Culture

jeudi, 22 août 2013 04:45

JOBY VALENTE – La Valeureuse ! Spécial

Joby Valente est auteur chanteuse danseuse comédienne militante animatrice radio (tout ça sans virgule parce qu’avec elle les cases sont à bannir). Entendre parler ou chanter Joby Valente c’est s’interroger sur son histoire nègre.

Il y a d’abord son parcours personnel, fragment premier de vie : pédagogue. Jeune femme du Nord de la Martinique, son bac de lettres modernes en poche prenant le bateau bananier pour aller faire la classe de l’autre côté de la Méditerranée.
Maitresse d’école donc de verbe, c’est en Algérie qu’elle officiera dans les années noires, en pleine guerre où elle aurait pu mourir cent fois, puisqu’elle vit à proximité des terreurs et des mines à Biskra précisément. Au fin fond d’un pays en colère et combattant pour sa liberté. Trop jeune et surtout attribuée alors du statut de fonctionnaire administratif, en fait de l’encre du colonisateur elle ne peut prendre position. Mais cette époque ne la quittera jamais et lors de ces nombreux combats elle y aura puisé même inconsciemment une force contre l’injustice et l’envie d’égalité humaniste.

A l’Indépendance de l’Algérie, elle quitte le pays « amère » comme une mère qui abandonne ses « yiches ». Jusqu’à la fin de l’année scolaire elle leur fera la classe. Mais malgré tout cela, ce qui importe pour Joby c’est de partager. Et sa bataille auprès des enfants de tout temps fut essentielle.

Joby Valente c’est une femme d’engagement même si on en a décrié certains. Elle a été et reste à juste titre un exemple de dames dont le portrait mérite d’être tracé en « long et en large » pour tous ceux qui oublient vite.

Joby Valente a été de nombreuses luttes : celle contre l’inégalité, celle pour les droits civiques des Noirs, comment ne pas oublier son requiem à Martin Luther King, profondément bouleversée par l’assassinat de ce dernier, elle écrira une de ses plus belles chansons « A un Apôtre Noir » (que selon moi elle devrait réenregistrer).

Elle et une des pionnières de la lutte pour ne pas oublier l’esclavage, pour honorer les sacrifices de nos ancêtres qui nous valent aujourd’hui une juste liberté, une certaine égalité et un genre de fraternité.

Au retour d’Algérie, après des vacances bien méritées, elle poursuit son professorat en Région Parisienne et fera la fac de droit. Mais il y a quelque chose qui « titille » Man Valente, c’est la musique dans laquelle elle a baigné dans son enfance entre « grand-papa tambouyé » et « papa saxophoniste » (boucher de métier). Joby est une enfant de la balle, et vivant à Paris dans le quartier de Pigalle où sévit moult musiciens de toutes origines : vénézuéliens, antillais, guyanais, portoricains, américains, londoniens entre autres.

Elle est également inscrite au Conservatoire et travaille avec quelques chefs d’orchestre de Paname. Il y a parallèlement un Cercle d’intellectuels et militants humanitaires qui refaisaient le monde à Montreux, qui jouaient au théâtre et où on pouvait rencontrer quelques grands de ce monde. C’est la mort du Pasteur King qui l’a fait abandonner ce cercle et revenir à Paris. Elle y compose alors son Requiem pour le Grand Homme Noir – A un Apôtre Noir ci-dessus cité (bouleversante chanson).

Elle s’accorde à se construite plus encore, et c’est à l’école de l’Olympia qu’elle s’initie à la danse, aux claquettes, à l’acrobatie. Pendant un an c’est définitivement la scène qui l’anime. Elle honorait plusieurs prestations dans différents cabarets de la capitale.

C’est bien sûr des rencontres artistiques qui l’entrainent dans un tourbillon. Entre l’école le jour et les cabarets renommés tels la Cabane à Rythme rue Fontaine, ou la Canne à Sucre à Montparnasse ce sera au bout le surmenage qui l’obligera à faire une parenthèse.

