Société

mercredi, 13 février 2013 20:24

L’homosexualité – Couleur Pays Martinique ou Guadeloupe

L’histoire pourrait commencer comme dans le « Cantique des tourterelles* », le roman de l’écrivain guadeloupéen Ernest Pépin : « Au début, je n’ai pas remarqué la beauté de Mélodie. Elle ne se percevait pas d’emblée. Elle ne foudroyait pas. Elle prenait possession de manière progressive avant de s’imposer comme l’empreinte d’un baiser sur des lèvres coupables.  (…) Malgré tant de sobriété, il émanait d’elle un magnétisme dont j’ignorais le pourquoi. C’était une femme piège comme il existe des plantes carnivores… « Ainsi parle la sage Aurore, dont Jérôme, impuissant, observe la métamorphose. Car Aurore est soumise à l’attraction d’un astre plus puissant. Et cet astre est féminin ».

Dans ce roman majeur, l’auteur nous conte l’histoire de deux femmes qui s’aiment, un cantique créole comme une chanson de geste qui raconte la liberté d’être et qui nous révèle ce que peut être le parcours de personnes aimant quelqu’un du même sexe. Il faut toutefois souligner que même si l’homosexualité se révèle universelle, il ne semble pas que le vivre aux Antilles ou dans l’hexagone soit la même chose.

Avec le témoignage de deux jeunes gens, nous allons essayer de définir les émotions que l’on peut ressentir au moment d’assumer son choix.?D’abord avec le jeune martiniquais, Mike Fédée qui avec intelligence a accepté de répondre à nos questions. Mike Fédée est né à la Martinique, où très jeune il est sensibilisé par toutes formes artistiques. Il a participé aux Spectacles de Danse de l’Université de Guyane pendant plusieurs années, il est l’auteur de scénarios et romans de fictions. Aujourd’hui à 25 ans, il est devenu un comédien talentueux que l’on peut jusqu’à la fin mars voir dans la pièce « A partir d’un SMS* » qui relate la rencontre, le quotidien et la rupture de deux hommes qui s’aiment. 

Le second témoignage est celui de Gwladys Pallas, jeune femme guadeloupéenne, née aux Abymes, et qui a 17 ans se découvre une attirance pour une personne du même sexe. Comme elle le dit avec humour « j’ai fait un détournement de majeure », j’ai réussi à la séduire parce que je me sentais profondément émue par elle.

Ces deux jeunes gens confient une homosexualité affirmée et positive. Même si rien n’a été évident, Mike avoue son sentiment pour un jeune garçon de son âge à la période de fin de collège à sa mère. La confidence faite, sa mère l’accueille comme n’importe quelle mère dit-il, avec la crainte de n’avoir pas été à la hauteur de sa mission maternelle. Elle a alors choisi de se renseigner, malgré la peur parce que tout cela fait partie de l’imprévu, de l’inconnu surtout et cela a pu tout résoudre.  Sa maman a tenu à comprendre ce qui arrivait à son enfant, elle a discuté avec des spécialistes, et elle a pu entendre  que cela était normal, il n’y avait pas de remède ou de potion miracle parce que ce n’était pas une maladie. Elle a surtout admis qu’elle n’avait rien raté dans son rôle de femme et de maman.

Les années passant j’ai quand même eu quelques relations avec des filles avec qui j’ai eu de véritables sentiments révèle encore Mike… Mais je me découvrais de plus en plus homosexuel. Ce qui m’importait était qu’à partir du moment où j’avais fait mon propre choix, je ne pouvais plus la décevoir suite à cette fêlure, j’ai décidé donc que je devrais être irréprochable ailleurs dans ma vie, et me prendre en main professionnellement et surtout être heureux. Au fond le but d’un père et d’une mère c’est  que leur enfant soit heureux, ce que par la suite ma mère a réalisé. En ce qui concerne mon père, je m’étais dit « jamais de la vie » jusqu’à ce que je le ressente le besoin de lui dire. Et je l’ai ressenti en fait au moment d’un gros poil (chagrin d’amour) comme on le dit chez nous.

