Culture

jeudi, 15 août 2013 04:45

Au nom de Fanfant – Thierry, le bassiste !

Fanfant est le patronyme lié en Guadeloupe étroitement au patrimoine musical issu de la « petite bourgeoisie » Pointoise. Dans les années 20, les années 50 les frères et fils Fanfant dirigeront des orchestres de la lignée tels que le Fairness. Dans cette famille on est musicien de père en fils. Et les enfants de la 3ème génération comme le batteur Jean-Philippe & le bassiste Thierry n’ont pas dérogé à la tradition. En dignes héritiers de Guy le papa, des - Roger, Robert, Gilbert, José, Christian et autres- ils sont à la pointe de la musique créole, entre biguine et jazz. Assurément ils influent sur notre culture et nous sommes aujourd’hui heureux que le piquant bassiste devant l’Eternel - Thierry Fanfant, entre deux tournées ait accepté de répondre à nos questions.



A son actif de nombreuses collaborations avec des artistes nationaux, internationaux et deux albums solos - Intime et Simé lanmou. Thierry Fanfant a joué au côté d’artistes aussi éclectiques que : Dédé Saint-Prix, Tony Chasseur, Mario Canonge, Michel Fugain, Angélique Kidjo, Ayo, Jenny Alpha, David Fanckeure, Bernard Lavilliers ou Christophe Maé.

Lorsque je fais sa connaissance, il a déjà à 16 ans seulement une sacrée passion pour son instrument de prédilection : la basse. Thierry Fanfant est « labellisé » musicien avant sa naissance puisque ses parents, grands-parents, et tontons sont tous  « musicos ».

Comment y échapper, alors que déambulant dans les pièces des maisons où il a vécu, toutes sortes d’instruments trônent. Entre congas, percussion ou batterie, guitare, accordéon et piano ; la musique coule magiquement dans ses veines. Mais c’est à force de travail, d’apprentissages répétés qu’il a gagné ses galons tant dans le monde de la musique créole que dans celui tant convoité du jazz.
Aujourd’hui Thierry Fanfant est une valeur sûre : sa basse tout comme sa contrebasse est convoitée par de nombreux artistes du monde.
Et, force est de constater qu’il vit sans aucun doute  sous le signe de l’harmonie.


1- Ton nom est en Guadeloupe une référence, que peux-tu nous en dire ?
C’est véritablement un héritage familiale. Evidemment que le nom Fanfant est synonyme de musique à la Guadeloupe, et aujourd’hui mon frère Jean-Philippe et moi avons la chance de poursuivre cette synergie en collaborant avec de nombreux et talentueux artistes nationaux et internationaux.

2- En ce qui te concerne, à quel âge cela débute ?
Probablement dès la naissance. Dès mon plus jeune âge je grandis au côté de musiciens. Ma mère quant à elle fonde l’orchestre Fair Nick Stars dans les années 1974. J’ai douze ans et vois mes parents partir le week-end en gala. Les instruments sont partout à la maison et je m’initie peu à peu au xylophone, conga, batterie et autres. Mais le déclic se fait surtout quand un de mes oncles Jean Civilise, le parrain de mon frère lui offre une guitare. Jean-Philippe n’est pas très attiré et je gratouille alors cet instrument. Au de ma communion solennelle on m’offre une enveloppe qui me permet d’acheter ma première basse. A partir de ce moment-là, j’intègre l’orchestre de mes parents et pars avec eux sur la route de temps en temps.


3- Pourquoi le choix de  la basse ?
En fait au départ, quand j’ai habité la Guyane, j’avais choisi de jouer de la batterie. (Rires) Mais mon professeur ne venant jamais aux cours j’ai alors choisi définitivement la basse. Il y avait déjà d’ailleurs beaucoup de batteurs dans la famille comme papa, deux de mes oncles et bien sûr mon frère. Et l’instrument qui me touchait dont la sonorité m’attirait et que je comprenais aisément fut cet instrument.


4- A quel moment arrive l’envie de composer ?
Très jeune puisque à 16 ans j’ai commencé à composer. Mon premier titre – Kadansé-balansé - est enregistré sur le dernier album de l’orchestre des parents. Ensuite mes collaborations avec Gazoline, Pipo Gertrude me permettent de créer, d’écrire des paroles et des instrumentaux comme avec Tony Chasseur. Il y aussi les compositions au côté de Michel Fugain ou Bernard Lavilliers, deux artistes pour qui les textes sont essentiels. Tout cela m’a influencé, boosté et bien sûr donné l’envie de raconter des histoires.

