Société

jeudi, 22 août 2013 04:00

Stéphanie Melyon-Reinette, Elle est deux ! Spécial

Écrit par Willy Gassion
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Stéphanie Melyon-Reinette, conférencière (conférence sur Haiti et sa diaspora, Maison de l'Afrique, Paris). Crédit photo: Maonghe Mbaitjongue

Stéphanie Melyon-Reinette est sociologue, chercheur et guadeloupéenne. Nèfta Poetry son alter ego est poète, danseuse et guadeloupéenne. Quand la sociologue s’efface, l’artiste apparait.


Elle est là. Assise à une table au premier étage d’un café où elle a ses « habitudes. » « J’aime beaucoup ce café, on peut y travailler, faire ses rendez vous et il a l’avantage d’être central. » Le Père tranquille, au Châtelet, à Paris, un café bibliothèque où les murs sont des livres. Les quatre fauteuils sont occupés par ses effets personnels, des sacs volumineux dont un duquel débordent des livres. On aperçoit « L’effroyable imposture du rap » de Mathias Cardet. Sur la table un autre livre, celui de Delphine de Vigan. « J’aime lire, je trouve de l’intérêt dans toutes les lectures, je viens de terminer, « Et te voici promise à tout homme » de Eliette Abecassis. » Stéphanie Melyon-Reinette est là mais très vite, on s’aperçoit qu’elle n’est pas venue seule. L’autre est là aussi. Ni tapie dans l’ombre ni exposée. Elle est simplement là. Une présence discrète et gémellaire.

 

Nèfta Danse, Pièce "Mousmée", Crédit photo : Aboo Khoodoruth

La jeune femme guadeloupéenne est deux. Stéphanie Melyon-Reinette est chercheur et Nèfta Poetry est danseuse. Il n’y a là aucune schizophrénie. Seulement une dualité choisie, assumée et apaisée. Une dualité donc et pas un duel où cohabitent deux alliées à la nature différente mais jamais d’adversaires. Enfant, Stéphanie Melyon-Reinette rêvait déjà d’être Nèfta Poetry : « quand j’étais petite, je voulais être danseuse, j’ai toujours voulu l’être, je devais avoir quatre ans quand j’ai vu à la télé un spectacle de danse et j’ai su que c’était ça que je voulais faire. » Mais Stéphanie Melyon-Reinette est aussi la fille de ses parents : « Mon père n’était pas très favorable à ce que je ne fasse pas d’études. Il aimait beaucoup me voir danser mais pour lui, ce n’était pas sécurisant. Je ne regrette pas d’avoir fait des études parce que ça me laisse l’opportunité de choisir ce que je veux faire artistiquement et j’ai la possibilité de travailler ailleurs dans quelque chose qui aussi me plaît. »

 

Nèfta / Stéphanie Danse.  Crédit photo: Manu Dorlis / Dorlis Kinbwa Visuel

Stéphanie Melyon-Reinette se rend à l’université. D’abord à Créteil où elle étudie l’anglais et Nèfta fait quant à elle l’apprentissage de la danse. Toutes les danses. Moderne, jazz, contemporaine, traditionnelle et « un peu » de classique. Sous tous les cieux où elle se trouve. Un temps à Basse-Terre avec Lucette Bogat, puis à Pointe à Pitre avec Léna Blou, Lydia Deshauteurs et Eric Gagneur mais aussi à Paris. Stéphanie et Nèfta se répartissent les rôles : « quand je suis rentrée en Guadeloupe, je dansais en semi professionnelle. La moitié du temps, je dansais et je consacrais l’autre moitié à mes études en troisième cycle. Je gagnais ma vie en dansant et en enseignant à l’université. »

La danse par « passion » et les études par nécessité, par « besoin de savoir » et au bout d’elles, une thèse en civilisation américaine*. Un parcours universitaire entamé à Créteil où la jeune étudiante va à la rencontre d’elle-même, où son identité s’affirme dans le regard de l’ « Autre » qui n’est pas tout à fait elle. L’altérité comme un miroir. «Il y a plusieurs portes d’entrée vers soi. Il ya eu l’impact de la différence. J’ai compris que ma francité était toute relative et que ma guadeloupéanité était pleinement nourrie mais je m’en suis redue compte justement quand j’étais face à l’Autre. L’Autre qui est différent et qui vous demande qui vous êtes. Et c’est à ce moment-là qu’on se définit. »  La question impérieuse de l’identité qui pousse Stéphanie Melyon-Reinette à retourner en Guadeloupe : « j’ai eu besoin après l’obtention de mon DEUG et de ma licence de retourner en Guadeloupe et de poursuivre mes études sur des questions qui soient plus poches de nous. En études anglophones, j’étudiais l’Irlande, le Royaume Uni, l’Australie, le Canada, les USA, c’était très intéressant mais ça ne répondait pas à mes attentes

 

Stéphanie Melyon-Reinette, conférencière (conférence sur Haiti et sa diaspora, Maison de l'Afrique, Paris). Crédit photo: Maonghe Mbaitjongue

 

Nèfta Poetry à l’instar de Stéphanie Melyon-Reinette utilise aussi les mots. Mais d’autres mots, sortis ceux-là de son imaginaire fécond, de sa fantaisie, de ses envies, de son besoin aussi de dire. Les mots de la poésie qu’elle écrit « depuis toute petite, depuis plus devingt ans ». Des mots, ses mots en langues française, créole et anglaise. Des mots qu’elle dit aussi. Nèfta Poetry, femme griot des temps modernes, poète troubadour sur les scènes parisiennes. Avec Gérald Toto, musicien martiniquais, dans un spectacle** dont il a composé les musiques, où se côtoient et se mêlent poésie acoustique et chorégraphie, Nèfta Poetry danse et déclame les textes dont elle est l’auteur. Elle dit : « Je suisFREE (…) » et Gérald Toto lui répond avec sa guitare, elle dit encore : « ma mère me nomma ainsi (…) » et Gérald se met à chanter. L’entretien se termine. Stéphanie Melyon-Reinette s’éloigne, Nèfta Poetry dans son ombre. A moins que ce ne soit le contraire. Elle est deux.

 

 

Photos : W Gassion

*Sujet de thèse de Stéphanie Melyon-Reinette – De la diaspora haïtienne à la communauté haïtiano-américaine : modèle d’une intégration réussie ?

**Mousmée Journal d’une femme Orchidée de Melt In Motherland (création poésie acoustique et chorégraphique) – Le 25 octobre 2013 au Théâtre du Temps – 9 rue du Morvan 75011 Paris. Infos et réservations : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. – tél : 06 48 39 77 72

Lu 8121 fois Dernière modification le mercredi, 21 août 2013 18:10

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