Outremerlemag : Pour la première fois une Guadeloupéenne au Salon du Chocolat, quel est votre ressenti ?
Naomi Martino : Je suis d’abord très heureuse d’avoir été choisie parmi les Espoirs du Chocolat pour l’édition 2013. Très fière de représenter la Guadeloupe, de faire partie des grands chocolatiers et de faire découvrir les produits de notre terroir à Paris.
Outremerlemag : D’où vous est venue cette passion du chocolat ?
Naomi Martino : C’est certainement un rêve de gourmands puisque dans ma famille nous le sommes tous un peu. C’est aussi l’envie de proposer nos produits, de les faire mieux considérer. Il y a le cacao dans nos pays, et j’imaginais que l’on pouvait lui rendre quelques lettres de noblesse.
Outremerlemag : Avez-vous vécu dans une famille proche de la terre et du produit agricole ?
Naomi Martino : Mon père aime et nous a inculqué cet amour de la terre. Quant à ma mère, depuis toujours travaillait le cacao, elle faisait le chocolat à la maison, Certaines de nos réunions familiales se faisaient autour d’un bon chocolat. Cela compte et m’a vraiment influencé à force de consommer de bonnes choses dès ma plus tendre enfance. J’ai vu là l’occasion de montrer les valeurs de ce produit transformées avec d’autres ingrédients.
Outremerlemag : Mais vous êtes si jeune, très mature certes et déjà placée en haut de la gamme des chocolats ?
Naomi Martino : Très tôt il y a eu bien sûr la force de mon travail, avec l’envie de positionner un produit que l’on ne voyait guère, mettre en avant notre culture dont je reste fière. Le besoin qu’en Guadeloupe surtout on nous considère autrement. Il y a peu de temps nous avons été sélectionnés dans la Haute Chocolaterie par rapport au choix des fèves. Je veux souligner aussi mon travail avec des agriculteurs de grande qualité et de sérieux qui m’ont toujours soutenus. C’est aussi grâce à eux que je puis travailler dans les meilleures conditions parce qu’ils savent combien le produit à l’origine doit être d’un excellent calibre.
Outremerlemag : Au niveau de la technique et de la fabrication, comment cela se passe t’il ?
Naomi Martino : Il est certain qu’au départ on n’a pas eu besoin de grand chose. Mais pour passer à la haute gamme, il a fallu que je me cultive. Il me fallait bien mieux connaître le produit avec lequel je travaillais. J’ai été formée chez les meilleurs Ouvriers de France, revenir aussi vers la tradition avec une formation auprès de mes grands-mères, faire un mixage des deux écoles et présenter enfin un label qui a une histoire.
Outremerlemag : Mais quel est votre cursus, peut-on se former dans nos pays ?
Naomi Martino : Non on ne peut faire de classe à la Guadeloupe mais en France. La formation commence par un CAP en chocolaterie, puis le BM le brevet de maitrise et régulièrement, suivre des formations chez les Ouvriers de France. J’ai aussi été reçue par des chocolatiers en Allemagne il y a quelques mois et au Japon il y a deux ans. Ce qui m’a permis de bien comprendre la concentration qu’il faut attribuer à ce monde là. Toujours acquérir des techniques, des idées afin d’innover.
Outremerlemag : Est-il aisé de travailler avec ces Grands Ouvriers ?
Naomi Martino : Ah gagner en qualité n’est pas si aisé. Chez eux la rigueur est primordiale. Ils ont un respect du produit et nous nous devons lorsque nous avons cette chance d’écouter et d’accueillir humblement. Il nous faut écouter attentivement et respecter ce qui nous est donné. Ils m’ont beaucoup apporté en terme de technique. Bien sûr que je n’ai pas eu les secrets de fabrication et vice-versa mais j’ai véritablement eu le bonheur de les voir travailler et maitriser la technique de fabrication d’un produit sensible.
Outremerlemag : Pour le Grand Ouvrier de France qui vous a particulièrement formé, quel a été son rapport à vos innovations ?
Naomi Martino : En fait, il a apprécié mon initiative. Puisque je n’avais pas eu encore de formation de base il a pu me modeler comme il l’entendait. Il y avait aussi le challenge d’essayer des produits aqueux qui ne se lient pas facilement avec le chocolat parce que trop forts en eau. Il a été curieux de me voir apporter des produits auxquels il n’avait pas songé. Des ingrédients du pays Guadeloupe que l’on ne travaille pas comme ceux de métropole. Et il y aussi comme chez de nombreux chocolatiers le plaisir d’échanger et de partager leur savoir-faire.
Outremerlemag : D’après ce que nous constatons sur le stand du Salon, toute la famille est réquisitionnée ?
Naomi Martino : En fait pas réquisitionnée mais elle est ma base de travail. Et cela importe parce que avoir sa famille comme soutien pour un entrepreneur est la meilleure des choses. Depuis lé début, elle est présente à tous les niveaux. Pour la période du Salon, il y maman, mes sœurs et mon frère. Je suis l’aînée est aujourd’hui la structure familiale me porte au firmament. Il y a également mes amis, et ma ville Baie-Mahault qui m’accompagne avec une équipe très compétente qui s’intéresse aux projets des jeunes.
