Leurs menées extérieures d’antan ont encore des prolongements aujourd’hui. La France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Espagne sont les Etats qui obtiendraient les meilleures notes en matière d’expédition coloniale, avec son principal corollaire l’assimilation politique, juridique et culturelle. Dans le cadre de la construction européenne actuelle, ces Etats permettent de distinguer deux catégories de territoires : les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM). Les premières sont intégrées à l’Union Européenne et se voient appliquer l’intégralité du droit de l’Union Européenne. Les secondes sont destinataires au cas par cas des dispositions des traités, dits droit primaire de l’UE, auquel il faut ajouter le droit dérivé de l’UE, c’est-à-dire les règlements, les directives et les décisions issus de la Commission Européenne, du Conseil des Ministres de l’Union et du Parlement Européen.
Rapportée à la relation coloniale, on observera que l’émancipation est davantage achevée pour les PTOM que pour les RUP que sont, au seul titre de la France : la Guadeloupe, la Guyane, Mayotte, la Martinique, Saint-Martin et La Réunion. Un territoire espagnol complète la liste (l’archipel des Canaries) ainsi que deux territoires portugais (l’archipel des Açores et Madère). Au regard de l’histoire récente, on observe que le passage d’un statut à l’autre est possible.
C’est ainsi que Mayotte qui était un PTOM est devenu une RUP. Saint-Barthélémy, RUP éphémère est désormais un PTOM. Le choix de tel ou tel statut résulte d’un bilan coût-avantage. Pour Saint-Barthélémy par exemple, le régime d’intégration à l’Union Européenne et l’application de tout le droit de l’Union constituaient un inconvénient majeur, dans la manière de conduire un développement, pensé par la collectivité et pour elle-même. A l’inverse, Mayotte, récemment devenue une collectivité départementale a vraisemblablement jugé que l’octroi des fonds structurels, notamment le FEDER et le FSE lui permettront de rattraper son retard infrastructurel. Mais, dans le même temps, les contraintes de l’intégration liées à la fiscalité, aux aides d’Etats, à la politique commune de la pêche, au droit social (l’égalité entre hommes et femmes) ont-elles été convenablement évaluées ?
La réponse à cette question sera livrée à l’usage du temps et de la pratique. Il existe un cas extrêmement intéressant qui sera de nature à modifier le régime général attaché au statut de RUP. En effet, depuis la jurisprudence communautaire Hansen de 1978, c’est le postulat de l’assimilation à la loi française qui a toujours déterminé l’intégration à l’Union pour les collectivités d’outre-mer, et par conséquent le statut de RUP depuis 1992. Saint-Martin change quelque peu la donne.
La collectivité d’outre-mer de Saint-Martin est régie par le principe de l’autonomie (article 74 de la Constitution), mais est tout de même insérée dans la catégorie des RUP. Etant donné que l’accès au statut de collectivité autonome est le résultat de la recherche d’une meilleure gestion territoriale, reposant sur une stricte observance de la réalité du terrain, il ne saurait être question, au regard du statut de RUP, d’une quelconque remise en question de l’acquis politique et juridique hérité du principe constitutionnel français de la défense des « intérêts propres » à la collectivité. Cette manière d’aborder les choses favorise une conception qui tend vers « le tout région » en lieu et place du « tout Europe ».