Culture

jeudi, 18 avril 2013 05:03

Jocelyne Béroard, le féminin de Kassav

 

©Xavier Xavibes Dollin

Le parcours de Jocelyne Béroard est un véritable chemin d’initiation à travers le patrimoine antillais. On y trouve à la fois la richesse d’une artiste et la ténacité d’une femme dans ses différents combats. Jocelyne Beroard est une artiste engagée, non seulement dans le combat de la femme moderne, mais également pour donner encore plus de lustre au patrimoine culturel et au peuple des Antilles.

C’est un 12 septembre que naît Jocelyne Béroard, au « Péyi Martinique ». Jusqu’à ses 17 ans, elle vivra aux côtés de sa famille. Petite fille, elle se passionne pour le piano et la danse classique. Côté musique, la demoiselle s’enflamme déjà pour Myriam Makéba, Edith Piaf, Lola Martin, Léona Gabrielle, Mahalia Jackson ou encore Célia Cruz, qu’elle s’amuse à imiter. En parallèle de ces activités artistiques, elle se forge une âme de compétitrice grâce au sport, qu’elle pratique de façon intensive : adolescente, elle reçoit le titre de championne de natation.
En 1972, son arrivée en France l’emmène d’abord à Caen, sur les bancs de l’école de pharmacie qu’elle abandonnera deux ans plus tard pour ceux des Beaux-Arts de Paris.
En 1980, elle est entrainée en Jamaïque par le musicien (et l’ainé de ses frères) Michel Béroard. Jocelyne alors prend le chemin des « troubadours » en devenant choriste professionnelle. Sa première expérience la mène sur les routes, avec les Gibson Brothers, véritables stars du disco. En 1981, elle travaille avec Bernard Lavilliers, Manu Dibango, Dave et Herbert Léonard. En 1982, elle obtient un titre au Concours de la chanson d’Outre-mer pour son interprétation sensible du
« Concerto pour la fleur et l’Oiseau » du pianiste Marius Cultier.
Sa destinée se profile lors de sa rencontre avec les membres du groupe Kassav. En participant à leur deuxième album, la jeune Béroard pénètre dans un univers qui sera fait d’exceptions. A partir de 1983, elle devient leur choriste attitrée et enregistre un premier titre : « Soleil ». A cette époque, peu de femmes antillaises du zouk chantent en lead. Il y a bien sur Tanya Saint-Val, Edith Lefel. Mais l’apparition de Jocelyne Béroard change la donne. L’évolution  fulgurante de Kassav va transformer le paysage musical et l’intérêt du public antillais pour ses musiciens. On les considère enfin comme des professionnels.

Tout s’enchaîne alors, avec « Momen ta la » (ce moment là), un premier titre en solo sorti en 1984. Viennent ensuite « Mové Jou » (Mauvais Jour), et « Pa bizwen Palé » (Sans Paroles). Tout le monde s’accorde à reconnaître le talent de l’artiste qui écrit ses propres paroles, et qui ose enfin dire tout haut ce que les femmes antillaises pensent tout bas. Si on peut lui attribuer un titre incontournable, ce serait « Siwo », qui lui vaut d’ailleurs un double disque d’or. De tous les temps, « Siwo » reste encore la plus grande vente d’un disque féminin aux Antilles. Désormais, Kassav a un « Féminin » : Jocelyne.

En 1987, son duo de zouk love avec Jean-Claude Naimro, « Kolé Séré »,  enchante Philippe Lavil. Ce dernier décide de l’enregistrer avec elle. Il obtient ainsi la deuxième place des chants français. Jocelyne sera récompensée par les Maracas d’Or à Paris, puis en Guadeloupe et en Martinique. Kassav rempli ses feuilles de route, entre disque d’or, de platine ou d’autres récompenses, comme les Victoires de la Musique en 1988, ou le Prix de la Francophonie en 1989, le West Indies Awards à New-York en 1993. Le groupe a gagné ses « lettres de noblesse ».

Voilà « Milans » (commérages) son deuxième album, une véritable consécration. Elle devient alors l’interprète féminine de la SACEM en Martinique. C’est à cette période qu’elle devient la marraine de l’association « Enfance et Partage » à la Martinique, où elle a décidé de se réinstaller. Jocelyne s’y consacre véritablement avec la même passion qu’elle porte à son art, et organise en 1993, un Noël pour les enfants africains et antillais défavorisés avec la participation de nombreux comédiens et chanteurs.

