Société

mercredi, 27 février 2013 19:41

Cœur Chamallow, un plaidoyer contre l’obésité !

C'est le premier film d’une réalisatrice talentueuse. Ce film, Keen de Kermadec, l’a écrit et réalisé avec affection, suite à la perte d’un parent cher, et comme les choses doivent être dites pour en quelque sorte palier au deuil. Cependant la jeune femme a mis en lumière un sujet important au sein de la société moderne, aux Antilles comme ailleurs : l’obésité, le nouveau fléau des sociétés.  

Ce film est, pour sa réalisatrice, essentiel et extraordinaire. C'est un travail accouché de quelques nuits blanches probablement, de quelques douleurs profondes, puisqu'il témoigne de son affection entière pour un être cher disparu à l’âge de 47 ans seulement. Comme Keen de Kermadec nous le rappelle avec justesse,  « le scénario fondé sur une histoire vraie traite d’un sujet d’actualité dans nos Dom : l’obésité ».
 
Pendant 20 minutes, ces images vous tracent l’état des lieux ou plutôt, les états des lieux : du corps, du cœur, de l’esprit, des émotions, des ressentis, des non dits, des mépris, des méprises, des rencontres, des mensonges, des envies, des aspirations. En fait, il révèle tout simplement le sentiment d’emprisonnement total que vous ressentez lorsque votre corps est devenu une enveloppe embarrassante, trop lourde, trop chargée de douleurs et de graisse, et qu’il vous est désormais difficile de franchir des obstacles physiques, émotionnels, psychologiques. Mais avant tout, Cœur Chamallow est un cri d’amour, de tolérance et de compréhension.
 
Voilà tout ce que l’on voit dans ce film maîtrisé avec sensibilité, sans aucunes fioritures, sans voyeurisme. La transition du noir & blanc et de la couleur. Le rythme y est cadencé, enrichi par les extraits d’un patrimoine musical riche. On reconnait dans la cadence des battements de cœur en perte de souffle la musique de Thierry Fanfant.
 
Les images de Keen de Kermadec sont filmées comme une signature. Une signature tracée sur une pierre fracassée elle-même par l’incompréhension des autres, le regard des uns face à la différence, l’indifférence face à l’esthétique.
 
La photographie du film met en lumière un sujet devenu délicat aux Antilles : le « manjé mal », la génération obèse, les conséquences de la cuisine industrielle, les méfaits du surpoids, le mal-être lié à cette dérive. En fait, « ou pijé bobo la » (tu as appuyé où ça fait mal).
 
Oui, qu’est-ce vraiment être gros ? C’est prendre plus de temps pour s’habiller, manquer de souffle pour un simple pas, être moins rapide qu’un escargot en course et moins compétitif au moment des efforts. C’est également être moins à l'aise alors que l'on voudrait remodeler en "ébats d'amour" le corps de l'autre. C’est être un peu beaucoup seul dans le regard du monde.
 
Il y a les choses que l’on ne peut plus faire, il y a les reproches de ceux qui ne peuvent « souffrir » de votre « monstruosité », il y a aussi les « rire sous cape ». Et puis il y a vous, vous moquant de votre propre personne, avant qu’un autre le fasse. Il y a encore les obstacles au moment d'un décès, un cercueil pour la non-normalité, comment trouver un espace pour entreposer un corps dans un lieu non approprié (3 à 5mn dans le film, des instants de vérité fracassante).
 
Mais il y a la douceur d’un regard, comme celui de Miss de  Kermadec, l’empathie d’un esprit intelligent, il y a dans son Cœur Chamallow, toute l’estime d’une amie que chacun, obèse et moins gros souhaiterait avoir.
 
Il y a dans les rôles principaux la mère jouée par  Pascale Raoux - fière et courage - qui élève seule son fils si différent, son amour est aussi grand que sa corpulence. Mais il y a aussi les images superbes, presque irréelles et surtout, la révélation d’un nouveau talent : le grand, l’immense Thierry Fanfant. L’illustre guadeloupéen, à la contrebasse folle-folle qui joue le rôle de Théo, « embarrassé de ses 200 kilos qui lui causent tant et tant de souffrances », et je vous avoue que découvrir Monsieur Fanfant, le musicien qui s’est tant imposé depuis des années est ici dans un rôle à « ses mesures », est bouleversant. Mis à nu,  « trituré », par la réalisatrice attachante dont j’avais déjà apprécié le professionnalisme à travers quelques documentaires faits pour la télévision, et qui ici m'a fait « biguidi ti brin » (chavirer).
Le premier film de Keen de Kermadec est une perle, un bijou que tous les festivals devraient avoir, et surtout, il est un hymne à l’amitié, à l’estime de l’un quel qu’il soit. C’est aussi un superbe outil pédagogique pour nos centres de santé, il est universel, puisque c’est l’histoire de n’importe quel « obèse » d’ici et d’ailleurs.

Et, c’est probablement pour tout cela que le FEMI lui a attribué deux de ses prix en février dernier. Cœur Chamallow a effectivement reçu le Grand prix du meilleur Court Métrage du FEMI 2013 et le Prix du jury Lycéen du court métrage.

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