Société

jeudi, 18 avril 2013 04:44

Peut-on vendre le sacré ?

 

Drouot et Christie’s ont des soucis à se faire : une  vague de refus s’étend.
Les récentes ventes d’arts dits premiers suscitent colère et revendications.
Le 12 Avril, soixante dix masques hopis, appartenant à un amateur d’art âgé, ont été mis aux enchères. De magnifiques masques de bois et de cuir, souvent très colorés comme celui de « mère corbeau » doté de plumes noires déployées, d’autres représentant des animaux.


La communauté indienne hopi, douze villages et environ 18.000 personnes regroupés sur les hauts plateaux de l’Arizona s’opposait à la vente publique de ces masques. Des masques « Katsinam » c’est à dire sacrés, car représentant (ou portant) des esprits, et ceux des ancêtres. Un référé avait été organisé afin d’interdire la vente quelques heures auparavant.

Un jugement qui mérite que l’on s’y arrête
Les hopis et l’association Survival International étaient représentés par maître Servan Schreiber. Les hopis ne constituant pas un état, il était impossible à l’avocat de s’appuyer sur la Convention de l’Unesco régissant la circulation des biens culturels. Il s’est donc appuyé sur la loi française interdisant « le commerce de certains biens comme les sépultures et les tombeaux, par le principe de fidélité et de stricte observance du respect dû aux morts ». Mais le juge Magali Bouvier n’y a vu aucun corps humain, et a estimé « que ces objets avaient certes une valeur sacrée pour les hopis, mais que cela n’en faisait pas pour autant des biens incessibles ». Jugement qui a fait le bonheur des commissaires priseurs. Ils craignaient une « jurisprudence désastreuse pour l’avenir », pouvant empêcher toute vente d’art premier à venir, et surtout suggérant le début d’une restitution généralisée des biens culturels provenant des épisodes coloniaux.

La vente eut donc lieu, sous haute tension, dans une salle pleine à craquer, décorée de peintures tribales et de la photo géante d’un grand chef Hopi datant de 1935, pour un montant total de 931 435 euros. Robert Redford avait envoyé une lettre jugeant « sacrilège » la vente à Drouot de ces masques et demandant leur restitution à la tribu… Rien n’y fit! Un seul masque sera restitué, celui acheté pour 4 500 euros par la fondation Joe Dassin, une « tête de boue », figure de clown recouverte d’une cagoule en tissu teint avec le terre naturelle. On apprenait ainsi que le chanteur Joe Dassin, diplômé en ethnologie, avait été adopté par une tribu hopi.
Aux Etats Unis, le chef de la tribu hopi, le Roy Shingoitewa, s’est déclaré triste et abattu par cette vente qu’il qualifie de « profanation de notre religion ». Le conseil de la tribu va se réunir pour décider des prochaines étapes de cette saga « honteuse ».

 

 

 

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