Économie

lundi, 19 novembre 2018 10:16

L’octroi de mer va-t-il disparaître ?

Cette fois-ci, ce sont des entreprises martiniquaises et guadeloupéennes qui s’attaquent à ce serpent de mer qu’est l’octroi de mer, en saisissant le Conseil constitutionnel. Cette taxe douanière sur les importations est pointée du doigt comme étant anticonstitutionnelle, car elle est jugée discriminante. La saisine a été opérée en octobre dernier, et sera débattue par les Sages fin novembre. Ils pourraient mettre fin purement et simplement à l’octroi de mer.

Reliquat de l’empire colonial, l’octroi de mer est depuis des années pointé du doigt comme étant responsable de la vie chère dans les départements d’Outre-mer. Cette taxe douanière est appliquée sur tous les produits importés dans ces territoires. Par conséquent, leur prix s’en retrouve impacté dans les différents points de vente. Reste que le sujet qui irrite les entreprises plaignantes dans ce dossier, c’est l’application depuis 1992 d’un d’octroi de mer pour les entreprises locales, concernant toutes celles qui ont un chiffre d’affaires annuel supérieur à 300 00 euros (ce chiffre d’affaires était fixé à 550 000 initialement, mais a été abaissé en 2014). Cela signifie qu’une entreprise guadeloupéenne comme Long Horn International est touchée par l’octroi de mer régional, ce qui est considéré comme handicapant par cette dernière. Il n’est donc pas étonnant de la voir en tête de proue des entreprises ayant saisi le Conseil constitutionnel.

L’octroi de mer une pratique discriminante 

Si les entreprises font appel à cette institution, c’est qu’elles considèrent que cette taxe est « contraire au principe d’égalité devant la loi fiscale ».

En d’autres termes, elles l’assimilent à une taxe discriminatoire entre des produits issus d’un même pays. Cependant, ce point de vue est loin de faire l’unanimité au sein de l’ensemble des producteurs locaux. Me Isabel Michel-Gabriel, avocate spécialisée dans le droit fiscal, du cabinet IMG-Avocats, à Pointe-à-Pitre, en donne les raisons. « Si la fin de l’octroi de mer est signée, c’est la mort de la production locale. Cela voudrait dire qu’elle ne serait plus du tout protégée, les produits importés seront bien moins chers et les gens se dirigeront vers les produits les moins chers. Donc l’enjeu est énorme car il touche toute l’économie ultramarine. » Du côté du Comité d’initiative pour un projet politique alternatif (CIPPA), le son de cloche est le même car l’octroi de mer est une source de revenu considérable pour les collectivités. Alain Plaisir, son président, explique que « l’octroi de mer représente 40 % du budget de fonctionnement de la Région Guadeloupe et entre 50 % et 60 % de ceux des communes ».   

Pour l’heure, le Conseil des sages ne s’est pas encore réuni pour trancher la question. Il le fera le 27 novembre prochain. Sa décision est très attendue, car elle pourrait annoncer la suppression de l’octroi de mer. Une hypothèse « largement possible », selon Alain Plaisir. 

Penser l’après octroi de mer

Une des thèses défendues par le CIPPA est la suivante : sortir du statut juridique des DROM (Département et Région d’Outre-mer) pour aller vers celui des PTOM (Pays et Territoires d’Outre-mer) avec en ligne de mire l’exemple de Saint-Barthélemy. Ainsi, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion pourraient gérer eux-mêmes leurs fiscalités. Autre thèse à la suppression de l’octroi de mer : faire passer la TVA des DROM de 8,5 % à 20 % comme cela s’applique en France Hexagonale et c’est la différence qui serait reversée aux collectivités en compensation des revenus actuels de l’octroi de mer. « La TVA est une taxe à la consommation alors que l’octroi de mer est une taxe douanière », précise Alain Plaisir, lui-même ancien douanier.  «  Cela changerait la fiscalité puisque les marchandises partiraient de France vers la Guadeloupe ou, à l'inverse, directement chez le consommateur sans qu’il y ait d’arrêt à la douane ». 

De son côté, Me Isabel Michel-Gabriel est, une nouvelle fois, sur la même longueur d’onde. « Je pense que ce serait une bonne idée de transformer l’octroi de mer en une forme de TVA, qui toucherait davantage les produits importés, afin de protéger les produits locaux. Ce faisant, on protégerait également les emplois. Pourtant, cette idée ne va certainement pas passer au niveau européen ».  Par conséquent, qu’importe la décision future du Conseil constitutionnel, il semble évident qu’il faille dès aujourd’hui penser à l’après-octroi de mer, car comme le dit très justement Me Isabelle Michel-Gabriel, la question de « l’octroi de mer est un enjeu énorme ».

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