Culture

jeudi, 11 avril 2013 21:45

James Germain – d’Haïti au Mali, un parcours « Kréol Mandingue » !

James Germain est originaire d’Haïti, dernier d’une famille de huit enfants. Sa carrière est liée à ses souvenirs d’enfance, ses histoires racontées le soir et il se souvient surtout de la partie chantée de ces veillées. Puis c’est l’école, l’église et les fêtes familiales qui lui transmettent cette passion du chant. Après ses études et des cours de perfectionnement, le jeune James rentre à la Chorale. Il révèle qu’il était une enfant « étrange », solitaire témoignant d’un intérêt passionné pour l’art, pour la confection d’objets ou de personnages en carton. En fait plus tard « j’ai évidemment compris que j’étais un  appelé pour cette vie d’artiste ».

 

Migail Montlouis-Félicité : Qui a permis que tu commences ta carrière ?

James Germain : Il y eut d’abord entre études, pratique dans un orchestre, les balbutiements d’un début de carrière avec les répétitions chez mon ami Beethova Obas. C’est en fait l’ancien mari de Mimie Barthélémy, l’anthropologue Gérard Barthélémy qui me donne l’opportunité d’obtenir une bourse du Gouvernement Français. Ce qui me permet de quitter Haïti et de me retrouver à Paris pour parfaire ma formation de chant et débuter une carrière d’artiste. Et, bien sûr que tout n’a pas été aisé. Il y a eu les moments de galère, de doutes. Mais j’ai pu suivre des cours pour le perfectionnement de ma voix ce que j’avais déjà fait à Port-au-Prince. J’étais déjà venu une première fois en France et ce pays me fascinait à travers des émissions comme Champs-Elysées qui nous montraient les talents de Paris. J’ai fait donc ma pratique de trois mois de chant lyrique mais je n’avais pas envie de m’arrêter à cela. J’ai opté pour d’autres créneaux, j’ai affronté la vie de chanteur. En 1993 Emeline Michèle me demande de partager avec elle sa scène au Théâtre de la Ville. Deux jours extraordinaires avec une chanteuse connue internationalement et on me découvrait grâce à elle qui n’a pas cessé de me mettre en avant. Nous avons chanté deux titres a capela et depuis d’ailleurs, chaque fois que nous chantons ensemble, nous ne pouvons éviter un chant sans instrument.

Puis ce fut une autre exceptionnelle retrouvaille avec Beethova Obas au New-Morning. Le public commençait à me connaître et suite à ce spectacle, le producteur Eric Basset me faisait signer mon premier contrat en 1995 à Déclic. J’allais enregistrer mon premier disque « Carrefour Minuit ». Je n’avais pas vraiment la maturité nécessaire mais il y avait là des musiciens comme Thierry Fanfant, Bago, Beethova, Mario Masse, Thierry Vaton, Tony Chasseur, Tatiana Miath, Marie-Céline Chroné et Dominique Zorobabel qui m’ont apporté leur soutien et leur confiance. Plus tard c’est en Guadeloupe que j’ai fait mes premières promotions.

M. M.-F. : Entre ces années-là, qu’est-ce qui se passe d’extraordinaire ?

J. G. : Suite à ces quelques semaines de promotion, j’ai vécu une expérience inoubliable avec le groupe mythique de la Martinique Malavoi. Oui, en 1998, j’ai enregistré avec eux l’album Marronage. J’ai participé également à des productions comme La Tragédie du Roi Christophe d’Aimé Césaire jouée à la Cour d’Honneur du Festival d’Avignon. J’y ai compris l’importance de la scène, de la collaboration avec un metteur en scène. Puis j’ai participé aussi à la belle aventure d’un Siècle de Chansons Créoles avec Eric Virgal et Eric Brouta entre autres. Une escale à Haïti avec l’envie d’y rester quelques temps pour me ressourcer. Il y a eu le projet d’Haïti Troubadour. Puis une nouvelle « virée » à Paris et d’autres manifestations jusqu’en 2006. Cela avant un nouveau retour à Haïti où j’ai encore beaucoup appris et participé à des ateliers artistiques avec de jeunes talents.

