Il est difficile de ne pas percevoir le manque de connaissance des territoires. Son premier discours aux acteurs économiques de la Martinique le prouve : « Et puis je crois qu’il faut dire que la population des Antilles - … - est jeune, plus jeune encore que sur le reste du pays et que, grâce à notre système d’éducation nationale, notre école, eh bien cette jeunesse est formée. ». L’étude de l’INED (http://www.ined.fr/fichier/t_telechargement/58900/telechargement_fichier_fr_publi_pdf1_pop.soc_460.pdf) montre bien quelle situation critique nous attend. Certes aujourd’hui le nombre de personnes de moins de 20 ans est plus élevé dans nos départements mais en 2030 la proportion des plus de 60 ans aura doublé, le nombre des naissances chute déjà de façon sensible. Une grande partie de la jeunesse émigre pour étudier, la moitié ne retourne pas et les plus diplômes pour la plupart. L’image des Antilles toujours jeune et à la fécondité galopante en prend un coup ! Le système de santé et la formation professionnelle devraient aujourd’hui être adaptée pour faire face à la situation… et sur cet avenir, pas un mot.
Cependant, il n’est pas venu les mains vides. Il a tenu a rassurer les acteurs économiques locaux, entendez par là MEDEF et CGPME. La défiscalisation sera maintenue afin «de mieux encourager l’investissement productif ». Ce régime s’adressera donc aux « petites entreprises, pour les entreprises moyennes - celles qui sont les plus fragiles, celles qui n’ont pas de fonds propres ou très peu de fonds propres, celles qui ont une difficulté pour accéder aux crédits tant en termes de trésorerie qu’en termes d’investissement ». Mais précise t’il tout de suite cela ne s’adresse pas aux TPE, mais aux entreprises moyennes. Sachant que la grande majorité des entreprises de Guadeloupe sont des Très Petites Unités sans employés.

Heureusement qu’il «constate qu’il y a une très grande méconnaissance de la réalité économique de vos territoires dans l’hexagone, c’est injuste et donc il m’appartient et aux ministres qui m’accompagnent, singulièrement le ministre des Outremer - et c’est ce qu’il fait tous les jours – d’expliquer ce que vous êtes, ce que vous faites ».
Pour bien appuyer son propos, le Premier Ministre rajoute «et donc ça peut valoir pour d’autres filières, je pense à des filières qui peuvent elles-mêmes être aussi exportatrices, c’est vrai de la banane, c’est vrai de la filière canne, sucre, rhum, ces productions assurent un socle de revenu aux exploitants qui peuvent aussi en parallèle se diversifier. ».
Là, le doute n’est plus permis. Le Premier Ministre est déconnecté des réalités. Depuis une quinzaine d’année, ces filières se maintiennent péniblement à coup de subvention et de défiscalisation alors que les filières cosmétiques et pharmacologiques sont peu aidées.
D’autant, que lui même rappelle que l’impact économique et social de la pollution à la chlordécone : « Des aides financières d’urgence sont en cours de versement, mais je connais aussi les problèmes liés à l’épandage, j’ai été interrogé plusieurs fois depuis mon arrivée ici, donc il faudra régler ce problème, il faut que dans les 2 ans la solution soit trouvée - et je sais, monsieur le préfet, que vous y travaillez, que ce n’est pas simple, on vous reproche parfois de signer des arrêtés – là c’est une question de rythme. » Même joueur joue encore ! Non seulement, Jean-Marc Ayrault se contente d’annoncer un Plan Chlordécone III quasi vide mais il justifie encore l’emploi de l’épandage dont la dangerosité et l’incertitude devrait faire préférer le principe de précaution ou éviter de refaire les mêmes erreurs. C’est oui, une question de rythme. C’est en 1996, que le champignon a fait son apparition dans la Caraïbe, en particulier Cuba. Après plusieurs années de recherches, depuis 2002, la production n’emploie plus de fongicide. Pourquoi les exploitants antillais font mine de le découvrir ? Quid de la recherche ? Quid des solutions alternatives ?
C’est un Premier Ministre qui semble agacé et mal à l’aise qui arrive en Guadeloupe : «… si je suis venu en Guadeloupe, ce n’est pas pour dire que je suis le Père Noël, et que dans ma hotte j’aurai tout ». Le message est passé. Le gouvernement ne peut rien si ce n’est promotionner les emplois d’avenir.

Son discours au commissariat de Pointe-À-Pitre a plus mis les policiers en colère que les rassurer. 27 hommes … prévus pour Janvier 2014. A titre de comparaison, Marseille et son million d’habitants déplore 10 meurtres par armes à feu quand la Guadeloupe et ses 400000 habitantes comptent 27 morts par arme à feu. Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur a envoyé à Marseille 240 policier, immédiatement en renfort quand la Guadeloupe recevra 27 policiers dans 5 mois. Les 20 postes supprimés en septembre sont confirmés… le calcul est simple. En attendant, les renforts c’est un escadron de gendarmerie de 75 hommes qui sera envoyé en renfort. Les syndicats ont vite fait les calculs : le déplacement d’un escadron mobile coute à la collectivité plus que si les nombreux policiers antillais en attente de mutation étaient mis en poste ici. Pour rappel il manque plus de 80 hommes à la Police Nationale.
Pour couronner le tout, Jean-Marc Ayrault met en doute la méthode, parle d’aller fouiller dans les caves, recouper les services pour suivre les pistes de l’argent, détruire l’économie souterraine. Des suggestions fort logiques mais toujours déconnectées… comment faire des opérations coup de poing sans hommes si ce n’est au péril de la vie des hommes ? Comment penser que c’est une économie souterraine fertile qui fait des jeunes à peine majeurs braquer pour des butins de 60€ ? Des admonestations qui sonnent comme une leçon faite à la Préfet Marcelle Pierrot, sommée de changer de méthode et de préparer une mission sur une nouvelle stratégie concentrée autour des vols à l’arraché, les vols à main armée, les violences entre bandes rivales et les cambriolages.
Le Ministre de l’Intérieur, pas pressé, a prévu un déplacement en Guadeloupe au mois d’Octobre. Sachant les retombées de ce type de venue, ne serait-il pas judicieux que le Gouvernement économise son temps de discours vides pour envoyer directement les effectifs qui manquent ?




