« Madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues,
Le paysage universitaire de nos départements français d’Amériques a changé et il s’agit aujourd’hui d’acter cette évolution par le vote définitif du projet de loi portant transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles.
Dois-je le rappeler, à l’heure où je vous parle, l’université des Antilles n’existe pas encore alors que le la composante Guyanaise de ce qui fut l’UAG devenait une université de plein exercice par décret en juillet 2014.
Aujourd’hui, nous retrouvons en deuxième lecture le texte débattu et voté par l’assemblée en février dernier après d’âpres discussions sur le modèle de gouvernance de l’Université des Antilles.
Le texte initial, voté par le sénat visait principalement la continuité et la sécurité juridique de l’unique établissement d’enseignement supérieur et de recherche des Antilles Françaises ; l’université des Antilles conservant la même personnalité juridique que l’UAG dans toutes ses dimensions, aussi bien en sa qualité d’employeur et d’ordonnateur que dans la délivrance des diplômes.
Ainsi, parmi les avancées proposées dans le texte initial se trouve la clarification des éléments constitutifs des pôles universitaires régionaux.
Cela permet de distinguer les services qui leur sont propres des services communs et de l’administration générale de l’université.
Cela apporte aussi une réponse à la nécessité d’inscrire, dans la loi, l’autonomie des pôles universitaires de Martinique et de Guadeloupe
Mais les sénateurs avaient, à mon sens, péché par excès, dans leur tentative d’apporter une solution pour renforcer la gouvernance face aux divergences qualifiées un peu rapidement selon moi, d’identitaires.
En voulant garantir la cohérence stratégique et l’unité de l’établissement par la mise en place d’un « ticket » de trois candidats a? la présidence et aux vice-présidences de pôle, ils revenaient ainsi sur les dispositions prévues par le Gouvernement conformément à la position exprimée par les élus des collectivités majeures de Martinique et de Guadeloupe.
En juillet 2014, les élus Antillais avaient expressément indiqué leur souhait de voir figurer dans le texte législatif le principe d’élection libre des vice-présidents par les conseils de chaque pôle afin que les pôles universitaires régionaux exercent pleinement leur autonomie dans le respect du projet global de l’université.
Ce point est important et je souhaiterai que cette assemblée sécurise définitivement cette disposition.
D’autant que les débats ont été vifs et qu’ils le sont encore !
Je regrette personnellement le procès d’intention intenté à l’encontre de ceux d’entre nous qui se sont opposés au ticket à trois introduit par le sénat pour lui préférer l’élection des vice-présidents par les pôles respectifs.
Pour ma part, en défendant en première lecture l’amendement qui a supprimé la proposition du sénat, il n’a jamais été question que je prépare le terrain pour une quelconque séparation de ce qui sera Notre Université des Antilles en université de la Guadeloupe d’un côté et université de la Martinique de l’autre.
C’est justement afin d’éviter certaines dérives centralisatrices, bien conformes à notre identité française il faut le reconnaitre, et par ailleurs à l’origine de la crise universitaire Guyanaise, que l’élection sur chaque pôle de son vice-président a été proposé.
Ce texte ne devrait pas se limiter, comme j’ai pu l’entendre dire en commission le 11 février dernier, à « sauver les meubles ». Les mots sont malheureux même si l’intention n’était pas de nuire.
Ce texte aurait dû permettre une refonte pragmatique et pertinente du paysage universitaire Antillais en tirant tous les enseignements des évènements ayant conduit à la scission du pôle universitaire guyanais.
Nos étudiants ne méritaient pas que l’on traite ainsi dans la précipitation, les affaires de leur université.
Et croyez-le, aux Antilles, les élus sont bien au fait des intérêts de leur jeunesse : Les collectivités territoriales apportent depuis plusieurs décennies un soutien massif au développement de cette université qui fait face depuis sa création à des défis d’une ampleur « exceptionnelle ».
Le nombre de jeunes sans aucun diplôme atteint 26% à la Martinique, 33% en Guadeloupe et 58 % en Guyane !
Ces chiffres devraient nous questionner sur l’intégralité des politiques d’éducation menées dès le primaire dans nos territoires ; on ne peut les mettre au passif de l’UAG !
C’est aussi l’université qui détient le taux d’étudiants boursiers, (50% de ses effectifs) parmi les plus élevés de France !
Notre université n’accueille qu’un quart des bacheliers, lorsque le tiers le plus performant des lycéens, souvent issus des milieux les plus favorisés, part étudier en métropole.
Et que dire encore lorsque, à l’autre bout de la chaine, nos diplômés du supérieur peinent à trouver un emploi sur place à la hauteur de leur qualification, y compris dans l’emploi public.
Je citerai l’exemple édifiant des professeurs néo-titulaires de l’académie de Guadeloupe qui, à l’issue du mouvement inter académique, se voient affecter dans des académies de la France continentale à plusieurs milliers de kilomètres sans tenir compte de leurs situations familiales ou sociales.