M. M.-F. : Haïti oui, mais avec un nouvel appel?

J. G. : Décidemment ma vie est rythmée par ces appels. Cela commence par une proposition de spectacles avec Kettly Noël chorégraphe Haïtiennne, qui vit à Bamako. Je m’étais dit, que j’en aurais pour trois mois en Afrique, le temps des répétitions et des tournées. Mais finalement je suis resté trois ans à Bamako. Un voyage qui m’a permis de découvrir d’autres endroits : l’Afrique Centrale, le Congo, le Gabon et le Niger. L’Afrique a été le déclic pour me poser les bonnes questions et pour trouver les réponses. Et tout cela arrivait pour mes quarante ans. J’ai pris conscience à cette période-là d’atteindre à une certaine plénitude. D’autant qu’en échange de mon travail avec des adolescents de Bamako j’ai pu réaliser un nouvel album. Je baignais pleinement dans mes racines africaines, et me lançais alors à corps perdu dans la création de « Kréol Mandingue ». La musique Malienne m’avait profondément secoué, je me suis impliqué dans le répertoire, dans les arrangements en particulier, ce qu’auparavant je n’avais jamais fait. Etrangement dans une des chansons de cet album il y a eu le titre « Péyi a *» dans lequel je dis à propos d’Haïti : « Regardez comment les enfants sont blasés, il n’y a pas d’espoir, le pays est en danger.» Etrangement je finis d’enregistrer l’album et un soir on m’appelle et me préviens qu’à Haïti il y a un problème. J’allume la télé et on parlait du séisme du 12 janvier 2010. Ce dont je me rappelle c’est que j’étais assez énervé pendant ces jours-là. Cela m’a choqué, il m’était impossible de joindre ma mère, ma famille et mes amis. J’étais comme « seul au monde » et je ne voulais qu’une chose, pouvoir communiquer avec eux, avoir de leurs nouvelles, pouvoir les aider. Je suis parti en Guyane pour une manifestation en hommage à Haïti. Et ce disque est comme une prémonition, je parlais de la misère, des enfants meurtris, du pays malmené. C’est inexplicable. Après quelques mois, j’ai pu rentrer à Haïti et j’y suis resté afin de m’impliquer dans la vie active, donner de moi-même.

J’y ai monté depuis une formation pour des jeunes qui veulent apprendre ce métier. Je travaille afin de leur donner une orientation pour mieux comprendre ce métier. J’ai choisi de transmettre pour passer le relais. Ce projet a été financé par une Fondation privée (FOKAL*) qui depuis deux ans le soutient aux côtés de l’Institut Français. Ce qui me permet d’inviter des personnalités pour partager la prestation des jeunes en scène. C’est mon engagement pour Haïti qui a un riche patrimoine que nous devons cultiver.

 

M. M.-F. : Te voilà à nouveau en escale à Paris, pourquoi ?

J. G. : En fait c’est comme une synthèse. J’ai retrouvé au bout de ces années de voyage, les musiciens du début : Thierry Vaton, Thierry Fanfant, Bago, pour le concert au Baiser Salé. C’est la famille réunie avec un autre musicien rencontré au Mali Ahmed Fofana. C’est en quelque sorte l’aboutissement d’un cheminement créateur. Ce n’est évidemment pas la fin d’une carrière mais j’ai surtout l’envie de dire aux gens que je suis là en attendant une grande scène en été.

 

M. M.-F. : Comment définirais-tu ton pays chéri ?

J. G. : On a toujours dit que ce pays était la Perle des Antilles. Ce pays fascine, il bouleverse. Haïti est au-delà de la Perle des Antilles. Quand tu y poses le pied tu as du mal à t’en détacher. Malgré les moments difficiles, les tribulations, mon peuple résiste, garde le sourire et la générosité envers les autres même s’il n’y a rien à manger, il y a encore l’idée de partage. C’est simplement mon pays, c’est Haïti.

 

M. M.-F. : Et que dire de ta rencontre avec Steevie Mahy* ?

J. G. : Ah mon Dieu, quelle belle rencontre ! Je l’ai découverte sur la scène du Casino de Paris en 2011 lors de la 2ème édition du festival Talents Guadeloupe organisé par Aztec Musique. J’ai trouvé que c’était une belle personnalité qui m’a touché. Je suis allé la voir ensuite au Réservoir, nous avons échangé un peu, et chacun a continué sa vie. Un jour je suis en Haïti et je chante « Grèn zaboka », j’essaie de partir et un ami me retient encore pour rechanter. Et qui je vois devant moi tout d’un coup, Steevie, qui me raconte après qu’en fait, elle était couchée et qu’en entendant cette voix, elle s’est habillée et est descendue rapidement pour voir qui chantait. C’est ainsi que nous nous retrouvons dans mon pays. Il faut savoir que Steevie est profondément aimée en Haïti. Elle y a fait beaucoup de choses, grâce à elle on va mettre en place une bibliothèque dans le quartier Cité Soleil parce qu’elle a amené un container de livres pour les sinistrés. Certaines personnes ont même du mal à croire qu’elle n’est pas Haïtienne. A cette occasion il y a eu l’estime, le partage et Miss Mahy c’est cela.

Une jeune femme qui fait les choses avec le cœur et tout ça c’est de l’Amour. Et lorsqu’elle m’a proposé un enregistrement avec elle, il était évident de dire oui pour mon Haïti Chérie*

 

Migail Montlouis-Félicité

 

*Péyi a – James Germain – Album Kréol Mandingue : http://youtu.be/oaNhABMdDRs

*Haïti chérie – Steevie Mahy featuring James Germain

http://youtu.be/9ocDdYYprWs

Pour le plaisir, 3 voix d’Haïti : Beethova Obas, Emeline Michel & James Germain

Lagué Péyi’m - http://youtu.be/MNUixNnhoxw

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