Culture

jeudi, 05 décembre 2013 09:08

Exposition : Figures et terre des Antilles Héritage Aimé Césaire

Notre journaliste Migail a mis tout son cœur de cette première exposition qui représente  pour elle, SON grand rendez-vous avec elle-même. Outremerlemag l’a interviewé…



Outremerlemag : Migail, tu nous proposes une exposition dont le titre à lui seul est révélateur de plusieurs messages. Peux-tu nous les délivrer un à un  en quelques lignes ?
Migail : L’exposition est probablement le livre que je souhaite écrire. Un peu comme une promenade dans mon univers, cet univers qui révèle les différentes essences de ma personnalité : celle qui passe par l’imaginaire, les mots, les souvenirs, les passions, les rencontres, les remerciements, les effluves du passé, celles qui toutefois forgent entre présent et avenir. J’ai pensé cette exposition depuis « nanni nanan », depuis déjà un laps de temps, mais la crainte me faisait éviter, et surtout le manque de confiance dans une activité certes me plaisait mais que je n’imaginais pas pouvoir montrer. Mais je tiens à la faire pour des raisons profondément personnelles mais surtout parce que quelquefois le temps nous dit qu’il faut établir les choses. Je ne fais pas de photographie en dilettante comme j’ai pu me l’entendre dire. C’est une véritable passion d’arrêter l’instant, de me faire des souvenirs indélébiles qu’offre, selon moi, la photo. Cela a commencé par le besoin de bien illustrer mes écrits. Souvent mes articles étaient liés à des photographies qui correspondaient très rarement à l’émotion que j’avais pu ressentir et que je transcrivais. Alors j’ai un jour acheter un appareil « sérieux » et je me suis lancée. Ainsi est née l’autre Migail, et puis très sincèrement, l’appareil atténue ma timidité.

Outremerlemag : Quand on échange avec toi tu nous dit que tu renais de la Mort de Césaire ?
Migail : Je suis une enfant du BUMIDOM.  En 1970 lorsque je suis rentrée à Paris, ce fameux 12 aout 1970, c’était un mercredi précisément. Je me rappelle bien de la douleur ressentie en arrivant dans un pays sans « solèy ». Ma tante et mon oncle étaient à l’aéroport et le temps du voyage de l’aéroport d’Orly m’a paru une éternité. Je pensais en fait retrouver mes parents chez ma tatie Carmen chez qui j’allais désormais vivre. A l’escale en Guadeloupe, j’ai cru à un abandon total (même pas vrai que les hôtesses restent à vos côtés à terre). J’ai pendant longtemps détesté cet aéroport du Raizet, chaque fois que j’y atterrissais, j’avais la même sensation, la solitude terrible d’un enfant qui vient de quitter père et mère sans savoir quand on se reverrait. Et, il me fallait dès lors m’adapter à un nouvel espace, de nouveaux codes, une nouvelle manière de me vêtir, de parler, de m’extérioriser. Plus le temps passait plus je m’intériorisais, c’est ainsi que paraît plus encore le besoin d’écriture. Je me confiais à mes cahiers. En ce qui concerne Césaire l’Aimé, en fait cet enfant en perpétuel exil dont son pays natal n’était plus qu’une destination de vacances avait désormais cette intense déchirure. J’avais perdu la forme du cercle vital. Sans perdre mon antillanité grâce à l’éducation exceptionnelle de mes tuteurs tonton Michel et Tatie Carmen, je ne me reconnaissais plus dans l’essence martiniquaise. Je ne m’y trouvais plus à ma place. Lors des funérailles de Césaire, j’y suis allée comme beaucoup de Martiniquais et autres gens du monde. J’ai ressenti alors pour la première fois depuis un temps infini ce que c’était de perdre le « Père » de la nation.  C’était comme une perte familiale, je l’ai réalisé le lendemain de sa mise en terre en écrivant un texte qui faisait jaillir à mon esprit mon âme martiniquaise. C’est cela que je raconte dans mon exposition. Mais il vous faudra probablement la voir pour mieux le comprendre.



Outremerlemag : L’image est pour toi une passion  ou  la mémoire de l’émotion ?
Migail : L’image est une passion mais comment ne pas constater qu’elle est, en tout cas à mon sujet un formidable vecteur de la mémoire. Il y a dans une image capturée toute l’émotion de l’instant. D’une part celle qui est, lorsque vous la prenez mais il y a celle plus sensible de la lecture que vous en faites après. Une fois les photos en cours de développement ou en passe d’être chargées sur votre ordinateur des choses qui se révèlent qui jusque là étaient restées invisibles. J’ai avec mes photos quelquefois de bien étonnantes surprises. Je vous les raconterai si le cœur vous en dit lors de notre promenade picturale.


