Politique

samedi, 10 mai 2014 05:13

La Guadeloupe et la Martinique membres observateurs de la famille AEC

L’année 1994 est celle de la signature des accords de Marrakech qui créent formellement l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) défendant l’idée que la croissance économique des Etats du monde est fonction de la mise en œuvre effective du libre échange des flux commerciaux matériels et immatériels. La même année, Lucette Michaux-Chevry, alors Ministre de l’Action Humanitaire et Présidente du Conseil Régional de la Guadeloupe est missionnée par le Président de la République, Jacques Chirac, pour représenter la France à Carthagena de Indias, en Colombie, lieu de constitution d’une nouvelle et grande organisation à vocation régionale : l’Association des Etats de la Caraïbe (L’AEC)1.

Ce mouvement de regroupement des Etats de la grande Caraïbe au-delà des institutions régionales existantes (Caribbean Common Market : CARICOM, Eastern Caribbean States Organization : OECS, etc.) constitue une nouvelle contribution au régionalisme économique ouvert qui alimente un phénomène plus important : la globalisation des marchés. En d’autre terme, les Etats d’une même circonscription géographique créent des zones commerciales afin de stimuler leur appareil productif, coopérer et créer des richesses. L’AEC, dérogeant à une règle essentielle du droit international public présente la particularité d’accepter en son sein des territoires non autonomes. C’est le cas de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique. Les accords de Mexico signés entre la France et l’AEC en 1996, ont permis à ces trois collectivités françaises d’Amérique d’être désignées comme « membres associés au titre de la République française ». Dix huit ans plus tard, si ces collectivités demeurent des démembrements de la République française, la Guadeloupe et la Martinique se sont vues reconnaître par l’autorisation donnée par le pouvoir central, la qualité de « membres associés en leur nom propre ». La réflexion guyanaise est tout autre, en raison de sa situation géographique. Située en Amérique du Sud (Amazonie), celle-ci a davantage les yeux rivés vers l’Organisation du Traité de Coopération Amazonnienne (OTCA). La volonté résolue des deux collectivités françaises d’Amérique centrale (la Guadeloupe et la Martinique) de s’inscrire pleinement dans la vie de l’AEC érode substantiellement le principe de l’exclusif présidant au rapport colonial. Bien que faisant partie de la même civilisation des cyclones que les autres pays de la Caraïbe, la Guadeloupe et la Martinique demeurent encore des territoires étrangers dans leur zone géographique. L’assimilation culturelle, de même que la quasi-absence de desserte du transport aérien encouragent cette situation. L’Association des Etats de la Caraïbe, organisation de consultation, de coopération et de concertation en matière de commerce, transport, tourisme durable et réduction des risques de catastrophes dans la Grande Caraïbe devrait permettre d’inverser cette tendance historique. Pareille orientation suppose que les organes délibérants locaux, notamment le conseil régional de la Guadeloupe et l’assemblée territoriale pour la Guyane, l’assemblée territoriale et le conseil exécutif pour la Martinique de la prochaine « collectivité unique » instruisent une politique internationale conceptualisée dans le sens de la défense de leurs intérêts et de ceux de la zone de la grande Caraïbe qui regroupe aussi bien le Mexique, la Colombie, le Venezuela que la Dominique, Montserrat et Sainte-Lucie. Bien que cet événement soit passé relativement inaperçu, l’admission de la Guadeloupe et de la Martinique en qualité de membres associés en leur propre nom constitue un tournant majeur. Pourquoi ? Parce qu’en tout premier lieu, le monde se décline sur la base de regroupements régionaux (MERCOSUR, ASEAN, COMESA, etc.). Par conséquent, l’isolationnisme relève d’une posture aussi inepte qu’anachronique. Dans une autre mesure, la déclaration récente de Mérida (Mexique), lieu de la tenue du VIème et dernier sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’AEC, le 30 avril 2014, livre les enjeux cardinaux, composants de l’existant : le potentiel latent et réel des échanges commerciaux qui bonifient les taux de croissance, l’intégration latino-américaine et caribéenne qui donne un sens réel à la construction d’une communauté de destin d’une même  zone géographique, les menaces naturelles qui enjoignent les pays, Etats et territoires à faire montre d’une démarche prospective particulièrement active, le renforcement des appareils productifs qui limite la dépendance tout en favorisant la complémentarité économique et commerciale, la mer des Caraïbes inscrite dans une dynamique de développement durable, la lutte contre le terrorisme et le narco-trafic, la mise en perspective de l’outil INTERREG dont le Secrétariat Technique Commun est localisé en Guadeloupe, etc. Quid de la vision française ? La réponse est fournie à la lecture du discours de Mme Georges Pau Langevin, Ministre des outre-mers, présente au sommet de Mérida : « Ce VIème Sommet, à Merida, fera particulièrement date, car il restera dans l’histoire comme celui de l’adhésion officielle à l’AEC en tant que membres associés de plein droit, de la Guadeloupe et de la Martinique… En soutenant ces deux adhésions, vous avez compris la volonté de la Guadeloupe et de la Martinique de s’inscrire pleinement dans leur environnement régional et de participer encore plus directement à la construction de la Caraïbe comme espace de croissance, de développement, de prospérité et de sécurité. Cette volonté, la France la soutient pleinement ». Comme l’avait dit une ancienne Ministre de la République, en matière de coopération internationale régionale : « passons donc (enfin) des incantations aux actes » !

Pierre-Yves CHICOT (MCF HDR – Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)



1. Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, Barbade, Belize, Colombie, Costa Rica, Cuba, Dominique, République dominicaine, Le Salvador, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Mexique, Jamaïque, Nicaragua, Panama, Saint-Kitts et Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Surinam, Trinité-et-Tobago et Venezuela. Ses membres associés sont Aruba, Curaçao, la France au titre de la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique, Saint-Martin et Saint Barthélemy

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