5- Comment définir l’expérience avec Bernard Lavilliers avec qui tu entretiens  d’ailleurs une belle complicité ?
Avec Bernard Lavilliers, je me suis retrouvé comme un poisson dans l’eau. Sa couleur musicale me convenait pleinement. Il faut savoir que j’ai grandit en France et  avec mes potes j’écoutais du rock, de la pop et de la variété française. A la maison c’était du compas, du zouk, de la salsa et tout cela m’a aidé à être vraiment à l’aise comme avec Michel Fugain qui était un des premiers à intégrer de la salsa dans des chansons de variété française.



6- Y a t’il toutefois eu une période de conservatoire dans cet apprentissage ?
Pas vraiment. J’ai commencé la musique en autodidacte. Je voulais quand même m’améliorer, j’ai fait alors une école d’audiovisuel et passé mes diplômes. Je faisais constamment de la musique.  En cherchant du boulot, je postule et intègre  une école de musique où pendant deux ans j’ai fait un stage payé, tout ce temps à faire de la musique. J’ai été formé à l’harmonie et au solfège. Encouragé par mes professeurs, j’ai passé 6 à 10 heures par jour à me parfaire à la basse et la contrebasse. J’y pratique également les congas avec un prof latino et m’initie à l’écriture musicale.

7- A ton actif, deux albums solos.  Y aurait-il un nouvel opus en cours ?
En effet. Mais j’ai eu plaisir à enregistrer des albums de groupe avec mes amis Mario Canonge, Tony Chasseur pour Mizikopéyi ou Zig Band entre autres. Le dernier est en cours, écrit en collaboration avec David Fackeure. Un opus de musiciens, avec des titres instrumentaux dans lequel nous nous exprimons entièrement à travers nos instruments. Nous n’avons pas encore de date de sortie, nous sommes pour l’instant à la phase créative de la pochette. Il y a aussi la difficulté de la production que nous avons faite nous-mêmes  ou de la distribution. Il nous faut alors prendre les meilleures décisions aves les bonnes personnes.

8- Depuis l’époque de tes grands parents, as-tu l’impression que notre musique a véritablement gagné ses lettres de noblesse ?
C’est assez difficile de s’en faire une idée. J’ai envie de dire qu’il y a un véritable décalage entre ce que nous entendons sur nos médias qui passe en permanence  du zouk.  Je pense qu’ils sont quelque peu en retard parce qu’il y a des choses qui se passent en scène. Une véritable évolution musicale, les médias doivent faire plus attention à la nouvelle génération qui porte à notre patrimoine un véritable atout. Il y a le zouk de Kassav qui pour moi est la référence, c’est le zouk que j’aime.  Parallèlement il se passe plein de choses, il nous faut tenir compte des nouvelles interprétations de nos biguines, mazouk etc.

9- Que peut-on dire du rôle des festivals ?
Les festivals ouvrent peu leurs portes au Zouk. Bien sûr sauf  à des maitres de la  musique des Antilles comme Kassav parce que leur musique a conquis le monde. Il y a cependant des artistes talentueux qui offrent plein de possibilités et un artiste tel que Dédé Saint-Prix entre autres. Il y a plus d’expériences et de mélanges. J’ai la chance de travailler avec l’artiste Tricia Evy, qui varie entre le jazz et la biguine, et cela offre de nouvelles éventualités. Mais de plus en plus nos iles caraïbes ont des rendez-vous festivaliers de belle conséquence. Les Artistes antillais qui passent dans les festivals sont ceux qui s’ouvrent vers l’Europe et l’international.

10- Aujourd’hui tu collabores avec Christophe Maé, qui s’approprie le rythme de la Louisiane.
Oui parce que le berceau du jazz est la Nouvelle-Orléans avec qui les Antilles ont les mêmes racines. La Biguine a sensiblement évoluée de la même façon que le Jazz en Louisiane. Bien sûr aux Etat-Unis, il y a le nombre important de la population noire qui permet une grande visibilité de leur musique contrairement en France où la scène n’est pas si aisément ouverte pour nous.
     
