1-Outremerlemag : Afin de rentrer dans le vif du sujet, quel est aujourd’hui votre palmarès ?
Natacha Bounet : Depuis 1999, je suis Championne de la Guadeloupe et huit fois Championne de France de 2004 à 2010. J’ai du m’interrompre pendant deux ans à cause d’une blessure au genou. J’ai également été deux fois vainqueur de la Coupe de France.
2-Le Kung –fu que vous pratiquez est-il semblable à celui que l’on trouve dans les films ?
On peut dire que c’est assez semblable. Puisque nous travaillons à partir de scénarios, c’est ce que l’on appelle les « combiné combat ». Au niveau des cours ou des démonstrations, nous reflétons ce que l’on peut retrouver dans certains films.
3 –Cette discipline fait-elle partie des Jeux Olympiques ?
Pas encore malheureusement. Les dirigeants de la Fédérations et nous sportifs faisons tout pour qu’elle y soit représentée. Nous espérons voir entrer cette discipline dans les Jeux Olympiques de 2020. Ce sera pour les jeunes qui pratiquent l’occasion de faire leur preuve. A 34 ans je ne pourrai plus participer, mais j’espère y voir mon fils qui pratique le Kung-fu depuis son plus jeune âge. A 16 ans, il est déjà deux fois Champion de France.
4 –A t-il été aisé pour vous en tant que femme de vous imposer dans ce milieu d’hommes ?
Ce ne fut pas évident parce que dès mes débuts, j’ai souvent été la seule femme du groupe. Les filles qui venaient au Club abandonnaient trop vite. J’ai du combattre exclusivement contre des hommes, à tous les niveaux poids lourd ou poids léger et je vous assure qu’ils ne me faisaient pas de cadeau. Cela pendant plusieurs années, ce qui m’a permis de m’endurcir et fait vivre une belle expérience en pratique.
5 – Qu’est-ce que cela vous apporte au quotidien ?
Profondément passionnée par cette discipline, j’ai fondé en 2005 l’Association Nei Wei Jiah Kung Fu avec le besoin de transmettre aux tout-petits. Ce sont des enfants à partir de 3 ans qui font partie du groupe Baby Kung-fu. Je les fais travailler de manière très ludique, c’est surtout une formation d’initiation.
6 – Avez-vous déjà rencontré des Grands Maitres en Chine ?
C’est une occasion que j’ai ratée suite à mon accident. J’avais été sélectionnée pour participer aux démonstrations qui ont eu lieu lors des Championnats du Monde de Pékin en 2005. J’espère que ce n’est que partie remise, en tout cas, je m’en suis fait la promesse.
7 – Comment vous entrainez-vous ?
J’avoue que j’ai été autodidacte à certaines époques de ma carrière. Trop irrégulièrement coachée malgré mon palmarès. Jusqu’à 2006, je n’avais pas d’entraineur attitré. J’ai du travailler seule. Et j’ai choisi bien sûr une bonne hygiène de vie.
8 – Quelle a été votre dernier combat ?
J’ai combattu à Givors contre une concurrente qui était très bien encadrée. J’ai perdu mais je reste confiante et je sais que malgré le manque de soutien dans ma discipline, je n’ai aucun regret à avoir.
9 – Vous êtes huit fois Championne de France, et vous n’êtes pas soutenue par la Fédération Française ?
En fait je suppose que l’âge joue désormais. Et il y a le fait que le Kung-fu ne soit pas très bien reconnu dans le milieu sportif. Il y a aussi les différentes catégories qui comptent en fonction du poids. Lors des compétitions, je ne suis pas toujours retenue du fait de l’éloignement parce que je vis en Guadeloupe, et que je reviens trop cher à la Fédération. Par exemple à mes débuts, bien que j’ai été Championne de France c’est celle qui avait gagné la deuxième place qui a retenue comme telle. Il me semble qu’il y ait quelques disfonctionnements mais je n’ai guère le choix. J’ai du faire mes preuves plusieurs fois pour être prise en considération et intégrer l’équipe de France, en fait seulement à mon troisième tire.
