C’est en 2008 que commence cette histoire en Guadeloupe. Prenant conscience des spécificités de son territoire, le Conseil Régional réfléchit à la manière de définir lui même sa politique énergétique sans avoir recours aux textes édictés par Paris et souvent non appropriés. Rien d’original, bien d’autres régions ont déjà tenté cet exercice. Mais le CR va plus loin et en 2009, l’île obtient pour deux ans l’habilitation législative, le droit de faire la loi dans le respect des lois de la République et de l’Europe : « une marge de manoeuvre et non une indépendance qui nous permet d’expérimenter une politique ambitieuse visant l’autonomie énergétique en 2050 » précise Harry Durimel.
Au début, l’état est suspicieux et donne l’autorisation pour deux ans. Puis il y a renouvellement et désormais l’habilitation sera de la durée des mandatures. « Il y avait crainte de dérapage, la France n’est pas à l’aise avec la démocratie participative ! Ni EDF, ni l’ADEME ne voulaient y croire. Comment une région pourrait-elle être capable de créer la norme ? Nous y sommes parvenus, avons fait l’expérience de plus de pouvoir mais aussi de ce que nous coûtait ce plus de pouvoir. Aujourd’hui la Martinique et la Guyane veulent s’inspirer de nos travaux, nous demandons simplement à partager le coût du conseil et de l’élaboration des normes ».
On parle souvent de l’avance de la Guadeloupe en matière d’énergie renouvelable, mais il faut aussi regarder l’accélération permanente de la consommation. « Ce n’est pas du gaspillage, nous avons un retard à rattraper. Nous nous équipons seulement aujourd’hui d’électroménager moderne, de climatisation... Pour conduire les économies, on colle au terrain, ce qui facilite l’acceptations des mesures proposées par les consommateurs ».
C’est ainsi que l’équipe a déclaré la guerre aux chauffe eaux électriques qui représentent les 2/3 de la consommation. Si un chauffe eau solaire est une économie certaine à terme, il coûte 2 700 euros à l’achat contre 250 pour l’électrique. Il a donc été décidé de favoriser l’achat des chauffe eaux solaires.
Le terrain, toujours le terrain.
Idem en matière de climatisation. « Nous interdisons la vente de climatiseurs en dessous de la classe A (la moins énergivore ndlr), mais il nous a fallu faire avec « les queues de marché », les promos de matériel chinois. Car le pouvoir de contrôle reste du domaine régalien, notamment sur les services de douane. Parfois Paris a eu du mal à suivre ! ». Grâce à ces démarches, aujourd’hui c’est EDF qui adapte ses offres commerciales.
Le droit de décider va plus loin.
Grâce à cette habilitation la Guadeloupe a pu lutter contre la loi Brottes et lever l’interdiction d’installation d’éolien sur le littoral ; elle va pouvoir réguler la dimension des installations solaires qui pourraient être trop gourmandes en terres cultivables et propose leur installation sur les terres chloderconées désormais inutilisables ; elle conduit EDF a plus de transparence dans la diffusion des coûts aux consommateurs ; elle redéfinit les règles de la construction, forme ses artisans, réfléchit à l’installation des smart grids, corrige les comportements trop calqués sur des idées venues de métropole.
Pour les élus, le périmètre d’action pourrait encore s’élargir. Actuellement, il ne permet pas d’influencer sur le budget de l’état, ne peut par exemple autoriser des crédits d’impôts. Mais quand l’état, en l’occurrence EDF, - « une consanguinité souvent étonnante » - sur le projet géothermie à la Dominique se dérobe, les élus de Guadeloupe et de Martinique continuent de travailler « on risque malheureusement de voir une usine étrangère s’installer qui vendra son électricité ... à EDF ».
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/scpc2006.pdf
Urbanismeetrisquesdedérives.




