L’Apis mellifera (l’abeille à miel) est arrivée sur terre 60 millions d’années avant l’homme. Elle est aussi indispensable à notre économie qu’à notre survie. Un tiers de notre alimentation dépend de la pollinisation de cet insecte considéré comme « sentinelle de la bonne santé de l’environnement ». Or, depuis quinze ans, un phénomène se développe, les colonies ne reviennent plus à la ruche. Pour l’instant, seule l’Australie semble épargnée, tandis que 50 à 90% des abeilles ont disparu sur tous les continents, et que le mal continue de se propager de ruche en ruche.
Les DOMS n’échappent pas à la menace. En Martinique, on se mobilise. Les travaux battent leur plein, car c’est en Mars que débute le piègeage des reines dans les nids de frelons asiatiques. Le frelon est un des multiples fléaux qui déciment les ruches. Piéger une reine, c’est une bataille gagnée, un nid mort né. Durant l’hiver, on a repéré les nids de frelons du nord au sud du département, à la cime des arbres et sous les auvents. « Nous ne connaissons pas précisément le schéma du taux d'infestation, mais on peut estimer qu'il y a eu entre 2 000 et 3 000 nids dans le lot ». D'après le président Michel Bétaille, du Groupement de défense des abeilles (le GDA), qui avec le syndicat des apiculteurs regroupe 350 adhérents, l'invasion a été plus ou moins forte selon les secteurs géographiques : le territoire du Cadurcien aurait été moins touché que le Figeacois ou la partie nord-ouest du département. Mais globalement, la mortalité des abeilles est en hausse : «Par endroits, la situation est catastrophique, affirme Michel Bétaille. Jeudi, j'étais à Cabrerets. Sur 32 ruches, 29 étaient mortes! ».
Mais le frelon n’est pas le seul ennemi. Varroa, conditions météo difficiles, pesticides, comme partout plusieurs facteurs se conjuguent. Les apiculteurs ont entamé le dialogue avec les agriculteurs. Ils leur expliquent la vie des abeilles et tentent de voir s’ils peuvent différer certaines périodes de traitement cruciales à la vie de la ruche. C’est aux approches des bananeraies et des champs de melon que les abeilles souffrent le plus. Les traitements par avion notamment font mal. Les maladies comme le varroa, les virus, ont été identifiés. La multiplication des émissions électromagnétiques qui perturbent les nanoparticules de magnétite présente dans l'abdomen de l'abeille, l'outil de son orientation et de son retour à la ruche, ont également été mises en question. L’arrivée perturbante d’espèces envahissantes telles que le frelon asiatique. Mais la malnutrition est aussi au rendez-vous. Partout, les abeilles ont faim de sucre depuis que les fleurs disparaissent des prairies. Dans les îles aux mille fleurs, cela semblait impensable. Et pourtant, même dans les paradis tropicaux, la nourriture des abeilles diminue du fait de l’urbanisation et de la déforestation. Les nourrir dans une intersaison de plus en plus longue devient obligatoire. On ne le sait pas toujours, mais un bon apiculteur veille sur ses ruches, car l’abeille a besoin d’être aimée et soignée.
En Juillet dernier, la filière apicole domienne a saisi ses parlementaires et le député Maurice Antiste a déposé une question écrite pour la sauvegarde de la filière en outre-mer, où la consommation de miel connaît une croissance constante : « les apiculteurs ont de plus en plus de mal à vivre de leur production : pour information, en une vingtaine d'années, le prix du litre de miel est passé de 25 à 18 euros en moyenne, quand en même temps la productivité de chaque ruche était divisée par trois et que les importations étaient multipliées par dix ».
La cause des abeilles se fait de mieux en mieux entendre car elle touche désormais l’économie. On découvre dans le film de Merkus Imhoof que l’homme l’utilise de manière « esclavagiste ». L’abeille ouvrière manque de soins, les colonies sont utilisées jusqu’à leur épuisement. En Californie, des centaines de colonies travaillent à la pollinisation des amandiers sur des milliers d’hectares. Le seul intérêt de l’élevage industriel de l’abeille est donc financier. Sauf que l’abeille meurt. Cette année la Californie qui assure 80% de la production mondiale d’amandiers a dû réquisitionner plus de deux millions de ruches. « J'ai 4000 ruches raconte un apiculteur. Les producteurs d'amandes me donnent 150 $ par ruche pour la pollinisation des fleurs, ça fait 600.000 $ par an ». Cet exemple montre à quel point l’activité de l’abeille est utile et sans prix. Les chinois ne viendront pas contredire ces données. Depuis quelques années ils sont devenus eux mêmes abeilles dans les champs de fruitiers.
Partout elles ont déserté les bergers, remplacées par des milliers de pollinisateurs humains.




