Société

mardi, 12 février 2013 15:09

Connaissez-vous Taubira?

La première fois que j’ai rencontré Christiane Taubira, à un moment de sa vie où elle s’appelait encore Taubira Delanon, c’était à Cayenne, à la sortie d’un entretien à la radio dans la matinale de RFO en 1996. Elle s’était emportée parce qu’elle prétendait que je l’avais enfermée dans un commentaire sur le candidat Aristide en Haïti alors qu’il y avait « tant à dire » sur la situation dans son « pays », la Guyane. J’avais été frappé par sa détermination, presque physique à garder le contrôle d’elle-même et de son parcours. Elle utilisait pour parler d’elle le mot « négresse » que je m’étais évidemment interdit. La vivacité de ses réflexions et sa singulière agilité intellectuelle m’avaient amené  à penser d’elle qu’elle était la négresse révolutionnaire. 



Mme Taubira ne laisse pas indifférent. Effet douche glacée pour ses adversaires, effet passion pour ceux qui l’apprécient. Avec le mariage pour tous, la ministre de la justice, garde des Sceaux a trouvé un débat à la mesure de sa stature intellectuelle. Rétroactivement, le président Hollande ne s’est pas trompé en lui confiant un portefeuille régalien, symbole parmi tous des hauteurs de la République. Tous ses collègues, parfois laborieux, les yeux noyés dans leurs fiches de lecture admirent son aisance oratoire, sa maîtrise parfaite des dossiers. Mme Taubira incarne aujourd’hui des valeurs en hausse dans la société française, en particulier dans les ghettos bobo du 5e et du 12 e arrondissement de Paris: elle est noire, elle est femme, c’est une intellectuelle et une élue, elle est courageuse, elle montre que l’Outremer est non seulement soluble dans la communauté politique mais qu’il est utile à la construction de celle ci. Autant le dire, je ne suis pas un admirateur des idées défendues par la ministre dans le débat actuel. Pour une femme de tête, je ne comprends pas qu’elle s’enferre dans le champ lexical d’une société encore tiède : mariage, pourquoi mariage, et pourquoi aussi vite la PMA, la procréation médicalement assistée ? La négresse révolutionnaire veut renverser les bastilles. Dans ce combat pour le mouvement, elle peut symboliquement cimenter la majorité présidentielle ou enfiler les habits de Toussaint Louverture en fracassant l’unité déjà chancelante de ses amis politiques. Taubira libératrice et émancipatrice ou Taubira démon de la discorde ? « Méfions nous disait Pierre Joxe, vieux routier de la Mitterandie, la vie politique est longue ». Mme Taubira est désormais plus que prise au sérieux. Il faudra du temps pour que l’opposition, à l’image de Jean François Copé en 2011, ne vienne remettre en question ses qualités politiques et son aptitude à la République. Mais, ce qui compte, c’est aussi ce qui dure. La ministre est un incontestable marqueur de gauche. Elle ressoude une majorité en apnée de popularité, elle donne de la cohérence à l’action gouvernementale. Au moment où la gauche se divise sur les thérapies industrielles à mettre en route pour sauver la sidérurgie ou l’industrie du pétrole et des pneumatiques, la Guyanaise entraine et rassemble. Pour les relations entre le PS et les Verts, Mme Taubira est une aubaine. Enfin une ministre qui ose ! Mais, les risques sont au moins aussi nombreux que les chances. La famille socialiste est loin d’être unanime. On sait le Premier ministre hostile à l’association mariage pour tous-PMA et GPA, dans les circonscriptions, dont celles d’Outremers, les électeurs se raidissent. On ne passe pas d’un modèle anthropologique à un autre sans heurter, sans déplaire. Le boomerang peut revenir à toute vitesse et le projet défendu par la Garde des Sceaux devenir une impasse politique.

Christiane Taubira la Spartacus noire du gouvernement prend tous les risques. Elle a séjourné si longtemps sur les bancs de l’Assemblée qu’elle est par culture (autant que par nature) peu sensible aux ors du palais Vendôme. Ce que nous retiendrons est ailleurs. Dans cette république un peu compassée et vieillissante, c’est une femme de la périphérie qui vient contester le modèle du vieux monde. Nicolas Sarkozy avait osé Rachida Dati au ministère de la justice, Hollande a tenté Taubira.  D’une transgression à l’autre, il y a autant de risques que de chances. Voyons si la présidente fondarice de l’éventail Walwari donnera de l’air chaud ou de l’air froid à son propre camp…

 

 

 

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