11- Où en est notre Biguine Créole ?
Depuis Fred Fanfant mon oncle, il faut constater que la Biguine est en constante mutation. Il y celle de Alain Jean-Marie, de Mario Canonge. Et puis de nos jours celle de Sony Troupé ou Grégory Privat avec une pratique évolutive du Ka. Tout comme le zouk que nous aimons ou dansons et qui n’a pas cessé d’intégrer de nouvelles couleurs et tendances modernes la biguine ne doit pas être limitée à une pratique classique. Certains de mes titres sont des harmonies groovy-funk cependant je les ai joué et entendu comme des biguines. Quand j’y pense mon grand-père a été critiqué en amenant le genre New-Orleans à ses créations, puis ce fut mon oncle en apportant la manière Be-Bop. Il nous faut accepter les modifications. J’ai trop voyagé et joué avec des musiciens d’origines différentes pour ne pas comprendre qu’il nous faut oser tout mélanger et ne pas craindre les influences externes. La preuve en est pour le Ka qui a inséré des nouveaux rythmes, la biguine mérite aussi de se dépoussiérer. Il y a une esthétique musicale mais il nous faut transgresser de temps en temps les règles. Il y a une nouvelle école dont je fais partie avec de belles rencontres et des expériences enrichissantes, et nous apportons notre pierre à l‘édifice.

12- On ne peut taire tes nombreuses collaborations. Mais s’il y avait un ou deux artistes avec qui cela ne s’est par encore fait, quels serait-ils ?
Ah ils sont nombreux ! J’ai eu le privilège de connaître de bien belles écoles comme celle d’Angélique Kidjo, de Tania Maria qui sont des artistes qui m’ont beaucoup marqué d’autres comme Dédé Saint-Prix ou Michel Fugain m’ont appris la scène... Il y a une femme qui me touche particulièrement, c’est Buika. Cette artiste africaine qui chante du Flamenco est véritablement envoutante. Elle est ouverte à d’autres émotions musicales tout comme Ayo ou Maria Andrade dont les voix m’émeut profondément. Ils sont nombreux à me faire rêver comme Stevie Wonder : « Si tu m’entends Stevie » ! (Puisse le ciel l’entendre dixit la journaliste). Ma sensibilité reste ouverte à tout et je ne mets pas de barrières à d’éventuelles propositions.

13- En parlant de barrière, justement tu as expérimenté le métier de comédien avec   le film de Keen de Kermadec – Cœur Chamallow. Quel souvenir en gardes-tu ?
Ah ça été l’extase. J’ai eu grand plaisir à le faire. Cela m’intéressait depuis longtemps de m’essayer au cinéma. De constater que j’en ai été capable me donne envie de recommencer. Et j’ai surtout l’envie que le film soit plus diffusé parce qu’il met en lumière le fléau de l’obésité et ses conséquences aux Antilles. C’est encore un sujet qui me tient à cœur et auquel nous devons de plus en plus nous intéresser.

14- Le cinéma nous mènerait peut-être à la composition de B.O. de film ?
J’y ai pensé puisque j’ai fait de nombreuses choses. Mais c’est encore un milieu qui reste relativement verrouillée et les places sont chères. (rires).

15- En conclusion Thierry quel serait ta dédicace à la musique ?
Au bout du compte, je réalise que malgré les obstacles des langues, des cultures la musique est un partage. Ce qui important c’est de toucher. Il y a ceux qui n’aiment pas spécialement le jazz ou notre musique et cependant nous arrivons à transmettre des émotions grâce à nos prestations. Et c’est ce qui est l’essentiel. J’ai besoin de garder ce plaisir de jouer et surtout d’en procurer.

16- Quelle est la spécificité du Jazz créole au contraire de ce jazz un peu snobe que sacre certains intellectuels ou spécialistes ?
Moi, je ne fais pas partie de cette lignée de jazz-men. Ce qui m’importe c’est le côté festif de ce jazz populaire des années 20 aux années 60 hérités des grands de la musique noire américaine. Le jazz créole a gardé ce côté communicatif de la tradition américaine qui faisait danser et permettait l’échange. C’est celui-ci que J’ai besoin de partager parce qu’il est en harmonie avec mon monde.




Univers Thierry Fanfant
Thierry Fanfant /Teaser- Simé Lanmou (Semer l’amour) - http://youtu.be/FUE1Wqu8C04
Thierry fanfant solo-la salsa.MP4 /Bernard Lavilliers - http://youtu.be/gLPBlw0_0WY
Fanfant Thierry - la macaque  - http://youtu.be/CQvclipFTw4
Thierry Fanfant feat. Erik - Vou é mwen - clip officiel - http://youtu.be/RI21yyV4ro0
Orchestre Fairness "Un monde fait pour Nous”…. http://youtu.be/PWtFLKmN1MY

Partenaires

CANGT NORD GRANDE TERRE
CAP EXCELLENCE

Derniers articles

Les + lus

Rejoignez-nous sur Facebook

Recevez les actus par email

Recevez par mail les dernières infos publiées sur OUTREMER LE MAG'

Rechercher