Je me suis lancé, je lui ai annoncé un jour au bord de la plage parce que j’étais plutôt malheureux et à ma grande surprise, il m’a écouté et il a réagit avec beaucoup de philosophie et nous en avons beaucoup discuté. Parce que le papa quand même c’est l’image du patriarche, de l’autorité et suite à cette discussion, on s’est rapproché comme jamais, son regard n’a jamais changé vis-à-vis de moi.
Ce qu’il faut se dire surtout c’est que ce n’est pas une évidence pour les parents, ils vous voient comme leur enfant depuis votre enfance,  sans se poser la question de votre sexualité. C’est ce qui m’a permis grâce à leur compréhension, leur affection de faire, de vivre mon coming-out sans mal être.

Malgré tout je suis conscient que beaucoup d’homosexuels vivent le rejet par leur famille, il y a ici une association « Le Refuge* » qui reçoit de nombreux jeunes qui ont été chassés de leur maison pour cause d’homosexualité, ça existe et c’est terrible. L’affection exceptionnelle de mes parents me permet de prendre énormément de recul même si je suis plutôt jeune et que je n’ai pas la science infuse. En définitif, pour celles et ceux qui vivent l’homosexualité comme une véritable fracture, je garde l’espoir qu’une maman, pour  l’être de ses entrailles ne pourra pas à vie le rejeter, et même si c’est à son dernier souffle elle retournera vers sa progéniture, lui dire « désolée de n’avoir pas été présente », oui j’en suis persuadée elle le fera tôt ou tard. Et je me dis aussi que quelquefois si on est orphelin ou pour ceux qui ont vécu des drames trop tôt, ils auront toujours la force de surmonter cette difficulté et d’assumer qu’ils soient Antillais, Guyanais, ou Provinciaux.

Cela me conforte dans le fait de m’engager pour  le Mariage pour Tous, et j’essaie d’assumer : je joues une pièce gay, je milite et j’affiche mon choix.

Quant à Gwladys, la jeune fille des Abymes, elle a très jeune choisi  son parcours en tant qu’homosexuelle. C’est surtout une femme qui a gardé toute sa féminité, terriblement séduisante. A 21 ans, elle a confié à ses parents son attirance pour les filles et nous raconte que ce qui importait à sa défunte mère et son père c’était de la voir vivre heureuse et faire fi des « qu’en dira t’on ». Rien n’est plus difficile que de se retrouver seule dit-elle comme certains de mes camarades, largués et quelquefois  châtiés de ne pas être conformes aux autres.  Tout au long de mon parcours de vie, j’ai essayé de vivre mes choix avec foi et fierté, je me suis engagée avec conviction. J’ai réalisé la difficulté pour certains moralement et physiquement de vivre leur homosexualité. Ils sont jugés, ils représentent le déshonneur de la famille, pour un homme c’est souvent pire mais pour une femme ce n’est pas mieux vu.

Il est vrai  que je fais partie de ceux qui ont eu la chance de travailler à l’époque au côté de gens tolérants, malgré qu’ils fussent plus âgés. Je travaillais à l’époque dans une école dont le proviseur qui avait 60 ans m’avait surpris une fois en dehors de l’établissement avec ma compagne qui m’a embrassé à la sortie des classes, il n’a jamais fait allusion à ma vie privée. Et certains élèves qui supposaient que j’étais une lesbienne ne m’ont jamais apostrophé pour me reprocher mes préférences.

En 2007 j’ai avec d’autres jeunes homosexuels, créé l’Association LGBT  (Lesbiennes Gay Bisexuels et transgenres) qui  les accompagnent  lors de leurs coming-out, pour des démarches de protection et autres sensibilisations.

Ils sont nombreux, ultramarins africains, maghrébins et français hexagonaux à  être au quotidien extrêmement malheureux. J’ai rencontré des jeunes qui ont tenté de se suicider du fait de leur exclusion d’une société qu’ils pensent ne les reconnaissent pas et  les jugent comme des êtres malfaisants.

L’homosexualité n’est pas un délit et à mon sens le combat que porte à l’Assemblée Madame Christiane Taubira nous donne l’espoir que nous pourrons désormais vivre heureux  sans nous cacher ou être considérer comme des gens de déviance. Aujourd’hui le Mariage pour Tous, met en lumière les nombreuses difficultés qui émanent de cette pratique de la sexualité et donne enfin l’égalité juridique à notre situation.

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