Société

jeudi, 02 mai 2013 04:40

Le scandale des déportés du Tremblement de terre d’Haïti en 2010,ou le rapport d’Amnesty International

Synthèse du rapport d’Amnesty International sur les expulsions forcées dans les camps pour personnes déplacées d’Haïti.

« Le logement est un droit fondamental de la personne humaine, martèle Jackson Dolisean, défenseur des droits humains haïtiens, membre de l’organisation FRAKKA, Force de réflexion et d’action sur le logement, c’est un problème qui touche les gens des camps comme ceux qui vivent dans les bidonvilles ».

Le premier janvier 2010, le tremblement de terre qui frappe Haïti fait plus de 200 000 morts et jette à la rue quelques 230 000 personnes. Trois ans plus tard, les bidonvilles rasés par le séisme ont laissé place aux camps de fortune : des abris faits de tôles et de toiles sous lesquels se réfugient des milliers de familles. Aujourd’hui, Amnesty International crie au respect des droits humains dans son rapport sur les expulsions forcées dans les camps pour personnes déplacées en Haïti, en dénonçant les injustices dont sont victimes les habitants des camps, et les lacunes de la législation du pays.

En détruisant et en endommageant respectivement 105 000 et 208 164 bâtiments d’habitation, le séisme du mois de janvier 2010 a déclenché une crise humanitaire sans précédent : 600 000 personnes se sont réfugiées dans d’autres régions du pays tandis que 1 550 000 sont allés s’entasser dans 1555 camps improvisés.

La surpopulation des camps pour personnes déplacées a entrainé des conditions de vie épouvantable, et le départ des organismes humanitaires, début 2011, n’ont fait que réduire davantage l’accès des populations à l’eau et aux services d’assainissement et d’hygiène. Les difficultés rencontrées par les habitants, notamment en ce qui concerne l’accès à l’eau potable, la gestion des ordures, et les installations sanitaires, augmentent considérablement les risques de maladies infectieuses, tel que le choléra. Pauvreté et criminalité sont intimement liés. Le risque de viol et d’autres formes de violence constituent encore un grave sujet de préoccupation dans les camps de fortune, où les notions de confort et de sécurité sont bien illusoires.

La pauvreté, la précarité et l’insécurité prévalent donc dans les camps. La misère des personnes déplacées s’accentue encore un peu plus avec les expulsions forcées auxquels ils doivent faire face. Selon l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations), près d’un haïtien sur quatre actuellement hébergé dans un camp est menacé d’expulsion. Cette pratique, tolérée par l’État, accorde une impunité totale aux fonctionnaires, aux individus et aux groupes privés qui en sont responsables. Plusieurs familles sont  chassées des camps pour diverses raisons : reconstruction de terrains de football, dégagement de places publiques qui seraient la scène d’activités criminelles, ou, tout simplement, des propriétaires qui voulaient reprendre leurs biens.
Amnesty International dénonce la faiblesse de l’appareil judiciaire haïtien qui exclue pratiquement tout espoir de progrès en matière de prise en compte de la législation internationale en droit humain. Actuellement, la législation haïtienne n’interdit pas les expulsions forcées, ne prévoit ni véritable consultation des habitants, ni préavis avant l’expulsion, et n’interdit pas les expulsions par mauvais temps ou de nuit. En effet, « les autorités ont violé leurs obligation internationales en matière de droits humain en organisant des expulsions forcées et en négligeant de protéger les haïtiens victimes d’expulsions forcées. Elles (les familles haïtiennes) ont été marginalisés davantage et se sont enfoncées un peu plus dans la pauvreté ». Il est à noter que ces expulsions forcées s’accompagnent souvent d’actes systématiques d’intimidation, de harcèlement, de la destruction totale des logements, de violence et de vols. Ces expulsions ont de graves répercussions : en dormant dans la rue, sans rien à manger ni à boire, et avec pour seuls biens les vêtements qu’elles ont sur le dos, les personnes déplacées qui ont été expulsées de force sont à la merci d’autres violations des droits humains et de violences liées au genre. Après avoir consacré les maigres ressources dont elles disposent pour acheter des matériaux de construction (piques, bâche), les familles expulsées souffrent toujours cruellement de l’absence de services essentiels.

Un autre problème pointe à l’horizon : les quartiers informels où se sont regroupés les personnes victimes des expulsions forcées risquent de devenir de nouveaux bidonvilles. Pour prévenir l’éclosion de ces quartiers de fortune, le gouvernement  a mis en place une initiative d’aide au relogement : le projet 16/6, financé par l’OIM, le PNUD, le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets, et le Bureau International du Travail. Cette initiative a pour but d’encourager les familles à quitter les camps de fortune pour des logements de meilleure qualité : elles recevront 500 dollars des Etats-Unis sur une période d’un an, ainsi que 25 dollars pour les frais de transport. Bien qu’il soit présenté comme une initiative volontaire, le projet 16/6 suscite tout de même des préoccupations. La principale tient dans l’absence d’assistance pour trouver un logement. De plus, l’allocation offerte pour une durée de 12 mois ne permet que d’obtenir une petite pièce qui ne dispose pas des services essentiels. Une solution inadéquate à la situation que vivent toutes les familles expulsées.

Le rapport d’Amnesty International dresse le tableau noir d’une société Haïtienne ravagée par une catastrophe écologique, avec pour toile de fond une situation politique et économique alarmante. On déplore néanmoins que ce bilan ne tienne pas compte de la situation désastreuse dans laquelle était plongée la voisine de Saint-Domingue avant le séisme de 2010. Oui, le tremblement de terre a eu des conséquences désastreuses, mais il n’a fait qu’amplifier une catastrophe qui existait déjà sur le plan économique, écologique, et gouvernemental. La catastrophe écologique qui a frappé Haïti est révélatrice des problèmes douloureux non résolus que porte l’ancienne « Perle des Antilles ».

Partenaires

CANGT NORD GRANDE TERRE
CAP EXCELLENCE

Derniers articles

Les + lus

Rejoignez-nous sur Facebook

Recevez les actus par email

Recevez par mail les dernières infos publiées sur OUTREMER LE MAG'

Rechercher