Et puis les jours passent, la maladie s’est, insidieusement, totalement installée ; elle semble s’approprier les lieux définitivement. Elle est chez elle. Malgré tous les efforts du monde pour l’apprivoiser, à défaut de s’en débarrasser, on n’arrive pas à la déloger.
Devant l’immensité de la tâche, on commence assurément à réfléchir, à se poser des questions existentielles. Certes, on pense toujours à la guérison de l’enfant, mais en plus, des idées noires commencent à envahir vos pensées et vous sapent le moral. La morbidité du mal, c'est-à-dire : la souffrance, la douleur, la mort, tout y passe ; votre cerveau devient un radar qui capte tout ; même ce qui pourrait être insignifiant pour le commun des mortels, vous semble être une bombe atomique qu’on vous fait exploser en pleine figure.
Alors que fait-on face au dilemme qui s’impose à vous ? On baisse les bras, ou on fait soi l’adage qui énonce que : « tout ce qui ne tue pas rend plus fort ».
Je ne sais pas si la maladie de mon fils Taylor m’a rendue plus forte. Une chose est certaine cependant, c’est que je suis consciente du fait que je ne baisserai JAMAIS les bras !!!! JAMAIS !!!
Désormais, je n’entendrai plus personne qui assurera que la Drépanocytose est une maladie incurable. Je n’entendrai plus personne qui mentionnera que la drépanocytose ne sera pas vaincue, je n’entendrai plus personne qui déblatérera qu’on ne peut rien pour moi. Je n’entendrai plus personne qui dira que ce combat est perdu d’avance.
Il est FAUX de soutenir que les jeux sont faits par rapport à la drépanocytose!!! Si tout le monde se mobilisait pour faire entendre la voix des malades, pour faire plier les décideurs qui décident d’ignorer cette maladie, pour faire un quelconque geste de solidarité afin de faire avancer la recherche et trouver le remède à ce mal, je suis convaincue que les choses iraient mieux pour tout le monde. Par ailleurs, si les politiques mettaient la main à la poche, si les plus nantis donnaient une miette de ce qu’ils possèdent, si les mandarins perchés en haut de leur siège descendaient un peu sur terre, si les absents de la planète réapparaissaient pour « voir » ce qui se passe ici, si tous se sentaient concernés, NOUS VAINCRONS ALORS CETTE TUEUSE PERNICIEUSE.
Mon fils Taylor a 21 ans. Au jour d’aujourd’hui, il est devenu un beau jeune homme. Sa mort annoncée à la naissance aurait pu me faire effectivement perdre pied, mais ce serait sans compter sur ma volonté qui est semblable à un roc. Une foi inébranlable qui m’a permis, jusqu’à maintenant de faire chavirer l’ordre des choses.
Il me revient en mémoire ce qu’il m’a dit un jour, au plus fort d’une crise de drépanocytose, alors qu’il était âgé de 6 ans : « maman, je vais tuer la drépanocytose, avant qu’elle ne me tue ».Puis, il a souhaité mourir à 6 ans, la douleur étant insupportable. Quelques temps plus tard, à 8 ans, il demandait seulement le droit de vivre, d’être soigné, d’avoir la chance de guérir. Voilà ce qu’était le chaos dans la tête d’un enfant qui souffrait le martyr.
La lutte est pénible et le chemin qui conduit à la guérison est, certes tracé, mais pas goudronné. Il comporte beaucoup de bosses. Il n’est pas tout droit dans la mesure où, trop d’intersections viennent faire dévier cette route. Je parle évidement des promesses non tenues, du manque de responsabilités de ceux qui détiennent un peu de pouvoir, de ceux qui ne s’impliquent pas vraiment. Mais je le confirme, je ne rebrousserai jamais chemin, je continuerai encore et toujours à véhiculer mon message contre vents et marées. Je suis certes lasse, mais pas lassée et je ne m’en lasserai jamais ! Pour Taylor et tous ces enfants drépanocytaires à travers le monde, ceux qui sont oubliés dans les fin fonds de nulle part, ceux qui sur le carnet de santé desquels est écrit en première page : « DREPANOCYTOSE HOMOZYGOTE SS » et sur lequel très il n’y a plus de place pour ajouter un mot tant les médecins auront griffonné dessus. Ceux qui, « par chance », peuvent encore être échangés, transfusés, grâce à des généreux donneurs de sang, obtiennent un mince sursis. Devant cette terrifiante constatation, je me battrai … et advienne que pourra !!!
Qu’on se le dise, je n’ai pas entamé un (CDI) un combat à durée indéterminée pour perdre et je ne décevrai pas ceux qui m’ont fait confiance et que j’ai entrainés dans cette guerre, même si ce n’est pas moi qui détiens, à moi seule, le pouvoir de faire changer les choses.
Chers amis qui lisez ces mots, aidez- moi ! Battez- vous aux côtés des malades drépanocytaires à qui on a prédit un avenir incertain. Si je vous dérange aujourd’hui encore une fois, c’est parce que mes mots ne soulagent pas encore assez les maux des malades. Ils ont besoin de vous ! Nous ne pouvons plus faire la politique de l’autruche. Nous sommes déjà très nombreux à nous battre, mais pas assez pour gagner la guerre. Nous avons besoin de toutes les forces vives.
Après 100 ans de découverte, la drépanocytose ne devait et ne devrait plus tuer !
Cette maladie est toujours injustement et mensongèrement appelée la maladie des noirs, alors tout le monde sait aujourd’hui que c’est faux ! TOUT LE MONDE EST CONCERNE, la drépanocytose, n’est pas une couleur, elle est universelle et possède un passeport d’apatride. Elle n’a pas de nationalité. La preuve ! Quand on pleure, qu’on soit, blanc, jaune, rouge ou noir, nos larmes sont toutes salées.
En un mot, votre empathie ou vos larmes ne me seront d’aucun secours, par contre, une aide concrète me confortera dans ce duel dont je tiens à sortir victorieuse, dussé-je y consacrer le temps qu’il me reste à vivre.