Madame la ministre, je saisirai l’occasion de vous interpeller très bientôt sur cet autre sujet d’actualité.
Car je crois que, dans la lutte contre le décrochage scolaire, les contractuels, dont certains étaient en poste depuis plus d’une dizaine d’année et les jeunes diplômés qui réussissent aux concours, constituent un atout considérable ; les premiers pour leur expérience déjà acquise, tous pour leur connaissance intime du territoire et de sa population.
Dans le secteur privé, ce n’est guère mieux ! Par exemple, les restructurations en cours du secteur bancaire risquent de priver nos territoires des emplois qualifiés que pouvaient espérer nos jeunes diplômés.
Le gouvernement lui-même, avait commandé fin 2013, un rapport à Monsieur Patrick Lebreton, député de la Réunion, concernant l’identification des moyens visant à mieux faire profiter les ressortissants ultramarins des emplois créés dans leurs territoires (secteur public et secteur privé).
Cette discussion sur l’avenir de l’université aux Antilles doit être aussi l’occasion de mettre tous ces sujets sur la table.
Je souhaite de tout cœur retrouver autant d’ardeur auprès de mes collègues députés qui ont su dérouler de beaux arguments en faveur du ticket à trois, lorsqu’il s’agira dans quelques mois, de défendre l’université des Antilles.
A commencer peut être par son financement.
L'Etat finance bien en dessous de leurs coûts réels, les charges liées à la maintenance des surfaces des établissements universitaires aux Antilles.
Pour le pôle Guadeloupe, les charges induites par deux campus qui représentent un tiers des surfaces universitaires en Guadeloupe ne sont pas suffisamment couvertes par la subvention de charges pour service public.
Il s’agit du campus du Camp Jacob, qui représente plus de 8000 m2 construit sur un terrain appartenant au Ministère de la santé à l’aide d’un montage financier ou intervenait pourtant, l’Europe, l’Etat et la Région ; et de l’ESPE (ex IUFM), là encore plus de 8000 m2, foncier et bâtis appartenant au Conseil Général.
Par ailleurs, je tiens à préciser que la même argumentation doit être faite en Martinique pour l’ESPE.
J’ai salué l’annonce faite par le président de la République, d’une rallonge budgétaire de 750 000 euros pour l’université des Antilles. Mais je souhaite avant tout que notre université soit correctement dotée et ce, de manière pérenne.
Aussi, il nous faudra dès la prochaine loi de finances, renégocier les montants alloués par l'Etat qui devront tenir compte de toutes les surfaces dont l’Université des Antilles est propriétaire à la Guadeloupe comme à la Martinique.
Face à ces défis, les élus de nos territoires sont en première ligne, au côté de la jeunesse. Ils auraient mérité un peu plus de considération lors des débats sur l’avenir de leur université plutôt que de voir caricaturer l’expression de leur opinion sur l’organisation de la gouvernance de l’université.
Pour ma part et en dépit de tous ces défis, je ne pense pas que les grandes questions stratégiques qui faisaient la pertinence de l’UAG ne seraient plus d’actualité !
Le positionnement stratégique sur lequel s’appuyait le projet universitaire antillo-guyanais et qui malheureusement, est passé au second plan ces derniers mois, mettait bénéfiquement l’accent sur la richesse et la pluralité tant culturelle qu’en matière de biodiversité de ces territoires d’implantation.
Cette richesse culturelle doit demeurer au cœur de l’identité universitaire, en synergie avec les organismes de recherche sur chacun de ces trois territoires Français d’Amériques.
Cette pluralité culturelle au côté de la richesse de la biodiversité est et sera notre bien commun, notre force !
Plusieurs études ont montré l’importance de la biodiversité en tant que source d’innovation. C’est l’un des rôles de l’Université que d’étudier et d’organiser la mise en valeur de ces ressources endogènes, de proposer des solutions pérennes pour mieux concilier activités humaines et préservation de la biodiversité dans une démarche bien comprise de développement endogène et durable.
La collaboration étroite sur ces questions communes à nos deux régions, doit donc demeurer et même être renforcée. Elle est vitale pour nos territoires marqués par un chômage des jeunes endémique et c’est le moins que nous puissions attendre de notre université.
J’ai eu, à la veille de la discussion de ce texte en première lecture, à interpeller le gouvernement et plaider pour organiser une collaboration renouvelée entre l’université des Antilles et l’université de la Guyane.
Je continuerai à défendre la mise en place d’outils spécifiques pour favoriser ces échanges, tant au niveau des chercheurs et enseignants que des étudiants.
Il ne tient qu’à nous, aux côtés du monde universitaire et nous le souhaitons, avec l’aide de l’état, de faire en sorte que cette refondation universitaire soit au final l’occasion de bâtir une réelle offre d’avenir pour notre jeunesse et de renforcer les moyens d’expertise de nos laboratoires. »
source: Assemblée Nationale - communiqué de presse d'Ary CHALUS