Politique

lundi, 11 février 2013 13:00

« Ziggy l’Homo’Antillais » ou le Mariage pour Tous !

A l’heure où le Carnaval aux Antilles bat son plein, au moment où de nombreux hommes dévalisent le dressing de leurs épouses, sœurs, mères ou filles probablement, (puisque le Lundi Gras est consacré au mariage burlesque), faut-il s’étonner que ces êtres androgynes se prononcent contre la loi sur le mariage pour tous. En effet, ce lundi-là les individus mâles se griment en femmes hyper sexys, en référence: le film de Lucien Jean-Baptiste 30° Couleur. En 1994, le thème du Macoumé* (il faut entendre l’homosexuel masculin) faisait déjà  office de légèreté avec la chanson Ziggy (cé an macoumè) sur l’album de Taxi-Kolor.

Mais le Macoumè* comme on l’appelle à la Guadeloupe ou à la Martinique n’est pas un sujet dont on débat aisément. Imaginez, que vous devez jeune homme de bonne famille ou pas d’ailleurs, révéler aux vôtres, votre préférence sexuelle, soit votre penchant pour une personne du même sexe. Soyez-en sûrs, ce ne sera pas si aisé, vous aurez d’abord des doutes, quelques sueurs froides, des envies de disparaître, des questionnements et des sensations de châtiments.  Oui vous n’êtes rien d’autre qu’un dézodiè*, une personne en déviance, une personne comparable à un animal, sans foi ni loi. En fait contre-nature. N’est-il pas ce que l’on entend en écoutant celles et ceux, qui portent notre parole ?

De nombreux élus, députés et maires ont pris le parti de combattre « LE MARIAGE POUR TOUS » dans les départements outre-mer.  Ils nous confirment que cela est non conforme à la religion, aux mœurs, à notre culture. Mais quelle est-elle cette culture qui devrait condamner ceux qui ne nous ressemblent pas, ceux  qui ont choisi d’aimer différemment ? Il sont d’abord confrontés à la cellule familiale parce que le rejet de celle ou de celui qui aura fait son « coming out » débute au sein de sa propre famille (parents, frères et sœurs et alliés) qui désormais vous considéreront comme le pestiféré. Il vous sera accordé probablement quelques temps de parole mais ce sera pour mieux vous humilier, (même si ce n’est pas une généralité). Prenons l’exemple de cette jeune fille frappée jusqu’au sang par son père dans un collège du Lamentin (à la Martinique) parce qu’elle avait osé poser un baiser sur les lèvres d’une de ses camarade.

Tabassée devant le maître des lieux, le proviseur sans qu’il ne s’interpose, tarabustée par le père devant des camarades d’étude: les mots des uns sont les maux des autres, et l’homosexualité aux Antilles comme ailleurs Afrique, provinces françaises suscite cris et chuchotements. Cris de ceux qui condamnent et chuchotements de ceux qui n’osent pas s’afficher libres. Ces choses-là pourtant se font, existent, oui l’homosexualité est bien vivante à la Martinique, à la Guadeloupe en Guyane comme dans tout le bassin caribéen. Sauf qu’il est préférable que cela se passe ‘an ba fèye » * (qu’il vaut mieux ne pas en parler ou se montrer le moins possible dans cet engagement).

Il serait hypocrite de taire que de jeunes hommes se font tabasser ou injurier à l’entrée de boîte de nuit ou dans les rues, s’ils affichent leur féminité, même si quelquefois la provocation évidente est un bouclier face à l’incompréhension des autres à leur égard. La chose pour la femme homosexuelle semblerait moins virulente. Et pourtant, on peut quand même signifier que les mentalités ont évoluées, que malgré tout, il existe de nos jours dans nos îles paradisiaques une certaine liberté puisqu'il s’y organise des soirées festives autour des gays & friends, des associations contre l’homophobie ouvrent la voie. L’Association Tjembé Rèd Prévention, LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres) créée en 2007 est une de celles qui officient aux Antilles, et même s’il reste bien des combats à mener selon leurs représentants, il faut tenir bon.

Les adhérents restent discrets de peur de représailles. En témoigne la manifestation timide qui a eu lieu en faveur du mariage pour tous  au cours du mois de janvier à Fort-de-France. Faudrait-il encore que les débats houleux que l’on a pu suivre tous ces jours-ci à l’Assemblée Nationale, avec la nouvelle icône d’un gouvernement qui en avait bien besoin depuis quelques mois, Dame Taubira, une des leurs, Belle Négresse devant l’Eternel et d’une fatale  attraction  poétique, suffisent à booster l’engagement positif de nos représentants locaux en faveur de la tolérance. Oui le poids de la religion domine, à ce sujet il serait intéressant de voir ou revoir  l’excellent documentaire de l’haïtienne Anne Lescot & Laurence Magloire  Des Hommes et des dieux qui porte sur les différences à travers les témoignages de jeunes gens extravertis face à leurs fois, leurs sexualités et le vaudou.

On peut rappeler d’ailleurs qu’en Haïti les homosexuels sont appelés des masisi, il y a aussi les masisi –filles (il faut prononcer massissi). Il y a bien entendu au terme de cette vision celle de la crainte, des non-dits et faux-semblants. Cependant l’homosexualité ne semble pas être une malédiction mais bien au-delà des tendances, elle est définitivement une manière de construire sa vie affective, personnelle, et c’est en cela que le mariage pour tous s’avère légitime pour ceux qui le défendent.

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