Outremerlemag : - Pouvez-vous nous faire en quelques lignes, la fiche économique de cette loi ?
Georges Pau Langevin : - Cette loi qui engage l’avenir de la jeunesse donne des moyens importants à l’école sur la durée du quinquennat. 54 000 postes sont accordés à plusieurs titres pour réformer la formation initiale des professeurs : (27 000 postes), pour le premier degré et le second degré (21 000 postes enseignants dont 14 000 pour l’école) et pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap, mais aussi pour améliorer la vie scolaire avec des conseillers principaux d’éducation (CPE), personnels administratifs et médico-sociaux (6 000 postes).
Nous rejetons par ailleurs l’orientation du précédent gouvernement qui consistait à supprimer un poste de fonctionnaire sur deux. Dès la rentrée 2012, non seulement nous avons réinjecté 1 000 emplois dans le système éducatif, mais nous poursuivons le remplacement de tous les départs à la retraite en organisant deux concours enseignants pour cette rentrée et la suivante. Cela représentera, d’ici la fin du quinquennat plus de 150 000 recrutements.
De plus, nous remettons en place la formation des enseignants qui avait été supprimée lors du précédent quinquennat. Celle-ci se mettra en place dès la rentrée 2013 dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). La formation des enseignants est un facteur déterminant de la réussite éducative. Toutes les études montrent en effet que les progrès d’un élève dépendent de la qualité de la formation reçue par le professeur auquel il est confié. C’est ce qu’on appelle « l’effet maître ».
Outremerlemag : - Pouvez-vous nous résumer les mesures phares de cette loi ?
Georges Pau Langevin : - La loi d’orientation et de programmation a deux volets comme son nom l’indique. Récemment promulguée elle prévoit la création de 60 000 nouveaux postes dans l’éducation nationale et donne la priorité au primaire avec la scolarisation des moins de 3 ans et des dispositifs innovants comme « le plus de maitre que de classe ». La loi acte la remise sur pied d’une réelle formation initiale des enseignants, qu’avait supprimée le gouvernement de François Fillon. Les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation doivent permettre l’acquisition d’une culture professionnelle commune de pour tous les futurs enseignants, de la maternelle à l’université. Il est notamment prévu une sensibilisation de tous aux problématiques liées au handicap. J’y tiens particulièrement car cela permettra aux enseignants d’être le mieux préparés possible pour scolariser dans leur future classe, un élève en situation de handicap. Pour la première fois, la volonté d’une école inclusive qui prend en compte les besoins particuliers (handicaps, enfants allophones etc.) est inscrite dans le texte. Le socle commun de compétences et de connaissances assure l’élévation du niveau des élèves. Ce premier volet de la refondation de notre système éducatif introduit le lien école-famille car la place des familles est primordiale si l’on veut lutter contre le phénomène de décrochage, d’absentéisme ou lutter contre l’illettrisme.
Au sein du ministère de la réussite éducative dont j’ai la charge je m’attèle particulièrement à réduire les inégalités entre les élèves qui provoquent ces phénomènes. Pour cela l’école ne peut pas aboutir toute seule c’est pourquoi le partenariat entre plusieurs acteurs peut être une solution : prévention du décrochage scolaire, notamment par une action la plus en amont possible, dès les premières absences des élèves ; refonte de la politique d’éducation prioritaire ; scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap à travers la construction d’une Ecole inclusive ; création des conditions d’une Ecole ouverte aux parents ; lutte contre l’illettrisme, grande cause nationale 2013 ; promotion de la santé des élèves à l’Ecole
Outremerlemag : - Quels seront les moyens d’appréciation que vous mettrez en place afin dévaluer l’impact et la pertinence de ce dispositif législatif. Et, sur quelle échéance ?
Georges Pau Langevin : - A l’article 33 de la loi pour la refondation de l’école est prévue la mise en place d’un conseil national d’évaluation du système éducatif qui pilotera les politiques éducatives et évaluera leurs résultats.
Par ailleurs, un comité de suivi sera chargé d’évaluer l’application de la loi. Il sera composé de députés et de sénateurs et produira un rapport annuel au Parlement.
L’association des maires de la Guadeloupe a présenté une motion signée par la majorité des maires de Guadeloupe en février dernier, exceptions faites pour Pointe-à-Pitre, Goyave, Terre de Bas et Le Moule. Cette motion demande d’une part au Gouvernement de reporter l’application de cette loi à la rentrée 2014 et, d’autre part cette motion stipule que les maires souhaitent que « le fonds d’amorçage » de 250 000 M€ prévu pour cette réforme ne soit pas réservée aux seules communes qui s’engageront en 2013, ni être une aide ponctuelle.
