En d’autres termes, faut-il se contenter de légiférer à tour de bras en faisant des effets de manche en séance publique, ou ne vaudrait-il pas mieux s’appliquer à mettre en œuvre les textes existants pour produire effectivement des logements pour les Français ? Chacun est libre de porter sa réponse à cette question.
Mais il nous faut constater objectivement : qu’avec un chômage exponentiel qui révèle de manière certaine une souffrance sociale réelle, qu’avec un net recul de l’emploi marchand qui atteste de l’atonie de notre économie, qu’avec une hausse sensible des impôts qui pèsent sur les contribuables, qu’avec une part croissante de la part du logement dans le budget des ménages sans que les aides au logement ne parviennent à la compenser, les Français sont effectivement inquiets !
Et pour cause - En croisant les résultats relatifs au confort des logements, au surpeuplement et à l’effort financier excessif pour se loger, le nombre de ménages concernés par au moins une de ces difficultés s’élève à 6,4 millions (soit près d’un ménage sur quatre, près de 16,2 millions de personnes). Et le changement de majorité en 2012 n’a pas enrayé la montée en puissance de cette inquiétude, particulièrement en matière d’accès au logement.
C’est semble-t-il pour répondre à cette inquiétude que ce projet de loi porté par Cécile Duflot est en débat.
Quel est la nervure de ce projet ?
Il comporte quatre grands titres :
1. Favoriser l’accès de tous à un logement digne et abordable
2. Lutter contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées
3. Améliorer la lisibilité et l’efficacité des politiques publiques du logement
4. Moderniser les documents de planification et d’urbanisme
Concernant le logement et l’immobilier en particulier, ce texte réforme les rapports locatifs (loi de 1989), instaure un dispositif général d’encadrement des loyers, crée une garantie universelle des loyers (GUL) pour garantir les impayés, réforme et encadre la profession de l’immobilier, vise à lutter contre les copropriétés dégradées et les marchands de sommeil.
Concernant la réforme de l’urbanisme, il renforce l’échelon intercommunal avec l’instauration de plein droit d’un Plan local d’urbanisme intercommunal, complexifie les documents de planification (renforcement du SCoT), modifie les règles concernant l’installation de résidences démontables (yourtes ou autres), modifie les règles relatives aux zones à urbaniser (zones 2AU) et vise à densifier (suppression du COS).
Enfin une multitude de dispositions constitue autant de sujets importants et sensibles : prévention des expulsions, règle de domiciliation des bénéficiaires de l’AME, planification et gouvernance pour l’accès à l’hébergement etc…
Ce texte dense modifie profondément les règles en matière de logement et d’urbanisme. Si quelques mesures ne feront pas polémiques, le projet de loi risque de décourager de nombreux propriétaires et investisseurs, de bouleverser le modèle économique de la profession de l’immobilier, sans pour autant répondre à la crise du logement actuelle. Et à la veille d’élections municipales, il réduit de manière certaine les compétences des Maires en matière d’urbanisme. Mais qu’à cela ne tienne !
Quel est le contenu de ce projet de loi pour l’outre-mer ?
Quelques mesures techniques, quelques précisions sur des transmissions de documents d’urbanisme, mais pas de mesures d’ampleur.
Pourtant, plusieurs amendements dit ultramarins seront examinés et portent notamment sur l’habitat indigne, la situation des immeubles en indivision, ou concernent des mesures d’assouplissement de la réfection habitas dans la zone des 50 pas géométriques. Mais leur sort est incertain.
En tout état de cause, l’Outre-mer est en mode mineur dans ce texte, alors que la question du logement dans ces collectivités est une préoccupation majeure.
En effet, elle reste et demeure un sujet crucial au sein des politiques publiques, et pourtant, ce constat posé, cette question est encore d’une gravité et d’une acuité particulières sur ces terres éloignées de France.
Plus grave encore est celle du logement social, et les besoins sont considérables. Les demandes non satisfaites s'élèvent à 12 000 en Guadeloupe, 10 000 en Martinique, 13 000 en Guyane et plus de 20 000 à la Réunion, pour un total outre-mer supérieur à 70 000. Ce chiffre atteint même près de 100 000 si l'on prend en compte Mayotte. Effroyable situation qui atteste belle et bien de l’intensité de la demande en logement sous ces latitudes où la forte croissance démographique se conjugue à la décohabitation et à une très forte proportion de ménages à faibles ressources.
La demande de logement est donc infiniment plus forte que l’offre, d’autant que la production de logement social ne cesse de s’effondrer du fait du coût de la construction, de carences en ressources des collectivités locales, de la rareté de la ressource foncière notamment.
Et malgré la mobilisation de l’investissement privé par le biais de mesures d’incitations fiscales, d’ailleurs controversées, les pouvoirs publics semblent sous-utiliser les crédits de la « ligne budgétaire unique », qui finance également la construction de logement social en outre-mer, avec d’autant moins de célérité que la crise qui frappe la France fait de l’argent public une denrée précieuse.
Le projet de loi de Finances qui sera présenté d’ici la fin du mois, très certainement le 25 septembre prochain, contiendra des mesures concernant le financement du logement outre-mer, tant dans la mission budgétaire dont le Ministre Lurel à la charge, que dans la réforme annoncée de la défiscalisation. Et plus que les annonces, nous attendons avec appétits les mesures concrètes de cette loi de finances … Seront-elles à la hauteur des attentes de l’Outre-Mer ?
Wait and see….




