Politique

mercredi, 20 février 2013 08:19

La France doit utiliser l’Outre-mer dans la mise en œuvre de sa diplomatie économique

Pour sa première visite bilatérale en Asie, le président de la République François HOLLANDE a choisi de se rendre en Inde les 14 et 15 février dernier. Ce n’est pas un hasard. Chacun sait qu’à côté du géant chinois, l’Inde, qui est la plus grande démocratie du monde avec près de 1,3 milliard d’habitants, dispose d’une classe moyenne d’environ 200 millions de personnes, soit l’équivalent d’un peu moins de la moitié de la population de l’Union européenne.

D’ailleurs, à l’horizon 2050, l’Inde sera l’une des trois plus grandes économies du monde, vaste marché en pleine croissance dont la France aurait tort de se priver ! C’est pourquoi au programme du voyage présidentiel, la délégation officielle ne comptant pas moins de 60 chefs d’entreprises, l’objectif était notamment de finaliser la commande de 50 hélicoptères à Eurocopter, dont le contrat a été signé le 15 février, comme de faire avancer le contrat dit des « 126 Rafale » d’une valeur de 12 milliards d’euros,  Dassault Aviation attendant toujours la signature de l’armée indienne. Pourtant ces contrats ne sont que la partie émergée de l’iceberg, tant il est vrai que l’Inde  dispose d’un potentiel considérable dans les secteurs des infrastructures, de l’automobile, de l’énergie, des nouvelles technologies, de la pharmacie, de l’agro-alimentaire et du luxe.

L’initiative du président de la République de renforcer les liens entre la France et l’Inde va évidemment dans le bon sens et la France doit assumer le fait d’avoir une diplomatie économique ; il y va de l’intérêt de nos entreprises – grandes ou petites- de l’emploi, bref il y a va de l’intérêt de la France et des Français !

Pourtant, dans cette démarche de renforcement du lien économique entre la France et l’Inde, force est de constater que la participation de l’Outre-mer a été inexistante. C’est à l’évidence la preuve qu’au plus haut niveau de l’Etat la vision de la politique de la France reste encore trop hexagonale et que le réflexe « Outre-mer » n’existe pas.

En effet si la France veut réussir son déploiement économique international en pénétrant durablement les grands marchés émergents, en l’espèce l’Inde, elle doit utiliser tous les leviers possibles : à cet égard l’Outre-mer en est un. Il y a va en premier lieu de l’intérêt de notre pays (i) et il y a va en second lieu de l’intérêt du développement économique des régions dont on parle toujours et encore, mais qui tarde à venir (ii).

En premier lieu, si la France veut réussir sa politique de déploiement économique sur les grands marchés émergents, elle doit activer tous les mécanismes dont elle dispose. On connait les instruments administratifs classiques du commerce international tels qu’UBI France, Oseo, l’AFI, les missions économiques, les ambassades de France à l’étranger et les chambres de commerce françaises à l’étranger. Mais la concurrence étant sévère pour pénétrer le marché indien et les modèles économiques et sociaux ayant changé, la France a tort de se priver du rôle que peut jouer la communauté française d’origine indienne (forte d’environ 500.000 personnes), qu’elle soit dans l’hexagone, à la Réunion, à la Guadeloupe ou encore à la Martinique ; comme le font par ailleurs les Etats-Unis avec l’Inde et la Chine, ou encore les pays du Golfe dans leurs relations avec les pays occidentaux.

Deux raisons doivent pousser le pouvoir politique à associer les Français d’Outre-mer à sa politique de développement du commerce international.

Tout d’abord, les politiques de déploiement international se construisent désormais avec le facteur humain. Il est dépassé le temps où l’on pouvait arriver dans un pays étranger avec « sa technologie, ses hommes, ses règles ». Désormais les pays hôtes demandent, mieux ils exigent, d’être associés au processus industriel et commercial, le facteur humain en étant le pivot. Il est le garant de la pérennité et de la stabilité des  projets. Partant, pourquoi ne pas utiliser ces Français d’origine indienne, ou encore ceux qui sont géographiquement proches, afin d’assurer au mieux le lien entre les acteurs présents sur le marché local indien et les nouveaux entrants ?

Ensuite, l’absence d’ultra-marins lors de ce déplacement est la preuve d’un oubli quant à la politique du gouvernement indien en direction des étrangers d’origine indienne (Persons of Indian Origin [PIO]). Après la Moralpolitik post indépendance qui lui faisait se méfier des communautés indiennes situées hors de l’Inde, et en particulier d’Afrique et d’Asie, le gouvernement indien, à la lumière des déclarations du premier ministre Rajiv Gandhi en 1984, donne le coup d’envoi d’une politique tendant à permettre à son pays de s’appuyer sur la diaspora pour défendre les intérêts de l’Inde et la construction de relations fortes avec l’étranger. C’est peu dire que la présence significative des Français d’origine indienne dans le processus à venir serait bien vue des acteurs économiques et politiques locaux.

ii) En second lieu, associer l’Outre-mer au processus de redéploiement de notre politique économique à l’étranger permettra de concrétiser enfin la volonté de développement économique de ces régions.

Tout d’abord, nous avons toujours préconisé que l’Outre-mer, de par son positionnement géographique, devienne un véritable porte-drapeau de la présence française à travers le monde. Paradoxalement en dépit de l’émergence des nouvelles technologies et des moyens de transport qui ont rendu le monde à la fois plus petit mais aussi plus global, la concurrence violente sur les marchés émergents rend indispensable une présence permanente des prétendants ainsi que des acteurs installés sur ces marchés. Un voyage présidentiel, c’est bien, mais il faut par la suite « occuper le terrain ». En ce sens, la proximité géographique des régions d’Outre-mer permet d’être facilement et durablement sur place. Cela est vrai pour le département français de la Réunion dans l’Océan indien sur l’axe Inde-Ile-Maurice-Réunion-Afrique du Sud (il ne faut pas oublier Mayotte). Cela l’est aussi pour les départements français d’Amériques qui sont proches du Brésil ou encore de la Colombie, sans oublier la Nouvelle Calédonie à quelques heures de l’Asie du Sud-est.

Ensuite, la dynamique de développement de l’Océan indien tiré par des acteurs économiques indiens doit pouvoir profiter à la Réunion et à Mayotte. Le gouvernement français doit placer la Réunion et Mayotte au cœur de son dispositif de conquête du marché indien pour que ces départements tirent pleinement profit de la politique nationale. N’oublions pas par que la Réunion par exemple, avec un taux de chômage de 29,5%, ce qui représente près de 100.000 personnes, beaucoup étant des jeunes, mérite que l’on se penche plus que jamais sur les moyens d’assurer durablement son développement. Ce voyage eût été l’occasion d’attirer l’attention du président du Conseil des entreprises franco-indiennes monsieur Bertrand Collomb, sur le potentiel de la Réunion et de Mayotte en faisant en sorte que ces deux départements de l’Océan indien soient plus impliqués dans développement des relations économiques entre la France et l’Inde.

En définitive, dans cette bataille économique que la France doit livrer, aucun facteur ne doit être négligé sous peine d’échouer. La France doit prendre pleinement conscience du potentiel ultra-marin si elle veut se donner toutes les chances de profiter de la croissance et de la demande des grands pays émergents.

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