Outremerlemag : - Pouvez-nous dire quelle est la réponse apportée par votre ministère à cette motion ?
Georges Pau Langevin : - La réforme des rythmes scolaires est un dossier complexe mais sur lequel le constat est partagé : 144 jours seulement de classes contre 187 jours en moyenne au sein des pays de l’OCDE et une semaine courte avec 4 jours d’école ne donnent pas aux élèves de bonnes conditions d’étude. Cette extrême concentration du temps d’enseignement est inadaptée et préjudiciable aux apprentissages. Le fond d’amorçage, comme son nom l’indique a été prévu pour l’essentiel afin d’aider les communes qui appliqueront la réforme des rythmes en 2013. Il n’est pas actuellement prévu de reconduire cette mesure mais des dispositions spécifiques permettant des aides sur deux ans sont prévues pour les communes en difficulté, notamment celles éligibles à la DSR.
Outremerlemag : - Comment appréhendez-vous l’Egalité devant l’acte d’enseigner ?
Georges Pau Langevin : - Les cartes scolaires seront forcément remaniées selon que les communes auront les moyens d’offrir le meilleur épanouissement aux élèves. L’égalité n’est pas forcément l’uniformité. Les enfants ont droit à la même qualité d’enseignement et doivent suivre les mêmes programmes, mais l’école doit aussi prendre en compte la diversité des situations et notamment les langues régionales qui font partie de la culture des enfants et ce pour faciliter les apprentissages notamment en maternelle.
Outremerlemag : - Comment envisagez-vous le traitement équitablement de tous les enfants de France d’où qu’ils se trouvent sur le territoire national ?
Georges Pau Langevin : - La carte scolaire sera remaniée pour assurer une plus grande mixité sociale et scolaire. Un des grands défis devant nous est de lutter contre les déterminismes sociaux qui pèsent encore trop sur les résultats des élèves, tout particulièrement en France. C’est pourquoi, après un diagnostic précis, nous allons engager un débat autour de l’éducation prioritaire.
A Saint-Martin
Le fait d’être polyglotte est une situation qui peut comporter quelques difficultés pour les apprentissages, mais peut s’avérer bénéfique pour développer l’intelligence et la réussite. A Saint Martin la pratique d’une langue vivante autre que le français est naturel et constitue un acquis inscrit dans la culture des Saint-Martinois.
Outremerlemag : - Aussi, il convient de dire aux Saint Martinois à ce stade si les articles LO6314-9 et LO631414-10 de la loi organique, publiés dans le JO du 22 février 2007, seront pris en compte ?
Georges Pau Langevin : - Les dispositions de la loi pour la refondation de l’école ne remettent pas en cause les dispositions de la loi organique du 21 février 2007 qui a institué la collectivité territoriale de Saint- Martin. Afin de faciliter l’apprentissage de la langue française, par la prise en compte de ses spécificités culturelles et linguistiques, Saint-Martin garde ses prérogatives : d’une part mettre en place dans les écoles maternelles et primaires un enseignement complémentaire en anglais et d’autre part adopter un plan de développement de l’enseignement de la langue française.
A Mayotte
Outremerlemag : - Quel est le calendrier et les moyens qui seront alloués pour la mise à niveau de ce récent département français ?
Georges Pau Langevin : - Ce département, qui doit faire face à une forte croissance démographique, continuera à bénéficier de l’aide de l’Etat et de tous les moyens humains et investissements nécessaires à la réussite scolaire et personnelle des enfants et élèves qui y sont scolarisés. J’essayerai de m’y rendre dans les mois prochains pour faire le point sur les difficultés spécifiques qu’il rencontre.
Outremerlemag : - La formation des enseignants pour Mayotte inclura t-elle les enseignants actuels de Mayotte ?
Georges Pau Langevin : - Certaines dispositions de la loi pour la refondation de l’école de la République notamment celles relatives à la formation des enseignants et à la création d’ESPE ne s’appliquent pas pour l’instant à Mayotte. Dans ce département, la formation initiale et continue des enseignants, notamment du premier degré, est assurée par le centre universitaire de Mayotte et cette formation est de grande qualité.
C’est dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution que le gouvernement prendra par ordonnance, dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, les mesures pour étendre et le cas échéant adapter les dispositions contenues dans la loi.




