Une stratégie d’exonération des charges sociales revue à la baisse !
En effet, le budget directement géré par le Ministère de l’Outre-mer verra une coupe franche de 90 milliards d’€, ce qui n’est pas rien, en raison d’un nouveau plafonnement des niveaux de salaires ouvrant droit à une exonération des cotisations employeurs dans les départements d’Outre-mer.
Ce plafonnement va à terme poser un vrai problème de pouvoir d’achat puisque les entreprises outre-mer seront ainsi incitées à conserver tant leur effectif que leurs salaires en deçà du plafond. Par ailleurs cette politique publique de rabot sur les exonérations de charges sociales va conduire à un coup de frein à tout emploi proposé à du personnel qualifié.
La combinaison de ces deux facteurs annonce en vérité une vague de gel des salaires dans toutes les entreprises de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion, alors que le sujet du coût de la vie est d’une sensibilité épidermique. Et c’est sans compter le travail au noir qui trouve dans la complexification de notre droit du travail, le meilleur allié.
Rappelons que la politique d’abaissement du cout du travail est payée par les Guadeloupéens, les Martiniquais, et les Réunionnais eux-mêmes puisque c’est bel et bien la loi Perben de 1994 qui a instauré une TVA sociale dans ces départements. Ainsi, le taux de TVA a été relevé de 7,5 % à 9,5 % et des exonérations de cotisations sociales ont été mises en place dans les secteurs de l'industrie, l'hôtellerie, la restauration, la presse, l'agriculture et la pêche.
20 ans après, cette diminution avérée des moyens du ministère s’agissant de la stratégie d’allègement du cout du travail payé par les ultramarins eux-mêmes, est un coup porté à un instrument qui a fait ses preuves, puisqu’ une étude du ministère de l'Outre-mer de 1999 a relevé que quatre fois plus d'emplois avaient été créés dans les secteurs exonérés que dans les secteurs non exonérés entre 1996 et 1998.
Une défiscalisation minée de l’intérieur
L’article 13 du projet de loi de finances réforme quant à lui le régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer. Ce dispositif déjà complexe, revu, critiqué et corrigé à l’occasion de toutes les lois de finances, n’en finit pas d’être réformé, ajusté et moralisé. C’est dire le discrédit qui pèse sur une incitation fiscale qui, à vrai dire a changé singulièrement de nature depuis les errances d’un Jacques Séguéla avec son « Merci Béré ».
Pour connaitre les évolutions de la défiscalisation Outre-Mer, il suffit de se reporter à la multitude de rapports de l’IGF, ou encore de l’Assemblée nationale ou du Sénat qui retrace les péripéties d’une incitation décriée en métropole par les ayatollahs de l’orthodoxie fiscale ; Mais aujourd’hui, on peut considérer que la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer repose sur trois dispositifs principaux :
– l’article 199 undecies B du code général des impôts qui permet d’obtenir une réduction d’impôt sur le revenu (IR) égale dans la généralité des cas à 38,25 % des investissements productifs réalisés dans les secteurs éligibles (« Girardin industriel ») ;
– l’article 199 undecies C qui permet d’obtenir sous conditions une réduction d’IR égale à 50 % des investissements réalisés dans le secteur du logement social ;
– les articles 217 undecies et duodecies qui permettent aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés de déduire de leur assiette taxable (donc au taux de 33,3 %) les investissements productifs réalisés respectivement, dans les départements d’outre-mer et dans les collectivités d’outre-mer.
Les investissements peuvent être réalisés directement par les exploitants, mais ce sont des cabinets intermédiaires qui, le plus souvent montent ces dossiers complexes. Dans ce cas, la personne qui réalise l’investissement et bénéficie en retour de l’avantage en impôt doit en rétrocéder une fraction à l’exploitant.
Selon la forteresse de Bercy, ce montage génère une forme d’évaporation fiscale, puisque seule la fraction rétrocédée revient à l’outre-mer, le solde servant à rémunérer le contribuable – investisseur.
