Société

dimanche, 06 juillet 2014 20:31

Et l’UAG explosa… Pour quelle reconstruction ?

Rien n’est immuable. La belle création des pères fondateurs de l’Université des Antilles et de la Guyane, il y a plus de trente ans, n’a pas échappé à cette règle.
On peut croire très modérément à la théorie du chaos, mais il n’en demeure pas moins vrai que la crise ayant abouti à la fin de l’UAG invite à l’examen des méthodes et des consciences. La fameuse formule dévastatrice : « la compétence au lieu de l’alternance » a mis à mal l’esprit partenarial.



Comment peut-on imaginer dans une structure à trois cerveaux, qu’on puisse considérer sur la base d’un argumentaire qui confine au mépris qu’un seul ou deux sont fondés à exercer le pouvoir ? Dans ce cas de figure, le cerveau minoré résiste mal à la tentation de démontrer qu’il est aussi grand cerveau que les autres. Telle fut la démonstration de force de la Guyane et elle a gagné. Le Gouvernement s’apprête à publier un décret relatif à la création de la Guyane.

Des arguments parfaitement pertinents justifient l’érection d’une université de la Guyane. Premièrement, si aujourd’hui la critiquable notion de masse critique, liée au nombre d’étudiants n’est pas effective sur le terrain, la croissance démographique est tellement véloce que cet aspect des choses est éminemment provisoire. Deuxièmement, les caractéristiques du territoire guyanais laissent augurer d’une activité de recherche aussi prometteuse que foisonnante, notamment du point de vue de la croissance verte. Et, sans être exhaustif enfin, les guyanais ont raison d’envisager le développement de leur territoire aussi grand que le Portugal et l’Autriche, sur la base d’une politique de l’enseignement supérieur et de la recherche pensés par eux et pour eux, tout en s’ouvrant à la fois à leur aire géographique américaine du nord et du sud, mais aussi au monde qui leur tend les bras en raison de l’affermissement de la notion de puissance écologique.

Pour ce qui concerne les Antilles, une nouvelle expression, celui de « territoire antillais », a aussi guidé le choix de l’université des Antilles. La proposition de la création de trois universités de plein exercice en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique dans le cadre d’une confédération telle que prévue par la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche du 26 juillet 2013 a été complètement ignorée.

Pour ces détracteurs, il s’agit d’une démarche nationaliste de mauvais aloi, alors même qu’il s’agissait de reconstituer l’UAG, sur de nouvelles bases juridiques prévues par la loi, en mettant réellement en pratique « un partenariat stratégique ». Mais, l’histoire n’a vraisemblablement pas fini de livrer son verdict…

En bon républicain, on peut faire sienne cette pensée livrée par le Conseil d’Etat : « l’ordre des pouvoirs doit être respecté au sein de la République ». Le Gouvernement, dans l’exercice d’une compétence qui relève d’abord de l’Etat a donc tranché en faveur de l’université des Antilles. Et, il convient de le respecter ! Aujourd’hui, cette université des Antilles en voie de conception oscille entre le clonage à partir de la bête malade ou une renaissance en remettant les compteurs à zéro. La première option a pour effet de ne pas faire obstacle à la prorogation des mandats politiques universitaires en cours.

C’est ainsi que le projet d’ordonnance évoque la reconfiguration du périmètre de l’UAG. Autrement dit, la mise en place d’une nouvelle UAG sans le G. Est-il vraiment possible de penser que l’esprit qui a présidé à la première mouture de l’ordonnance relative à l’université des Antilles comparable à un bruit blanc a reposé exclusivement sur la poursuite à tout prix d’un mandat politique ?

On n’ose le croire. Comment peut-on réaliser une transition institutionnelle, qui plus est dans le monde universitaire, sans larges concertation et consultation ? Compte tenu de l’ampleur de la crise, on peut aisément penser que les ingrédients de démocratie directe sont encore cruellement lacunaires. L’université des Antilles est de plus en plus perçue comme une progéniture non désirée. Les communautés universitaires de la Guadeloupe et de la Martinique sont gagnées par la lassitude.

Suite à la grève de mars 2014 en Guadeloupe, une intersyndicale a organisé une consultation le 28 avril 2014, sous contrôle d’huissier. Même si cette initiative a été totalement disqualifiée, on ne résiste pas à la curiosité de connaître les résultats. Tant chez les enseignants-chercheurs que chez les personnels administratifs la volonté de voir l’Etat créer une université de la Guadeloupe l’a emporté. Par l’entremise des médias, largement servis, la crise universitaire aux Antilles et en Guyane a donné l’occasion d’un grand déballage.

La justice doit passer. Les mis en cause feront valoir leur droit à se défendre conformément aux règles du droit positif. La création d’une université des Antilles et non sa reconfiguration, pour donner la primauté à l’efficacité de l’action publique de l’enseignement supérieur devra être gouvernée par le principe fondamental de l’autonomie des pôles de Guadeloupe et de la Martinique. Cette autonomie concernera autant l’administration, la politique de formation initiale et continue, la politique de la recherche et les finances.

Sur ce dernier point, les critères d’allocation des moyen doivent être reconsidérés sur des critères objectifs : le nombre d’étudiants notamment (6000 en Guadeloupe et 4800 en Martinique). Chaque pôle doit posséder son institut universitaire de technologie mise en articulation avec les ambitions de chacun des territoires. La faculté de médecine pensée par feu Hyacinthe Bastaraud, demeurera en Guadeloupe dans le cadre d’un développement conjoint avec la Martinique, voire même avec la Guyane. L’université des Antilles en voie de création est déjà un bien commun mais aussi une valeur que nous laisserons aux générations futures car devant symboliser l’altérité, la fraternité et la coopération gagnant-gagnant.

Pierre-Yves CHICOT
Maître de conférences de droit public-Habilité à Diriger les Recherches
Laboratoire CREDDI

Partenaires

CANGT NORD GRANDE TERRE
CAP EXCELLENCE

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