Politique

samedi, 10 novembre 2018 23:27

Des universitaires guadeloupéens analysent le référendum calédonien

À 15 500 km de Nouméa en passant par Miami, 23 500 km en passant par Paris, et 16 heures de décalage, Pointe-à-Pitre est bien loin de la capitale de la Nouvelle-Calédonie. Pourtant, le référendum qui s’est déroulé, dimanche 4 novembre 2018, sur la question de la souveraineté de ce pays du Pacifique Sud, ne laisse pas indifférents les Guadeloupéens. On en veut pour preuve la conférence-débat qui a été organisée, quatre jours après le scrutin, à l’initiative du Centre d'analyse géopolitique et internationale (Cagi), pôle de recherche en sciences politiques de l’université des Antilles.

Une salle bien garnie dès 18 heures. C’est dire que le sujet intéresse. Les participants à la rencontre organisée, jeudi 8 novembre 2018, à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Espe) — ex-Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), sont venus comprendre les tenants et aboutissants de ce référendum, portant sur l’avenir statutaire de ce territoire français, qui ne ressemble à aucun autre.
En l’absence du directeur du Cagi, Fred Reno (empêché à la dernière minute), deux de ses éminents membres, Julien Mérion et Eric Nabajoth, politologues, ont la mission de décortiquer le résultat de ce vote que les observateurs qualifient d’historique. Et pour cause ! Il pose la question de la décolonisation au XXIe siècle, à une époque où l’impérialisme a pris l’appellation politiquement correcte de mondialisation.
Pour comprendre son présent et se projeter dans le futur, il faut connaître son passé, qu’il soit simple, composé ou complexe, comme c’est le cas en Nouvelle-Calédonie. C’est ce volet qu’Éric Nabajoth, détaille devant l’assistance.


UNE HISTOIRE MARQUÉE AU FER ROUGE

Un rapide tour d’horizon permet de se rappeler les grands moments de l’histoire du peuple Kanak, présent dans ce pays, depuis plus de 3 000 ans. Il y était quand, en 1854, la Nouvelle-Calédonie est devenue française et deuxième colonie de peuplement de la France, après l’Algérie. Et puis, vint le temps de la structuration et de l’adhésion à l’Union calédonienne, créée en 1953 par Pierre Declercq, né d’une famille chrétienne à Halluin, en France. Cela dit, c’est 1979 qui marque l’entrée de l’Union calédonienne dans le front indépendantiste. Les événements s’enchaînent ensuite, avec l’assassinat de Pierre Declercq en 1981, puis de son camarade de combat Eloi Machoro, en 1985. C’est à partir de là qu’on commence à parler de Kanaky. C’est là aussi que la revendication d’une participation au pouvoir économique prend forme.


DES ACCORDS AU RÉFÉRENDUM

La situation, extrêmement tendue (prise d’otage d’un escadron de gendarmes à Ouvéa, assassinat de dix indépendantistes à  Hienghène…), conduit aux accords de Matignon, en 1988, affinés dix ans plus tard par celui de Nouméa. Ces accords fixent les conditions d’organisation de trois référendums sur l’indépendance, dont le premier a donné le résultat que l’on sait. L’analyse de ce résultat est justement le temps fort de cette conférence-débat. Et c’est Julien Mérion qui s’en charge.


L’ENJEU DU RÉFÉRENDUM

« Ce vote est révélateur des fractures qui traversent la société calédonienne. Il est révélateur aussi de l’élargissement du camp des indépendantistes. On passe d’une indépendance kanak à une indépendance plus large, calédonienne. Il pose le problème de la légitimité territoriale : Kanaky ou Nouvelle-Calédonie. »
Etape par étape, il va décortiquer les résultats et démontrer une progression constante des indépendantistes. Ils ont fait campagne sur un vrai projet, tandis que les partisans du non à la souveraineté s’en sont tenus à un seul argument : « Restons Français ». Et puis, ils ont réussi à mobiliser les jeunes Kanaks partis en ville.


ASSURANCE D’UN CÔTÉ, FRILOSITÉ DE L’AUTRE

L’universitaire se penche également sur les réactions des deux camps après le scrutin. Chez les partisans de l’indépendance il y a une réelle assurance, à l’image du Rassemblement démocratique océanien, formation nouvelle, qui s’est ralliée à l’indépendance et qui compte dans ses rangs des Européens et des Mélanésiens. Son analyse : « Une dynamique est enclenchée. Les non-Kanaks ont amorcé le rapprochement avec le FLNKS. Nous sommes sur une courbe ascendante ».
Cette position contraste avec celle des partisans du « non ». On peut déceler dans leur discours une dose de frilosité, qui incite certains à rester ouverts au dialogue avec leurs adversaires, tandis que d’autres, à l’image du sénateur républicain Pierre Froger, cherchent à manœuvrer pour qu’il n’y ait pas de deuxième référendum.


QUEL IMPACT SUR LA GUADELOUPE ?

Le débat qui suit ces interventions est très riche. Le public, composé de militants plus ou moins proches des groupes nationalistes guadeloupéens, s’attarde sur l’impact que ce vote peut avoir sur les autres possessions françaises. Certains voudraient peut-être y de trouver des raisons d’espérer, dans ce référendum calédonien, un regain d’intérêt pour la lutte pour l’indépendance de la Guadeloupe, tout en sachant que les contextes sont tellement différents.
Après deux heures d’échanges, les participants à cette réunion, ne manquent pas d’exprimer aux conférenciers leur satisfaction d’avoir assisté à une rencontre extrêmement enrichissante, en termes de références historiques et d’analyses.

Les deux intervenants, Julien Mérion et Éric Nabajoth, en pédagogues avertis, ont su enrichir le débat.

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