Le premier est l’ouvrage de Raphaël Confiant sorti i y a peu, Le Bataillon Créole
Le Bataillon Créole : « Je ne sais pas ce qu’ils appellent « la-bas », cet endroit qui, semble t’il, n’a pas de nm bien défini, dont nul ne connaît les couleurs du ciel, ni les odeurs de la terre, mais qui impunément nous hante, du devant-jour à la nuit close, ce qui nous oblige à négliger un brin de temps la tâche que nous sommes en train d’accomplir, et certaines – mais pas moi, foutre ! – ayant sombré dans la déraisonnerie, se mettent à chantonner des biguines mélancoliques qui datent du Saint-Pierre d’avant l ‘éruption. » Ansi commence le dernier roman de l’écrivain martiniquais.
Le Bataillon Créole raconte l’histoire des soldats de la Marne, ceux des Antilles mort durant la guerre 14-18. Man Hortense ne réalise pas les faits qui justifieraient de la mort de son fils coupeur de cannes Théodore mort sur le front. Il était parti comme de nombreux autres pour combattre à Verdun, dans la Somme ou sur le Front d’Orient.
Raphaël Confiant s’appuie sur les témoignages de parents des disparus et nous trace une merveilleuse trame pour nous faire revisiter cette guerre. Il y Man Hortense la maman, il y a Lucianise la sœur, il y a Euphrasie une épouse, il y a aussi Rémilien enfermé dans un camp allemand. Tous ces personnages nous font vivre en dedans et en dehors de cette guerre. Il y a le pendant et l’après-guerre puisque nous pouvons lire les mots de « rescapés rentrés mutilés avec des gueules cassées. »
Comme pour les Dissidents dans le film d’Euzhan Palcy, nous avons une page de notre histoire dans cette Grande Guerre où des hommes jeunes sont devenus des soldats afin de témoigner de leur estime pour leur patrie la France. Et même si l’Histoire leur a fait toujours de l’ombre ils sont aussi ceux qui ont combattu pour la Liberté d’un payes qu’ils considèrent comme le leur.
Un véritable hymne pur des hommes vaillants et des soldats de cœur : Le Bataillon Créole (Guerre de 1914-1918), une guerre dont on fêtera le centenaire en 2014. Paru aux éditions Mercure de France.
Le second est l’ouvrage de Simone Henry Valmore sorti en novembre – Objet perdu avec la très belle préface de Ina Césaire.
Objet perdu est un récit de l’ethnopsychanaliste Simone H. Valmore. Elle est uns spécialiste de la diaspora antillaise ayant travaillé avec Thobie Nathan. Ici elle nous trace son amour pour Aimé Césaire. Dans son livre, elle s’adresse au Chantre de la Négritude comme on parle simplement à un ami. Avec honneur et respect elle nous livre son parcours avec lui, un parcours toutefois privilégié puisqu’elle est la fille d’un des estimables amis de Césaire. Elle parcoure comme un album sa mémoire pour nous retranscrire comme une aimable confidence son rapport au poète. Ce qu’elle aurait encore voulu lui dire.
Objet perdu est aussi un magnifique témoignage sur la société martiniquaise de cette époque, c’est également des conversations entrecoupées, c’est par dessus tout une lettre d ‘amour qui nous transporte dans l’univers humaniste des deux écrivains, d’abord dans celui dont l’auteur parle et bien évidemment dans son propre espace intellectuel.
Objet perdu est un bel ouvrage qui nous transporte et nous octroie à redécouvrir la Parole de Césaire l’Aimé. Un ouvrage paru aux Editions Présence Africaine.
Le troisième et dernier ouvrage de Fabienne Kanor – Faire l’aventure.
Le titre seulement déjà vous donne l’envie. Faire l’aventure comme on pourrait dire Faire l’amour. Un récit franc qui délivre comme ses autres ouvrages un voyage initiatique que l’on vit comme une odyssée. Imaginons le personnage principale tout comme Ulysse bravant les éléments pour aller au-delà des mers vivre sa vie, son aventure.
Faire l’aventure est l’histoire de Biram, un jeune homme au sortir de l’adolescence. Nourri de son imagination il songe à ce que pourrait être son destin si il franchissait cette mer. Il pourrait quitter les côtes de M’bour au Sénégal pour aller danser le funk, rouler dans de superbes voitures, aimer d’autres filles. Il y a quand même sa Marène, la demoiselle de Dakar qui le tourmente quelque peu.
Faire l’aventure que je suis encore en train de lire me plonge dans les vagues que pourraient surmonter Biram et me donnent tout comme lui l’envie d’ailleurs.
Mais Biram au moment où je parcoure encore le livre de Fabienne Kanor est confrontée aux avertissements de ses ainés, qu’ils n’écoutent guère d’ailleurs les traitant ‘d ‘anciens combattants. » Leurs discours selon lui ne sont que mots et ce qui importe à ses yeux c’est l’autre rive malgré les difficultés. Peut-être alors que Marène et lui plutôt que de rêver assis sur un canapé usé pourraient Faire l’aventure.
Je poursuis mon récit mais je puis vous affirmer que c’est un véritable coup de cœur tant l’écriture de Fabienne Kanor est descriptive et fait voyager dans des espaces géographiques et émotionnels divers.
Faire l’aventure paraitra le 8 janvier 2014 aux Editions JC Lattès
Le quatrième ouvrage est « Moi, Jeanina, adolescente « An tan Sorin » de Claudine Hazaël-Ambrosio.
Sur seulement 73 pages, Claudine Hazaël-Ambrosio trace l’histoire d’une Guadeloupe occupée et meurtrie par les faits d’un seul homme.
Encore difficile de parler, d’écrire sur nos blessures, il y eut le temps Sorin (Gouverneur Sorin) pour la Guadeloupe ; le temps de Robert (Amiral Robert) pour la Martinique comme il y eut après le Bumidom.
Toutes ces périodes de vies qui ont entaché nos mémoires et qui encore aujourd’hui semblent des forces vives de l’ombre. Cependant il nous faut pour un mieux vivre nous en débarrasser définitivement mais ne pas oublier d’en faire part à la génération nouvelle qu’ils comprennent enfin nos meurtrissures, nos non-dits.
L’auteur a recueilli les témoignages de sa mère et de sa grand-mère pour nous délivrer une vérité qui nous concerne tous. Avec un grande simplicité elle nous trace cette période noire pour la Guadeloupe, il y a pour certains les petites histoires d’une population lointaine mais ce sont celles-ci qui marquent aussi l’Histoire de France.
Moi, Jeanina, adolescente « An tan Sorin » est porteuse de vérité, de documents qui prouvent les dires et nous sommes fiers de lire de tels ouvrages.
Moi- Jeanina- adolescente « An tan Sorin » est paru aux Editions NESTOR.