Ce sera alors l’escale un temps à la Martinique où elle chante chaque soir au Manoir, le dancing de la High Society Foyalaise, route des Religieuses/Fort-de-France Martinique. Enfin son père considère que son destin est de chanter. C’est à cette époque que je fais la connaissance de la dame (amie de la famille).  On parle beaucoup de cette  parisienne martiniquaise de passage dans l’île qui chante « Disc la rayé ».  Elle enregistrera à cette époque son premier disque à Pointe-à-Pitre-Guadeloupe. Selon ses confidences, celui-ci n’avait pas eu grand impact à ses yeux, elle était convaincue d’être faite pour la scène. C’était-ce aussi le temps de « J’emmerde les Bourgeois » une chanson bien pimentée.



De retour à Paris, Bruno Coquatrix, grand patron de Music-Hall s’intéresse à cette élève, il lui fait rencontrer un pianiste américain. Ce dernier l’invite à venir se former aux Etats-Unis. Miss Joby tente alors le « rêve américain », why not ! Elle y restera le temps de rencontrer Ray Baretto (le musicien de la mythique Fania All Stars créée par des musiciens cubains et portoricains exilés à New-York). Et un soir elle fait une prestation remarquée au Bronx.

Elle reviendra quelques années plus tard aux Etats-Unis en 1974. C’est alors la gestation d’une conscience noire et nègre avec pour décors les combats pour les droits civiques, elle voit chanter James Brown à l’Apollo Theater of Harlem, rencontre les leaders de la diaspora noire new-yorkaise et se réconcilie avec le militantisme.
Elle vit alors dans un immeuble dédié aux musiciens (tip top et, oui ça existe). Madame chante du Gospel dans les églises. 2 ans plus tard elle rentre à Paris.

De ce séjour elle aura conscience qu’il nous manque un outil nécessaire une radio. Ne lui avait-on pas dit un jour que « Vous êtes des Noirs de France et jamais vous n’aurez la parole « ? Cette parole elle y tient et veut qu’on l’entende.

Ainsi elle de celle qui sera aux « balbutiements » d’un onde émettrice des voix des Antilles. Elle sera une des pionnières d’une radio communautaire.  Ainsi après moults manifestations, cris, quelques désordres quelquefois la radio Nèg Mawon voit le jour.

C’était les années 80 et l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, un vent de liberté de justice et d’égalité. Elle devient plus tard co-fondatrice de Tropic FM dans laquelle elle est une animatrice intègre et porteuse de l’histoire des « Gens de Morne Libre ».  Un autre cercle d’artistes de la diaspora  avec ceux que l’on voit à cette époque comme Greg Germain (acteur de Christian Lara) ou Emilie Benoit (que l’on a aperçu dans le Sang du Flamboyant). C’est elle qui initie aussi les inventeurs noirs en radio.

Et on ne peut donc nier la participation essentielle de Joby Valente dans l’existence de la Radio de la Voix Nègre, dommage qu’aujourd’hui on en oublie le but PREMIER, dire nos histoires et faire entendre notre HISTOIRE, ce que certains ont grande tendance de nos jours à occulter.

Mais Joby Valente n’est pas femme sédentaire, elle est nomade et humaniste, c’est aussi en Afrique souvent au Sénégal qu’elle sera la bouche de ceux à qui on interdit la parole.

Elle sera Femme debout « an plin mitan » d’hommes qui souvent n’ont pas osé aller au bout, elle parlera, chantera et jouera pour faire entendre les injustices, les malheurs et les maux.

A Paris au côté de quelques artistes ou d’animateurs, comme le défunt Wilson Gérard, chorégraphe et animateur des soirées Black Sugar, elle venait nous apprendre la conscience nègre. Il faut se souvenir que pour toute une génération, le concept Black Sugar, dans une boîte de la rue Dauphine, ouvert le dimanche de 15h à 00h00 était une véritable thérapie. On y dansait chantait certes mais écoutions avec grand intérêt Wilson lui-même danseur noir qui ayant subit la ségrégation à New-York avait alors choisi de  vivre libre à Paris.

Il savait nous faire avoir foi en ce que nous sommes, des personnes de valeur et il pouvait reconnaître l’artiste sous nos airs de jeunes « désœuvrés ». Il nous avait créer au côté de Jean-Pierre Mandoulé un espace où tous, pouvaient se retrouver - jeunes noirs, jeunes artistes sans argent, ou artistes américains de notoriété de passage à Paris pouvaient se côtoyer.

