« Je suis Fabrice di Falco, Martiniquais né d’une mère de Fort-de-France et des Trois-Ilets, d’un père Italien de Florence. J’ai une voix qui rappelle celle des castrats, la voix en fait de sopraniste pour l’époque baroque et aussi de contre-ténor. J’ai fait toutes mes études de musique à la Martinique grâce à Gisèle Obéric, professeur de Musique au Lycée de Bellevue. Un jour Maurice Alcindor, grand artiste et animateur radio m’a permis de faire ma première émission dans « Palé pa ni séson ». Ensuite après mon bac A3 Lettres et Arts, j’ai rencontré Barbara Hendricks, la cantatrice soprano américaine, venue donner un récital au SERMAC en 1992 sur l’invitation de son directeur Jean-Paul Césaire.
Ce dernier m’a recommandé à Barbara Hendricks qui m’a entendu avec gentillesse à son hôtel et m’a conseillé de me rapprocher de son ami Francis Bardot au vu de ma voix hors du commun selon elle. Francis Bardot était alors le directeur du Chœur d’enfants de l’Opéra de Paris. Cependant, la chance est encore au rendez-vous puisque Francis Bardot l’année suivante donne un grand concert Mozart en Martinique accompagné par Madame Christiane Eda-Pierre, soprano française d’origine de la Martinique. Celui-ci m’a auditionné et m’a dit qu’il était spécialisé des voix d’enfants, et m’a conseillé de prendre des cours avec une de ses amies, Soprano et professeur émérite au Conservatoire Nationale de Boulogne-Billancourt. J’avais également été entendu à cette même époque par Madame Christiane Eda-Pierre, qui m’avait plutôt dirigé vers le professorat n’ayant pas à ce moment là une grande confiance en ma voix comme chanteur d’opéra. Je dois toutefois concéder à cette grande artiste que quelques années plus tard après avoir vu un de mes concerts enregistré à la Salle Gaveau, elle m’a téléphoné pour me féliciter et me dire que j’avais fait du chemin depuis cela. A son corps défendant, quand elle m’avait entendu j’avais à ce moment là enregistré un disque avec Annick Ozier-Lafontaine, elle avait certainement écouté d’une oreille très peu attentive. Elle avait peut-être pensé que cet album « Où est passé l’amour » était interprété par un chanteur à moitié lyrique et baignant dans une culture qui n’était pas pour elle de la musique classique. Elle m’a alors confié elle-même que j’avais eu raison de n’avoir pas écouté son conseil de professorat et d’avoir suivi le chemin que Barbara Hendricks m’avait tracé.
A la suite de mon Prix au Conservatoire de Boulogne-Billancourt, encore en Martinique, en vacances lors d’un concert que je donnais à la Cathédrale Saint-Louis de Fort-de-France, j’ai rencontré la mère de celle qui deviendrait mon agent. La mère d’Esther Schollum, Autrichienne était en vacances avec ses élèves, elle-même étant professeur de Français à Vienne. Le hasard a fait qu’elle m’ait donné les coordonnées de sa fille qui depuis près de 2O ans est mon agent.
Mon premier album a été enregistré en 1993, suivi par un disque en 1999 avec des musiques religieuses. Mais je ne me suis pas spécialisé à un style musical. J’ai entre autres enregistré aussi bien en soliste que dans un chœur d’opéra. J’ai aussi bien fait des disques baroques avec Jean-Claude Magloire. Des musiciens contemporains ont eu envie d’écrire pour ma voix, et j’ai fait du Jazz. Manu Dibango m’a d’ailleurs en mars 2OO1, demandé de faire sa première partie à l’Olympia. Je me suis même offert le luxe de chanter avec Césaria Evoria dans un lieu de Jazz.
Et 2O ans plus tard, me voilà dans une formation originale où je mélange enfin la musique antillaise et la musique italienne. Le Di Falco Quartet que j’ai créé me permet d’évoluer dans un écrin de talents tels que Jean Rondeau, pianiste, Erwan Ricordeau le Contrebassiste et Aurélien Pasquier percussionniste. Avec cette équipe, je peux chanter qui je suis, chanter mes origines parce que le milieu de l’Opéra a tendance à oublier que je suis Noir et de Martinique préférant souvent garder l’idée que je suis Italien. Ce Di Falco Quartet me permet de sortir ma carte d’identité qui témoigne que je suis aussi Antillais qu’Italien et vice-versa avec cette musique de métissage.
Cependant je n’abandonne pas l’opéra, encore moins la musique baroque, ni le jazz. Je me suis même mis au slam. J’ai créé un duo avec Capitaine Alexandre. Un Slam Opéra « Avé Césaire » qui sur l’invitation de Greg Germain à Avignon sera à la Chapelle du Verbe Incarné, au Festival Off en Juillet en hommage à Aimé Césaire.
Petit à petit, j’essaie que ma voix puisse servir tous les publics, tous les styles musicaux. Je tiens à ce que ma voix rentre aussi chez ceux qui n’ont pas les moyens d’aller à l’Opéra. On dit que celui-ci est cher, mais il n’y pas de raison que cette musique ne soit écouter que par les riches. Je veux que ma voix soit aussi bien pour les riches que pour les pauvres.
