Jes Solis est polychrome. Un jeune homme à l’identité multiple. L’humanité dans son entier semble couler dans ses veines. Le sang de tous les continents ou presque. Un patchwork culturel, d’aucuns diraient un migan de cultures. Jes Solis est d’ici (l’outre mer français) et d’ailleurs (le reste du monde). « Ma mère est de la Martinique et elle a des origines chinoises et mon père aussi est métis, il est de la Martinique et d’Espagne. Et ça donne ça, le machin qui est là. » Mais ces composantes de l’identité de Jes Solis aussi importantes qu’elles soient semblent chez lui anecdotiques. L’essentiel est ailleurs. Au-delà de sa grande taille, du teint sépia de son épiderme et de ses cheveux de jais, Jes Solis se définit autrement. Il est surtout ce qui ne se voit pas. Le jeune homme est artiste. Entièrement. Exclusivement. Il n’est que ça et ne veut être que ça.

Jes Solis reçoit dans un studio d’enregistrement de musique dans le 17ème arrondissement de Paris. Un bunker taillé dans la pierre, cosy et souterrain aux murs recouverts de moquette bleue pétrole. Il s’installe à un bureau en verre dont les pieds imitent des disques d’or. Jes Solis est né « ici », il faut comprendre en France hexagonale mais a grandi à Fort-de-France en Martinique. « Je suis à la Martinique depuis l’âge de trois mois, j’y ai vécu jusqu’au bac, j’ai été élevé par mes grands-parents. » Le jeune homme a passé son enfance « bercé » par la musique que faisait sa grand-mère maternelle. La grâce des mouvements de l’aïeule, la danse de ses doigts sur le clavier du piano : un enchantement pour les yeux et les oreilles de Jes Solis. « Ma grand-mère est pianiste, une excellente pianiste, concertiste même. Je la voyais jouer constamment à la maison et ça me plaisait. Elle m’a bercé avec des morceaux classiques d’où mon parcours académique classique. » Et c’est sagrand-mère musicienne qui l’initie au piano, c’est elle la première qui le fait asseoir devant l’instrument. La grand-mère aimante devient professeur et le petit garçon de six ans, son élève, se révèle doué. « Ma grand-mère m’a enseigné le piano (…) jusqu’à l’âge de douze ans. Et ensuite elle m’a confié à d’autres personnes plus installées en tant que professeurs comme Chyco Jehelmann dont j’ai été l’élève pendant deux ans puis Ghislaine Bellance qui m’a suivi jusqu’au Bac. » L’objectif de Jes Solis est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté : « je voulais être concertiste. »

Mais le sort en a décidé autrement. Une porte coupe feu défectueuse et assassine, un doigt sectionné. Un rêve brisé. Jes Solis ne sera pas concertiste. « ça a été instinctif, je me suis tout de suite dit ; le piano c’est foutu. » A l’époque, Jes Solis est à Paris où il étudie la finance et il poursuit en parallèle son apprentissage de la musique au Conservatoire international de musique de Paris. Son annulaire réparé grâce à la microchirurgie, le jeune homme s’est malgré tout résolu à ne plus être concertiste : « je n’ai plus du tout les mêmes sensations sur un clavier ni non plus la même vélocité. J’ai transformé ce coup dur en autre chose, je me suis concentré sur la composition et j’ai découvert beaucoup plus tard que je pouvais et que je savais chanter. »
Jes Solis demeure artiste. Résolument même si son mode d’expression n’est plus le piano mais désormais sa voix. Il écrit, compose et chante. D’abord et peut-être par facilité comme le font ses idoles de jeunesse : Michael Jackson, George Benson et Stevie Wonder. C’est l’époque des essais, de la recherche artistique longue et solitaire dans l’intimité de sa chambre. Puis il se trouve, trouve son identité musicale : sa voix « grave », son « timbre de basse qui ne le quitte plus. » Jes Solis décrit ainsi sa démarche artistique : « je grandis avec mon temps, j’ai envie d’être contemporain, j’ai envie de fraicheur, de choses nouvelles, j’ai envie même parfois d’utiliser des sons un peu électroniques mais tout en restant dans la mélodie et en donnant à la voix son importance, toute son importance. Je veux qu’on entende aussi la voix. J’aime beaucoup Osunlade qui arrive à mixer aussi bien des rythmes africains que des rythmes latinos avec une touche pop et ça donne quelque chose de très jazz à la fin. » Et la caraïbe dans tout ça ? « Pour certains morceaux, j’intègre de la calypso, peut-être un peu de zouk dans certains rythmes, de la salsa aussi (…) on peut entendre le tac tic tac tic… un ti bwa, des rythmes un peu binaires. J’intègre de façon subtile toutes ces influences même si ce n’est pas très présent. »

La musique de Jes Solis semble être à son image. Elle est de partout. Métissée. Elle se nourrit de sonorités et d’influences diverses. « Je suis plutôt un artiste RnB/Pop/World. » Sa musique puise dans toutes les richesses et est à la fois singulière et plurielle. Jes Solis enregistre aux Etats-Unis d’Amérique avec Marlon Saunders, un producteur américain qui a travaillé avec Stevie Wonder, Michael Jackson et Bobby Mc Ferrin. Il n’y a là aucun snobisme de sa part. Les raisons sont ailleurs et tranchent comme un couperet. « J’ai eu beaucoup plus de chance aux USA qu’ici pour trouver un producteur, quelqu’un qui comprenne ma musique. Quand j’ai envoyé mes maquettes aux Majors, ils m’ont dit ; nous on veut surtout de la musique urbaine, tu ne fais pas de rap. » Jes Solis s’est entouré de musiciens au CV flatteur : le guitariste Herb Maitlandtqui travaille avec Marcus Miller et le percussionniste Kahlil Kwame Bell qui accompagne Erykah Badu.
Le 10 octobre prochain, Jes Solis va présenter ses « créations, ouvrir son univers » aux seuls professionnels de l’industrie de la musique à l’espace Oscillo à Pantin. Un show case avant peut-être des concerts destinés ceux-là à son public.
www.facebook.com/Makemelicious
photos : Mélissa Noury et Maks Gadomski