Et Joby Valente fait partie de ces pédagogues qui nous initiaient à notre construction identitaire et personnelle. Et je ne fermerai pas cette parenthèse sans parler de Paco Rabanne qui nous avait grandement soutenu pour nos radios. Il venait souvent au Black Sugar et y avait découvert quelques uns de ses plus talentueux mannequins filles et garçons

Joby Valente c’est aussi la « mère » de nombreuses associations dont celle qui me tient vraiment à cœur pour les enfants défavorisés qu’elle emmenait aux vacances de Noël à la Martinique  à la découverte pour certains de leur pays d’origine et à la rencontre du poète Aimé Césaire.

Joby Valente c’est tout cela, une femme de parole, maitresse de gestes et de mots, qui a su faire entendre « dépi nanni nanan » nos voix et mettre en lumière nos cultures.

Madame Valente a été dans le monde entier une fervente et dynamique ambassadrice de nos couleurs afro-caribéennes et si il vous tient de mieux la connaître je vous engage à suivre cet entretien.



Entretien avec Joby Valente - http://youtu.be/_DWjPsXZ_ks
Retrouvez Joby Valent sur :

https://www.facebook.com/JobyValente
https://www.facebook.com/joby.valentedersion

Le nouvel album de Joby Valente – Coup de cœur estival.
A la rentrée la rédaction rencontrera Joby Valente pour une interview exclusive dans laquelle elle nous racontera l’histoire de cet album, de son parcours professionnel et personnel.
RDV EST déjà PRIS avec la Grande Dame.

Joby Valente – Je veux être musique
C’est en 2012, lors d’un séjour à la Martinique que j’ai visité Tatie Joby Valente en plein enregistrement de ce superbe album. 11 titres qui parle de foi, d’espoir, de la vie quotidienne avec ses bons ou mauvais moments. Mais toujours la musique comme baume. Dans ce nouvel opus, l’artiste Jobu nous démontre son talent. Des harmonies variables entre les Antilles, l’Afrique ou Haïti. Des histoires de « Gwo Pwèl » (chagrin d’amour) capables de vous faire dépérir. Des rencontres extraordinaires entre de nombreux artistes de la diaspora avec la voix savoureuse de Luc Labonne, les excellents pianistes Michael Marnet et Guy-Marc Vadeleux. On danse sur les percussions de Alain Dracius, Alfred Varasse, Micky & Max Télèphe.

Savoureux mix et en rendez-vous les guitares de Serge Rémion, Brandon Caray, Christian Louiset Eric Bonheur et Moustic Ambassa.

Imaginez simplement ce qu’il a fallu de passion et de belle entente pour concocter un tel bijou et réunir tous ces exceptionnels musiciens – pour la contrebasse de Alex Bernard, les drums de José Zébina ou Dominique Bougrainville.
Sans oublier les voix presque célestes  parce que simplement magnifiques : il y a là sur ce « Je veux être Musique » quelques belles vocalises des dames Maud Masse, Régine Féline, Claudine Pennont, Dominique Lorté, Julie Cada et Catherine Parize. Et dans une chanson en introduction, la voix enfantine de Evy Jean-Marie Marie-Luce.

Parlons-en, des introductions mélodieuses que l’on n’a pas entendues depuis longtemps dans  un album. Chacune d’elle entraine à l’écoute des textes, des partitions mélodiques.

Oui, là madame Valente nous offre un disque riche, avec des variances qui met en lumière une passion transportée tout autour du monde – sa musique donc son univers en excellence.

Entre afro-zouk, bèlè, chouval bwa, ballade, biguine, compas, reggae, boléro et mazurka Man Joby nous livre là un arc-en-ciel entre traditionnel et modernité, semblable à l’évolution de nos musiques caribéennes et je vous assure que c’est une sacré promenade que de cheminer sur la route que nous trace Joby et ses compères dans une parfaite réalisation artistique et « bèlman » programmée.


Extraits – 2 titres
Joby Valente: Respecté Fanm - http://youtu.be/BU_vuB3cHGQ
Joby Valente - Invocation - http://youtu.be/uq7yj13rDnI

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