Outremerlemag : Pourquoi as tu attendu si longtemps pour nous faire découvrir tout ton talent de photographe ?
Migail : Je l’ai avoué un peu plus haut. Le manque de confiance. Il faut quelquefois manquer ne plus avoir l’occasion pour que le déclic se fasse. (…) Et, il m’est venu à l’esprit l’envie de remercier toutes ces personnes que j’avais aimé photographier. Il me fallait rendre hommage à ma famille créole et, me faire un immense plaisir. Mais cela a pu également se faire grâce à une rencontre, à nouveau avec celui qui m’a accompagné de manière concrète dans le travail de mise en scène, et qui a contribué à la partie technique, Jean-Pierre Riga a été un formidable compagnon dans cette aventure que j’espère revivre encore et encore. J’ai tellement de photos en archive.

Outremerlemag : Parle nous de ton cheminement de Danseuse, de poète à tes heures, de journaliste et… de Photographe…
Migail : En fait, je ne sais pourquoi depuis ma tendre enfance je trépignais tout le temps. « Dépi té ni an son man té ka dansé ». J’avais une bonne-maman (grand-mère) et une grande tante qui nous faisaient faire des concours de danse avec ma cousine Kathy. Celle qui remuait le mieux avait droit à un cornet de pistache ou une glace coco. Nous nous prêtions au jeu avec enthousiasme, le dimanche après-midi et c’est ainsi que Kathy maitrisa la mazurka et moi-même la biguine. Puis en grandissant j’ai voulu en faire mon métier. Il y a eu le temps des ballets folkloriques de Guadeloupe ou Afrique, puis le modern jazz avec Wilson Gérard, enfin les castings pour des groupes brésiliens. Et c’est un mauvais échauffement qui m’a valu une déchirure des ligaments et près de 6 mois sans pouvoir bouger. Après j’ai eu assez mal à chaque fois pour ne plus vouloir aller en cours ou en répétition. La prose plus exactement, c’est véritablement ma timidité et ma sensibilité. Il m’était plus aisée d’écrire ainsi je n’étais pas dans la situation de voir l’autre me lire. Dire est instantané et vous souffrez quelquefois quelques égratignures au moment d’entendre une réponse.
Le journalisme tout simplement parce que j’aime explorer. Un temps je pensais être globe-trotter afin de rapporter sur le monde et dire combien il est bon de transmettre nos héritages.
La photographie est le reflet d’un ressenti, d’une émotion vive, d’un bonheur ou d’une tristesse. Elle n’est pas simplement ce que vous voulez qu’elle soit, quelquefois elle est le reflet de vous-même.



D’où vient cet incroyable besoin d’aimer  et de partage par l’image que tu réalises avec passion…
Mon besoin d’aimer, je ne sais pas. Tout simplement j’ai la sensation d’être en mission quelquefois. De mettre en lumière ceux que j’estime.
Et puis je ne suis pas mercantile, j’ai ce besoin de partager mes images avec autrui. Il y a bien des gens qui n’ont pas ce privilège d’être si proche des artistes ou des personnalités et je trouve normal de leur faire également ce cadeau.

Quelques unes de tes photographies te mettent en scène comme un lien entre antan lontan et le présent ?  quel est le message avec le rapport à la terre ?
Oh ! Je vois quelles photographies me valent cette question. Cela reste un merveilleux souvenir. C’était lors d’un voyage de presse avec le Comité du Tourisme de Martinique. Nous devions vendre la destination Martinique et pour ce faire on nous avait  convié à un Lasotè (un assaut à la terre). C’est en fait le labourage de la terre au son et au rythme du tambour comme on le faisait dans lantan. Une expérience d’exception. Je pensais voir du folklore j’ai vécu quelque chose d’unique. J’an ai pleuré. Et je chavirais vraiment la terre ce jour-là et ce n’est pas si aisé. Mais c’est encore depuis cela qu’il m’est indispensable de retourner à la Martinique désormais une fois par an au moins. Le rapport à la terre est évident comme à la nature, à la mer ou aux arbres. Ma , mes photos sont ancrées en moi et vitales comme le suc d’une fleur qui doit résister au temps.

Outremerlemag : Quel sera l’itinéraire de ton exposition ?
Migail : Eh bien je l’espère le plus longtemps possible et le plus loin parce que j’y ai mis énormément de ma personne, de mon esprit. J’y ai mis beaucoup d’espoir, de tendresse, de confiance retrouvée. Et puis encore c’est un partage que je souhaite avec le maximum de gens.
En ce moment après une intense déchirure elle est devenue l’écrin de mon cœur qu’il me faudra d’ailleurs abandonnée un peu au public.

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