Farinelli Il Castrato with di Falco's voice:Cara Sposa ( Rinaldo ) - http://youtu.be/LT73b1oSndw
Aimé Césaire Opera Slam - http://youtu.be/4BNag6s4DyA
Fabrice Di Falco à voix haute !
Deux questions pour mieux connaître le Sopraniste Fabrice di Falco, rencontré il y a peu au dernier Zénith de Kassav chantant et dansant avec ferveur. Et suite à notre rendez-vous pour une interview après avoir honoré la comédienne Martiniquaise Jenny Alpha.
Outremerlemag - As-tu jamais songé à enregistrer avec un artiste de Zouk ?
Oh que oui ! Je suis né avec le Zouk, de la période de Malavoi et Kassav. Je suis de cette génération qui a dansé, chanté et lové sur cette grande musique. Il y a deux chanteuses avec qui j’aurais aimé partager ma voix. Il y a Edith Lefel qui malheureusement nous a quitté trop tôt. Le Di Falco Quartet lui rend d’ailleurs hommage en interprétant « Mon Ange ». Mais par chance Jocelyne Béroard, que je viens de voir au Zénith, est dans une forme magnifique. J’en ai parlé lors du Festival de Cannes à Jacob Desvarieux, en montant les marches au côté de la réalisatrice Euzhan Palcy pour le film Siméon. J’ai dit à Jacob « à quand une voix d’opéra qui se mélangera à Kassav, deux voix féminines Jocelyne Béroard et moi-même se métissant pour une belle ballade ? ». En écoutant Jocelyne chantant avec grâce deux chansons romancées, je me suis dit qu’une voix lyrique et son timbre serait une belle fusion de deux mondes. Et ce serait avec plaisir, même gracieusement que je mélangerai ma voix à celles de Kassav. L’opéra et la musique de notre peuple que sont celles de Kassav seraient une expérience extraordinaire, parce que lorsque l’on est passionné, on a le devoir d’offrir quelque chose aux autres.
En parlant de grandes dames artistes, que peux-tu nous dire de ton amie Jenny Alpha dont on vient d’inaugurer la Place qui porte son nom ?
Jenny Alpha est ma grand-mère adoptive. Je l’ai vu pour la première fois en compagnie de ma mère dans le rôle de Nanon. Sous l’invitation d’Alain Guédé, nous étions allées écouter le Chevalier de Saint-Georges. Lorsque j’ai vu la fusion de Nanon et son fils, alors que ma mère et moi vivons cette même fusion, j’avoue que cela m’a interpellé avec grande émotion me rappelant le même duo que je vis avec ma maman. Suite à ce spectacle je suis allé la féliciter. En quittant le théâtre, devant rentrer dans le 15ème arrondissement, nous nous sommes rendus compte que nous allions vers la même destination. Nous avons alors partagé un taxi, dans lequel nous avons bien sûr discuté, et nous sommes devenus de grands amis. Jenny était quelqu’un de merveilleux, ce n’était pas une vieille dame, elle avait toujours 18 ans, et une lumière extraordinaire dans le cœur. Elle est venue me voir plusieurs fois au théâtre. Se déplaçant jusqu’à l’Opéra de Lyon pour me voir chanter dans les Nègres de Genêt qu’elle avait d’ailleurs interprétée au Théâtre. Lors de son décès, j’ai voulu chanter devant son corps pour l’honorer, et non pas sur les marches de la Madeleine comme un chanteur lyrique. Elle est encore vivante aujourd’hui grâce à cette place qu’on lui dédie dans ce 15ème arrondissement où elle a tellement aimé vivre. J’aurais cependant souhaité qu’un hommage lui soit rendu par quelque partie politique lors de son vivant, c’eut été judicieux pour elle parce qu’aujourd’hui c’est nous qui, égoïstement, profitons de ce bonheur. Et enfin, nous étions liés par cet amour du chant, de la comédie du théâtre et de la danse. Mais sur cette plaque, il me semble qu’il manque quelque chose. J’aurais aimé lire « Jenny Alpha Comédienne Musicienne Française, « Figure de la culture créole ». Si je suis étranger et que je passe devant cette plaque en lisant juste « Jenny Alpha comédienne chanteuse, Figure de la Culture Créole » , je peux penser qu’elle n’est pas française. Alors qu’Anne Hidalgo n’a pas cessé dans son discours de dire qu’elle était une grande parisienne. Il manque le mot que la Droite et le France a oublié, il aurait été alors intelligent de le rappeler en leur donnant leur identité. Je suis sûre et certain, je l’espère que ce manque sur cette plaque ne sera que provisoire.
Di Falco Quartet chante Edith Lefel: Mon Ange - http://youtu.be/8__frpqr9MM
Organiser le temps - Performance artistique de Fabrice Di Falco - http://youtu.be/nVc1xbwgobo