La semaine dernière, à Drouot, commissaires priseurs, acheteurs, et contestataires pouvaient ressentir la tension qui se dégageait de la salle de vente des masques hopis. En effet, la mise aux enchères de ces objets sacrés à provoqué la révolte du peuple hopi, pour qui ces maques ne sont pas considérés comme de l’art, mais comme des êtres vivants qui n’auraient jamais dû quitter leur territoire. Un anthropologue précise que les désormais célèbres masques hopis « sont des amis ». Ils sont la personnification des esprits, les « Kachinas », et permettent d’apporter la pluie, la fécondité, et sont utilisés dans un cadre religieux.
La vente a finalement eu lieu et les objets amérindiens ont trouvé preneurs pour près d’un million d’euros.
Mais du côté de la Suède, c’est un cri de guerre marquisien qui retentit. Le musée de l’Université d’Uppsala est propriétaire de trois crânes de guerriers polynésiens. Ces crânes avaient été emmenés en Suède en 1884 par la frégate royale Vanadis, qui, lors d'un tour du monde, avait fait escale à Tahiti et dans les îles Marquises. L'un des pionniers de l'archéologie et de l'ethnographie en Suède, Hjalmar Stolpe, se trouvait à bord. Ce dernier a acheté -ou volé- les trois crânes qui devaient orner un marae où étaient disposés les dépouilles des prisonniers offerts en sacrifice aux Dieux.
Une question intéressante posée par un lecteur de Tahiti-Infos permet de relativiser le principe -honorable- de restitution : « A qui faut-il rendre les crânes? Aux descendants des marae responsables des sacrifices, ou aux familles des sacrifiés, venant sans doute d'autres îles? Si Hiva Oa se voit restituer ces crânes, devra-telle à son tour les restituer à Tahuata, avec excuses officielles pour les guerres intervenues il y a plusieurs siècles? »
Voilà sans doute les limites de l’Histoire… Toutefois, la Restitution demeure importante pour les Peuples d’Océanie liés entre eux par la Coutume. Les polynésiens comme les mélanésiens savent qu’ils ne sont que des passeurs du Temps. Ils sont les maillons d’une chaîne qui, de lignée en famille, permet de lire leur histoire au détour d’un champ d’igname, d’un récif de corail ou d’une forteresse tongienne. Le retour des trois crânes guerriers des Marquises en provenance d’une autre planète, la Suède, est l’équivalent pour les lignées des Marquises de la reconstruction d’une cathédrale gothique rasée pour les européens. C’est une façon de dire que leur Histoire est réelle, que le marae était -ou est-, ce lieu vivant de rencontre des esprits et des Dieux, là où se tresse toujours la lignée familiale. Le retour des trois crânes –la Restitution- est aussi une façon de se réveiller pour les marquisiens, polynésiens marins, artistes et guerriers. Une parcelle de leur passé justifie leur façon d’être et leur futur. Les marquisiens, où qu’ils soient dans le Monde, portent leur Fenua avec eux. Hiva Hoa sera plus complète avec le retour des trois crânes.




