Culture

jeudi, 04 avril 2013 07:09

D’ de Kabal : Enraciné comme un arbre vital !

Depuis 1993, D’ de Kabal est une figure particulière du rap français, il a co-fondé le groupe Kabal, qui grossit le rang des groupes comme Assassin, on peut alors parler d’un rap politique social, que l’on surnomme le « rap conscient ». Ses rencontres lui ont permis de vivre des aventures exceptionnelles dans le milieu du rap français et anglophone. Puis ce fut les expériences théâtrales qui lui permettent d’aiguiser sa passion pour le verbe et le geste. D’ de Kabal a à son actif de nombreuses créations de spectacles de théâtres, de performances, de projets musicaux et d’ateliers au sein de sa compagnie Riposte dans laquelle il évolue dans le son et le sens.

 

Si l’on interroge D’ de Kabal sur ses origines, il répond sans détour « je suis devenu Noir à 24 ans ». Et bien sûr on s’en étonne, et il développe : « mes origines ont surgi bien tard, avant cet âge là  je puis dire que j’étais transparent, j’étais un jeune de banlieue, du 93, baigné dans une culture multiple : maghrébine, africaine ou antillaise. Je suis devenu noir en lisant, en m’interrogeant sur celui que j’étais et que je voulais devenir. Ceux qui me lisent peuvent mieux le comprendre. Aujourd’hui je suis  un « papa multirécidiviste », et bien sûr que mon enfance compte parce qu’elle s’est imprégnée jour après jour dans mon vécu mais je m’en éloigne de plus en plus. Les choses sont de plus en plus envisagées sereinement, je me nourris de ce parcours d’enfant, d’adolescent, de jeune homme, de jeune père, c’est en définitif ce qui m’a beaucoup aidé dans mes réflexions. Et surtout, mes enfants sont là, et grandissent et je voudrais qu’ils en gardent l’essentiel pour leur propre évolution et espère qu’ils en gardent quelque chose au moment où je ne serai plus là ».

Avec D’ de Kabal, la rencontre est comme une confidence, paradoxalement sa voix s’élève avec calme alors que lorsqu’on l’entend en scène, il chante, récite avec une voix tonitruante. De son vécu artistique, il souligne combien l’art peut être identitaire. Le jeune comédien nous confie sa gourmandise pour la musique, pour le théâtre, il raffole de toutes leurs formes, de toutes les expressions scéniques avec lesquelles on peut dire différemment les choses avec des intonations justes, « plus tu as des mots à ton service plus tu peux travailler et fabriquer une « autre langue », et avoir la possibilité de partager, de voyager à travers des formes d’adresse et de raconter  pour toucher l’autre comme des musiciens qui sont capables de jouer de multiples instruments ».

La création de D’ de Kabal est énergique, empreinte de colère. Cette colère qu’il définit ainsi : « les raisons de la colère, il y en a plein. Difficile à résumer mais le fait de me sentir profondément humaniste et en même temps être atterré par les choses du quotidien, la manière de faire des gens. Mon propre comportement quelquefois me trouble, ma manière de penser des fois tout cela reste ambigüe. Il m’est difficile d’imaginer d’avoir autant conscience de ce que c’est d’être Antillais par rapport au passé, à l’histoire, au présent même, ou de voir comment survit encore la famille antillaise sans être un minimum  en colère. Ce n’est pas un courroux contre « l’oppresseur », c’est un fureur en héritage. Ce qui me permet de faire la distinction entre la furie et la haine. C’est un enjeu d’arriver à la transformer  et d’en faire un élément de construction positive. Nous ne sommes pas les seuls bien sûr mais ce que nous avons reçu de nos aïeux et qui rendent forts nos cheminements. Tout ça est une alchimie qui a contribué à ma dernière création musicale « Ma Colère » (…)

Ma construction se fait aussi avec les femmes, elle est essentiellement basée sur leur force et leur estime. Au commencement il y eut ma mère qui m’a élevé seule, et je puis dire que je leur porte beaucoup d’affection, elles m’ont forgé parce que je suis souvent sorti du quartier grâce à des femmes, je quittais très jeune le quartier, avec sur le dos mon sac et je baroudais au fin fond du 91. C’est pour cela que j’ai voulu leur donner la parole dans un spectacle Femmes de Parole, j’ai mis en scène une parole féminine parce que en moi survivra toujours ces figures de femmes importantes pour l’homme : celles de la mère, des tantes, des sœurs, des amies, des confidentes et surtout celle de ma femme qui tient auprès de moi une grande place affective bien sûr et intellectuelle. Je réfléchis à la structure familiale, du rapport entre hommes et femmes et des enfants. Dans Ecorce de Peine, ma première pièce il y avait le personnage de l’homme qui représentait le super-père antillais, le super-héros esclave qui reste pour moi une thématique importante. C’est une pièce qu’on a joué au Théâtre Aimé Césaire lors de sa mort en 2008, et de ce fait la pièce n’a plus jamais été la même. Imaginez que nous avons joué trois fois celle-ci le jour de son décès nous l’avons vécu comme un hommage, présentée comme une veillée et la rencontre avec le peuple martiniquais a été extrêmement exceptionnelle. J’interroge sur ces liens dans mes écrits, et j’ai aussi mis en scène un spectacle sur les enfants dans les Enfants perdus qui étaient les héritiers de cet esclave et il y a Œdipe mon Amour qui parlait de la mère. Il y a au fond toutes les diagonales que l’on peut tirer entre ces personnages là.
Depuis cela j’ai joué beaucoup ailleurs et aujourd’hui je me retrouve riche de ces rencontres avec le Collectif Stratégies Obliques au Théâtre des Bouffes du Nord au côté de Franco Mannara et Benoît Delbecq, Irène Jacob, Eric Wernhes, Steve Arguelles, Ursuline Kairson et Mike Ladd - Tout va bien en Amérique, mise en scène par David Lescot. C’est une succession de tableaux qui en une heure vingt racontent à travers le slam, la chanson et la danse l’histoire de l’Amérique.

En conclusion D’ de Kabal nous dit que « ce qui m’importe c’est de toujours apprendre quelque chose. Il faut toujours être à la recherche, il n’y a pas de fin dans ce métier là. C’est mon hygiène de vie. J’ai toujours le besoin d’apprendre, d’essayer, de ne pas restreindre mon mode de vision. Le monde artistique est un monde parallèle et si tu ne convoques pas la mort, si tu ne vas pas au devant du risque cela ne mérite pas d’être vécu ».

Tout va bien en Amérique – Teaser
http://youtu.be/5_HgL7I6eKM

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