Les politiques le reconnaissent tous en privé : l’Outre-Mer est importante tous les 5 ans, dans les 6 mois qui précèdent les élections présidentielles et législatives ! En dehors du « money time », les territoires lointains sont délégués à la gestion d’un Secrétariat d’Etat ou dans le meilleur des cas d’un Ministère délégué. Depuis Marie Luce Penchard, ce sont des ultramarins (je déteste ce terme mais faute de mieux !) à qui échoit le privilège d’administrer plus que de gérer ces bouts de France éparpillés dans le monde. Nicolas Sarkozy avait pris l’initiative d’états généraux puis avait consacré un Conseil interministériel à l’Outremer. Une fois l’actualité refroidie et l’alternance réalisée, ces territoires sont retombés dans le grand silence des médias. Les raisons de ce désamour sont au moins doubles et ne tiennent pas spécifiquement aux régions d’Outre-Mer. Les journalistes adorent feuilletonner l’actualité. Ils aiment les histoires qu’on peut raconter et le public fait écho à ces techniques du récit chapitré. Comme dans les fictions, tout y est : suspense, retournement, histoires d’hommes, dénouement. Le reste du temps les grands médias, ceux qui forment l’opinion, pratiquent le hard news ou si vous préférez l’actualité jetable. Une nouvelle chasse l’autre : un jour Florence Cassez, un jour le tueur de Toulouse ou les manifs contre la réforme des retraites ou le mariage pour tous et puis autre chose. Sur cette scène de l’actualité, rien ne dure. L’info Kleenex a pris le dessus sur toutes les autres techniques de récit du monde et à ce stade, rien ne devrait changer à brefs délais. Le problème du hard news tient dans ses techniques. La simplification se traduit souvent par des caricatures dont celles ci : les Antillais sont tous fonctionnaires; ces territoires veulent leur autonomie qu’on la leur donne, ou encore très en vogue après 2009 ; les Békés sont tous des salauds et des profiteurs. On pourrait ainsi multiplier les images d’Epinal. Les clichés ont le même impact que la rumeur, ils sont insaisissables et inattaquables. Ils sont dévastateurs. Faute d’une incarnation forte, l’Outremer est vouée au silence. C’est le deuxième point. Les élites politiques et culturelles antillaises ou réunionnaises se sont endormies. Ce n’est pas faire offense à Monsieur Lurel, le ministre que de dire qu’il est absent de la scène. Aimé Césaire est mort, il n’a pas été remplacé. Les auteurs littéraires dont le talent est incontesté sont passés de mode. Dans la compétition des territoires et des cultures, ceux qui n’avancent pas reculent.
Il y a les images mais il y a aussi le fond des choses. Avec la crise, notre société a perdu le sens du « vivre ensemble ». Elle est plus égoïste. Comment d’ailleurs blâmer ceux qui veulent sauver leur situation et dans certains cas leurs petits avantages ? L’outremer est loin, pour ne pas dire lointaine. Elle ne peut compter que sur elle même et sur ses forces. Facile à dire penserez-vous ? Du coup, comment s’y prendre ? Comme tous les territoires du vaste monde, les régions d’Outremer sont appelées à changer de logiciel. Notre pays doit faire des économies et l’an prochain, après un sursis, les DOM passeront à la moulinette de la rigueur. La politique de guichet qui prévalait là-bas comme ailleurs s’éteindra peu à peu. En sifflet comme disent les économistes. Il faudra inventer un nouveau modèle. L’économie de transfert est en voie d’assèchement. Plutôt que de fanfaronner sur les monopoles de la distribution, il faudra s’interroger sur la société de consommation et imaginer une société de production. La Réunion est en avance dans ce domaine, elle qui pourra bientôt s’adosser à un marché d’un million de personnes. Les Antilles, la Guyane et les autres territoires devront trouver leur propre voie et accepter de subir une transition nécessairement douloureuse entre le guichet et les projets. L’objet de ce magasine numérique est aussi de recenser les bons projets, de valoriser les compétences et les initiatives de ceux qui vivent en Outremer, de ceux qui en viennent et de ceux qui aiment ces territoires et ces peuples.