Outremerlemag : La Ville de Baie-Mahault vous a t’elle suivie dès vos débuts ?
Naomie Martino : Pas dès le début mais j’ai participé à un événement en décembre »Jouer la Tradition » qui réunit tous corps de métiers d’artisans de la Guadeloupe. J’ai été primée avec le Prix de l’Innovation. Dès lors la ville s’est intéressée à moi et m’a accordé une grande confiance. C’était en 2009.
Outremerlemag : De 2009 à 2013, c’est un sacré parcours ?
Naomi Martino : Oui en effet, et moi-même suis encore tout a fait enthousiaste. En 2009 nous avons été primés à Osaka au Japon (Prix de l’Innovation) en 2010, en 2011 le Prix de la Transformation, des félicitations de l’Allemagne il y a quelques mois et enfin le Salon du Chocolat de Paris comme espoir.
Outremerlemag : Alors comment cela s’est-il passé ? Avez-vous vous reçu un courrier pour vous inviter à la nouvelle édition du Salon et sur quel critère avez-vous été choisie ?
Naomi Martino : En fait on reçoit un appel téléphonique : « Bonjour Madame Martino, nous le Salon du Chocolat de Paris. Nous avons l’honneur de vous dire que vous avez été nominée parmi 400 chocolatiers comme espoir du Salon 2013, auriez-vous la possibilité de venir à Paris nous présenter vos produits ». Je vous avoue que j’ai été profondément émue, j’ai pleuré et par la suite très heureuse de me retrouver parmi les grands chocolatiers du monde, le rêve commençait à devenir une réalité.
Outremerlemag : Votre produit s’exportera t’il bientôt à Paris ?
Naomi Martino : Pas tout de suite, il me faut déjà bien m’établir en Guadeloupe. Parce qu’au-delà de Baie-Mahault les Guadeloupéens ne connaissent pas touts nos produits. Et je ne suis pas très pressée, il me faut réfléchir en tant que chef d’entreprise aux meilleures stratégies afin de s’implanter en France mais surtout pour durer et faire aimer le produit. Réussir dans mon pays est mon leitmotiv.
Outremerlemag : Vous êtes encensée aujourd’hui au Salon, mais comment le pays Guadeloupe a t ‘il accueilli cela ?
Naomi Martino : Les gens ne sont pas très connaisseurs du produit, on me demande plutôt le bâton de Kako (Cacao). Il nous faut éduquer la clientèle guadeloupéenne aux produits, les habituer aux saveurs que l’on ne retrouve pas habituellement.
Outremerlemag : Quelle est votre clientèle ?
Naomi Martino : En fait ma clientèle est formée de toutes les générations. J’ai même des tout-petits qui apprennent en atelier à faire du chocolat jusqu’à la personne de 76 ans qui aiment apprécier les produits pour un gouter ou différents moments de la vie.
Outremerlemag : Aujourd’hui votre structure vous permet-elle de former des jeunes ?
Naomi Martino : Non pas véritablement, mais j’ai eu l’occasion et le plaisir d’envoyer quelques jeunes à Paris pour se former. Certains se sont intéressés à la pâtisserie en Guadeloupe et d’autres j’espère pourront rallier à l’avenir ma structure.
Outremerlemag : Certains de nos jeunes entrepreneurs ont l’impression de ne pas avoir leur place dans de grandes entités telles que celles-ci, qu’en est-il pour vous ?
Naomi Martino : Il est vrai que c’est assez impressionnant lorsqu’on arrive dans un espace tel que celui-ci, la renommée du Salon du Chocolat impressionne grandement. Mais je suis là pour un challenge celui de convaincre une clientèle de connaisseurs et je n’avais pas le droit aux états d’âme. Il m’a fallu oublier très vite mes émotions et me mettre à l’œuvre, et ma famille présente m’a permis de jouer les meilleures cartes.
Outremerlemag : Avez-vous un dernier mot pour les vôtres, pour le Salon du Chocolat ?
Naomi Martino : Un grand Merci à Tous. Tout d’abord aux acheteurs de la Guadeloupe qui font que je suis là. A ma famille, mes amis et à ma Ville Baie-Mahault qui ont cru en moi. Au Salon du Chocolat qui pour la première fois a mis en lumière des produits du département outre-mer qu’est la Guadeloupe. Merci à touts ceux que j’ai rencontré sur ce salon qui m’ont accueillie comme une des leurs. A tous ceux qui sont passés sur le stand Espoir du Chocolat 2013, en particulier aux Antillais venus m’encourager et me témoigner leur sympathie. J’y ai encore appris beaucoup et l’humilité que nécessite mon métier. Et à tous les médias qui se sont intéressés à notre venue. Merci. Mon leitmotiv toujours - garder confiance et aller de l’avant.
Naomi Martino - Chocolatier - Révélateur d'émotions
Nikol's Café Petit-Pérou : 1 Lotissement Dugazon de Bourgogne Petit-Pérou 97139 Abymes - 0590 89 36 51
Naomi Martino – Ecrin du chocolat - http://facebook.com/ecrin.chocolat
Témoignage de Gina – une jeune Guadeloupéenne vivant dans le département 77 et originaire de Gourbeyre venue spécialement au Salon du Chocolat à la rencontre de Naomi Martino. |