Au  delà de la peinture et de la pharmacie, qui auraient pu être ses activités professionnelles, il y a le cinéma. Elle dévoile son talent de comédienne dans « Siméon », un film d’Euzhan Palcy, réalisatrice de « Rue Cases Nègres » et d’ « Une saison blanche et sèche ». En 2005 elle interprète une mère antillaise bouleversante et attachante dans « Nèg Mawon », un film de Jean-Claude Flamand.
La période 1995 - 1997 est chargée d’évènements marquants. Tout d’abord, un prix SACEM pour son interprétation du titre « Ahidjéré », B.O du film « L’exil de Béhanzin », tiré de l’album « Difé ». Ensuite, un pari qu’elle réussi à nouveau : deuxième Noël pour les enfants défavorisés. S’enchainent des duos avec Dédé Saint-Prix « Etiw » (où es-tu ?) et Chris Combette « Lombraj en piè mango » (à l’ombrage d’un manguier).  Elle s’engage également auprès du Comité Unitaire pour le 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage.

Bercy reçoit Kassav pour leurs 20 ans. Deux jours de liesse à Paris, puis une tournée aux USA et aux Antilles. Jocelyne Beroard est nommée « Chevalier de la Légion d’Honneur » à la demande du Président Jacques Chirac et du 1er Ministre Lionel Jospin, c’était en 1999. Les Années 2000 seront tout autant chargées d’émotion, de travail, de rencontres belles et musicales. Elle est la vice-présidente du « Comité Marche du 23 mai 98 » qui organise la cérémonie « Lanmèkannfènèg » (la mer et la canne a fait de nous des nègres - devoir de mémoire des fils et filles d’esclaves). Elle y participe chaque année le 23 mai.

Nous sommes en 2003. Au cours de cette année, elle enregistre un duo avec Edith Lefel : « Mizik sé lanmou » (la musique est amour). Son troisième album « Madousinay » sort en février 2005. Elle se produit en scène sur trois dates au Zénith avec Kassav, et en solo à l’Atrium en Martinique. Deux soirées qui affichent complètes les 20 & 21 mai. Ce même 20 mai, Jocelyne Beroard enterre son père. Elle entre tout de même sur scène pour offrir une de ses plus émouvantes prestations.
De 2006 à 2008 elle continue avec Kassav, et joue dans le spectacle musical de Danièle René-Corail « Ti Kréol ». C’est un travail qui la comble puisqu’elle y est entourée d’enfants. Un nouvel album Kassav, de nouvelles dates au Zénith et un prix SACEM de la meilleure chanteuse.
En 2009, son engagement pour la Martinique est sans équivoque. En janvier, elle participe à la marche contre les violences faites aux femmes. Elle organise un concert avec ses amies chanteuses pour l’association « Enfance et Partage ». Cet événement sera avorté par les grèves.

Se profilent à l’horizon les 30 ans de Kassav, et un Stade de France mémorable. Une véritable déferlante de passion, d’émotion et de chaleur malgré la pluie. 2010 est l’année de nombreuses activités qui lui sont chères : participation à un concours de dessin pour enfants, des concerts de soutien à Haïti, jury dans un concours de photographie qui est aussi pour elle une activité essentielle. Mais une date noire marquera cette année : la disparition de son compagnon de route, Patrick Saint-Eloi. La passion atténue un peu cette épreuve avec le Festival Vibrations Caraïbes. Elle y chante au côté de l’artiste Haïtienne Emeline Michel, et toutes deux rendent hommage à des artistes disparues : la Martiniquaise Jenny Alpha et l’Haïtienne Toto Bissainthe. Jocelyne termine l’année avec son spectacle « Yen ki Lanmou » à la Guyane.

22 mai 2011. Nous en avions rêvé, Madame Béroard nous l’a offert : son  Olympia. Ce jour-là, la salle mythique de Paris en a pris pour son grade. En 2012 avec ses frères de Kasav, elle entame une tournée hors de l’Hexagone entrecoupée de temps d’écriture, et de compositions pour la fabrication d’un nouvel Opus. Quelques semaines d’enregistrements début 2013 entre l’Ile-de-France et la Martinique, puis le mixage en Grèce « donne le jour au nouveau bébé » de Kassav, leur 16ème album. Le premier titre, «  Sonjé », sorti le 15 avril, est une chanson écrite et interprétée par Jean-Philippe Marthély, en hommage à leur frère de cœur, Patrick Saint-Eloi...
L’album « Sonjé » sortira le 13 Mai. Viendra à nouveau le temps des envols vers d’autres horizons avec « Mawonaj », la tournée 2013.

Site Officiel - http://www.jocelyneberoard.be
Mové Jou : http://youtu.be/Mq4MR1fK3gQ
Extrait d’itv de B.World Connection : http://youtu.be/OrL54broAf4
.Jocelyne Béroard chante du Gwo Ka : http://www.youtube.com/watch?v=N08j_gu78cs&feature=share&list=UUbKquKq-na_AsFc6Tg0ItQw

 

 

 

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