La rhétorique de cette mesure est simple : Puisque les banques sont défaillantes en matière d’accompagnement d’investissement dans ces collectivités qu’elles considèrent à tort ou à raison comme des territoires à risque, il faut mobiliser l’argent privé pour le canaliser sur des investissements dans le secteur productif de l’économie et vers la construction de logement social. Pour cela, il faut une carotte fiscale pour l’investisseur !
Quoi de plus simple ? Et en quoi est-il scandaleux que des contribuables français placent leur argent dans des territoires français ? Ce n’est en rien ni de l’évaporation ni de l’évasion fiscale d’autant que ces collectivités ne sont pas la Suisse !
Quoi qu’il en soit, la défiscalisation est critiquée pour son manque de transparence, alors que l’Etat dispose de moyens de contrôle en amont et en aval de la réalisation de ces projets d’investissement. Ces raisons ont conduit l’actuel gouvernement à proposer la création d’un crédit d’impôt qui bénéficiera directement et en totalité à l’outre-mer.
Quel est le dispositif de cet article 13 du projet de loi de finances pour 2014
S’agissant des investissements productifs, le recours au crédit d’impôt ne sera obligatoire que pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil fixé à 20 millions d’euros, c’est-à-dire une minorité d’entreprises (selon le ministre, 107 entreprises au total, représentant 40 % de l’investissement, se trouveraient dans le champ de cette expérimentation). Les autres entreprises peuvent choisir de continuer à bénéficier du 199 undecies B ou du 217 undecies ou d’opter pour le crédit d’impôt, l’option s’exerçant investissement par investissement et non une fois pour toutes. Le taux du crédit d’impôt est de 38,25 % pour les entreprises soumises à l’IR et de 35 % pour les entreprises soumises à l’IS.
Le taux de la réduction d’IR serait en l’état du droit le même, mais seulement 62,5 % – c’est-à-dire la fraction rétrocédée – bénéficierait directement à l’exploitant ultramarin (soit 23,9 pour un investissement de 100) : les exploitants avec un chiffre d’affaires suffisant auraient intérêt à opter pour le crédit d’impôt car l’intégralité du montant de l’aide fiscale leur reviendrait ; le coût pour l’État est en conséquence inchangé. En revanche, pour les petites entreprises, les intérêts dus au titre d’un prêt relais risqueraient de dépasser la fraction qui bénéficiait auparavant à l’investisseur.
S’agissant du logement social, le recours au crédit d’impôt ne sera jamais obligatoire. Le taux du crédit d’impôt est de 35 %, ce qui permet aux organismes de logement social de bénéficier d’un niveau de soutien identique aux futurs schémas intermédiés (soit 70 % de rétrocession des 50 % de réduction d’IR). Au contraire de ce qui est prévu pour le secteur productif, l’évaporation fiscale est donc ici captée au profit du budget de l’État et non rétrocédée aux bailleurs outre-mer.
Il semblerait que pour les organismes de logement social, le crédit d’impôt pourrait être moins avantageux que le régime actuel de défiscalisation.
Cette réforme qui ouvre la voie de la suppression d’une dépense budgétaire pour laisser la place via le crédit d’impôt à une dépense fiscale, pose derechef la problématique du coût du préfinancement des investissements.
Il ne reste plus qu’à espérer un débat budgétaire constructif à l’Assemblée nationale et au Sénat pour clarifier les côtés obscurs de cette réforme, car, dans un contexte de crise qui n’épargne pas nos contrées, l’instrument qu’est la défiscalisation est précieux pour la survie de nos économies, quand bien même nos eaux pullulent de « profitans ».
La mariée est fardée, puisque son voile est au vent, mais sa jupe est déchirée par un calamiteux coup de rabot.
La hausse de 1% du budget de l’Outre-mer, annoncée avec tambours et trompettes, ne doit pas dissimuler la diminution de la dépense fiscale en 2012 (-122 millions d’€), ce qui reflète la baisse manifeste des investissements en raison des incertitudes pesant sur le contour de la réforme. Ces coups de rabot directs et indirects doivent être additionnés à la pratique budgétaire du « gel et du « surgel » des crédits, mouvements auxquels le ministère des Outre-mer n’a pas échappé, et qui ont permis à l’Etat de constituer en novembre 2012, une réserve de précaution s’élevant à 5,9 milliards d’euros.




