau, où l’eau est entrée dans les maisons. En haut, des habitations où l’organisation de l’espace collectif et familial est resté le même : la cuisine se fait toujours dans la cour, l’espace pour la toilette, le Bandricho , est le plus souvent resté dehors. L’eau impure n’est pas entrée dans la maison. Ces branchements extérieurs souvent collectifs font que 15 % de la population va chercher l’eau dans les bornes-fontaines grâce à des cartes d’accès. La situation devient plus critique quand on sait que sur les collines de Mamoudzou, 50 000 immigrants clandestins en provenance des Comores voisines s’entassent dans des zones interdites à l’urbanisation. Ces habitants ne sont ni recensés, ni comptabilisés dans les abonnés au réseau d’eau...Un marché parallèle toléré s’est développé pour éviter une catastrophe sanitaire de l’épidémie de choléra de 2001.…Souvent, la solidarité s’organise avec un voisin qui accepte la pose d’un compteur chez lui en échange du paiement de la facture. Mais la solidarité moderne a un prix car le système de facturation a été conçu pour inciter les gens à consommer moins d’eau. Les tranches sont progressives, et le prix au m3 augmente de 1 à 5 euros suivant que l’on consomme, moins de 30 ou plus de 70 m3. Quand on partage son compteur, on atteint souvent sans le vouloir la tranche la plus élevée !
Dans la perspective des 15/ 20 ans à venir avec l’augmentation de la population, il faudra réfléchir à une plus grande performance de l’utilisation de l’eau, et à son économie, voire à sa réutilisation. Mais là, on touche une problématique complexe à Mayotte : l’assainissement aura un coût supplémentaire et les résistances culturelles sont très fortes. Dans la religion musulmane les excréments et l’eau impure sont tabous...