Tirés des compte-rendus de procès au pénal et de chroniques judiciaires dans des affaires de rixes, de larcins, voire de meurtres, les témoignages de ces esclaves de La Réunion, de Guadeloupe et de Martinique, s'exprimant libres et sans fers (d'où le titre) nous livrent des informations inédites et d'une valeur inestimable sur le quotidien des plantations. La vie de ces esclaves (la peine, mais aussi la solidarité et la joie de cultiver leur jardin), leurs rapports avec leurs voisins, avec leur maître et avec leur commandeur voici ce que nous racontent Cécilia, Maximin ou Jean-Baptiste, tous esclaves dans la première moitié du XIXe siècle.
Précieux fragments de vie et d'humanité, ces témoignages essentiels nous éclairent sur un pan encore trop peu connu de l'esclavage français.
Extraits
« Achille, esclave et commandeur de l’habitation de Pierre Lafond-Barbotteau à Petit Canal (Guadeloupe), explique les difficultés qu’il a pour se faire obéir : "J’étais seul sur l’habitation. Entendant un grand bruit dans la gragerie, je m’y transportai pour faire cesser le désordre. Ambroisine se disputait avec d’autres nègres ; je lui ai donné une poussade. Elle voulut ameuter contre moi, cinq ou six de ses enfants (qui) se trouvaient là. Elle a même ramassé des pierres pour me les jeter. Je fus obligé de me servir de mon fouet pour effrayer et disperser tout ce monde : ma chemise avait été déchirée dans la lutte. Le lendemain mon maître qui était absent revint sur l’habitation : je lui racontai tout ce qui s’était passé ; il me donna 5 francs en dédommagement du linge que j’avais perdu et fit mettre Ambroisine au cachot sans la battre. On ouvrait le cachot 2 fois par jour pour lui donner des vivres. Elle y est restée environ 6 mois."

"Libres et sans fers : paroles d'esclaves français", aux éditions Fayard Histoire
Frédéric Régent est maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est rattaché à l’Institut d’histoire de la Révolution française et à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS, ENS, Paris 1).
Gilda Gonfier est directrice de la médiathèque de la ville du Gosier (Guadeloupe) et consacre des recherches aux procès d’esclaves.
Docteur en histoire, Bruno Maillard est chercheur associé au CRESOI/ Université de la Réunion, chargé d’enseignement à l’université de Paris-Est Créteil et conseiller scientifique au sein de l’association Protea.