10 – Et quel a été le rôle de la Région ?
Eh bien c’est un peu le même topo. Je ne me suis pas sentie soutenue par elle. Et, même si j’ai eu une prime de sportif de haut niveau, cela n’a pas changé véritablement mon statut. Par exemple j’apprends seulement parce que je me suis déplacée que j’ai droit à une autre prime depuis 2012. Cependant je n’aurai rien cette année parce qu’ils ont pour 2013 favorisé les plus jeunes. Je dois quand même souligner que la Ville de Basse-Terre reste mon principal soutien. C’est comme en 2007 où bien que je partais pour le Championnat du Monde, je n’ai obtenu aucune subvention. Rien n’a été aisé tout le long de mon parcours.
11 – Qu’est-ce que cela a toutefois apporté d’essentiel à ta vie ?
En fait je suis enseignante, responsable de la détection des jeunes potentiels en Guadeloupe. J’ai envie de venir en aide à ces jeunes qui ont de grandes possibilités et qui peuvent rencontrer quelques embuches. J’aimerais que ceux des nôtres qui arrivent dans ce monde ne subissent pas autant de difficultés que ceux de ma génération.
12 _ Quel est selon toi les choses à faire pour enrayer cette violence qui se développe en Guadeloupe et aux Antilles en général ?
C’est quelque chose de terrible. C’est là où le rôle des formateurs est important. On parle de la Guadeloupe comme d’une terre de champions. Il nous faut alors occuper nos jeunes, les former au sport, les intéresser aux différentes disciplines sportives qui leur permettraient d’une part d’être mis en valeur et surtout de leur permettre de participer à la vie culturelle de leur ville.
13 – Le sport est-il l’essentiel pour pallier à tous les maux ?
Oui je le pense, parce que le sport est un leitmotiv à tout âge quelque soit le profil. Par exemple je travaille sur le bien-être et la santé par le Kung-fu. Je m’occupe de femmes obèses. Elles ont un suivi avec des nutritionnistes, des kinésithérapeutes et surtout je leur donne l’occasion de se reconstruire grâce à la nature, et à des cours adaptés. Et je développe ceci pour les jeunes également pour les éloigner de la violence.
14- As-tu l’impression d’avoir atteint les étoiles, es-tu satisfaite de ton parcours ?
Je suis plutôt fière de mon parcours, surtout parce qu’il a été très atypique et que j’ai surmonté bien des obstacles. Le Kung-fu que je voyais sur le grand écran m’a apporté un certain bien-être physique et mental. Dès mon plus jeune âge, il m’a marqué et m’a porté jusqu’à aujourd’hui. Il fut le leitmotiv de mon existence et je remercie ma mère de m’avoir dès mon enfance emmenée voir tous ces films au cinéma.
15 – En conclusion, au-delà du Kung-fu quels sont tes hobbies ?
Eh bien il reste le point central mais j’aime chanter. Je fais quelquefois des spectacles de chants avec mon groupe de reggae. Je pratique régulièrement le Roller. Et puis j’ai envie de faire maintes choses. Ce qui m’importe c’est d’être un soutien pour tous ces jeunes de ma Région Guadeloupe en formation.
16 – Et, quelle est ta source d’énergie ?
Ma source d’énergie est ma Guadeloupe. J’ai fait le choix d’y rester même si cela a été difficile quelquefois lorsqu’il fallait rester en France pour une meilleure considération. Je n’ai aucun regret, sinon de n’avoir pas eu le temps pour une victoire mondiale après ma blessure. Mais j’ai bien vécu cette vie de sportive et je n’en ai pas fini avec celle-ci (rires).
Univers Natachat Bounet
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Entretien avec Natacha Bounet
http://youtu.be/5iYx--QuGtg
Championnat de France 2012 de Wushu Sanda / Combat détection -56kg Natacha - http://youtu.be/xSyrI9vM24E