France Zobda : Eh bien oui, notre nouveau projet tourne autour d’un Family Show, un concours national que nous avons inventé pour la circonstance. Un show qui réunit des familles, parce que nous avons constaté que depuis longtemps les gens ne se réunissent plus guère, alors qu’avant ils se retrouvaient autour d’un « domino », de « petits-chevaux », d’un « Monopoly ». Les traditions se perdent et ils ne pensent plus ensemble. Les grands-parents partent en croisière, les parents font leurs vies, les jeunes sont absorbés par leurs « Playstation » et les plus petits pensent qu’on les oublie. On a eu envie de réunir ces familles autour d’un même dessein, et cela à travers un projet musical et chanté. Ce fut un véritable challenge parce que l’on a dû former les comédiens au chant – même à chanter en créole pour certaines scènes – et à la danse pour ceux qui ne savaient pas bien danser. C’est j’espère le début d’une grande aventure qui réunit deux foyers. Le premier est créole : les Clément sont incarnés par Firmine Richard, Nadège Beausson-Diagne, Cyril Guei, Sohé Monthieux et le jeune Azize Diabaté. L’autre est métropolitain : les Rioux, formé de Danièle Evenou, Jackie Berroyer, Karina Lombard, Guillaume Cramoisan, la petite Cassiopée Mayance et l’adolescent François Deblock.
M. M.-F. : Quel est le thème de cette fiction ?
F. Z. : En fait les deux familles vont se réunir, concourir à ce Family Show et essayer de gagner avec des chansons qui sont des tubes populaires. Ce qui nous importait c’était que les spectateurs s’identifient rapidement à ces musiques. Le scénario a été écrit en ce sens, mais nous avons voulu mettre en lumière que le fait de se réunir, engendre souvent des conflits. Des secrets sont révélés, des différences sont mises en avant. On se retrouve face à des jeunes mal dans leur peau et à des adultes qui se posent des questions sur leurs rôles d’éducateurs. Toutes ces personnes, de générations différentes, se posent et posent des questions. Elles attendent aussi des réponses les unes des autres pour mieux vivre ensemble.
M. M.-F. : Pourquoi avoir choisi d’en faire une fiction musicale ?
F. Z. : La musique parce que nous voulions que cela soit festif, que cela adoucisse les mœurs comme on dit. Malgré le fait que l’on raconte des discordes et des soucis. Nous voulons transmettre de la bonne humeur, tout simplement du bonheur. Il fallait que cette joie soit transmissible au public et à ceux qui voudraient y participer si la série continue.
M. M.-F. : Mais là, avez-vous choisi sciemment de mettre le doigt sur un fait de société celui de l’éclatement des familles ?
F. Z. : Notre travail chez Eloa Prod, coïncide souvent avec des évènements précis qui ne sont pas anodins. Il y a eu durant le Toussaint Louverture la triste nouvelle du séisme à Haïti, ou le changement de statut de Mayotte qui est devenu un département Français pendant un autre tournage. Nous sommes en phase avec cette vie quotidienne. Nous avons pensé et trouvé essentiel de travailler atour du thème de la recherche de cohésion familiale. Raconter l’histoire de deux familles dont les membres se ressoudent quoi de plus naturel et exaltant ? Dans nos cultures antillaises, cette tradition familiale a longtemps été capitale. Elle l’est encore d’une certaine manière. Il nous fallait mettre cela en lumière, que cette vertu altruiste retrouve sa place. Tout ce qui reste quand « tout fout le camp » c’est cette solidarité, cette solidité de la « tribu ». Nous observions ce malaise, il était donc primordial d’essayer de transmettre un peu d’espoir.
M. M.-F. : Comment avez-vous réussi à réunir ce casting exceptionnel ?
F. Z. : En effet nous avons un casting de rêve : Danièle Evenou qui revient formidablement avec beaucoup de bonheur, Firmine Richard, Cassiopée Mayance, huit ans seulement, que l’on va découvrir, Nadège Beausson-Diagne, et Eric Vieillard qui était Monsieur Santonax dans Toussaint Louverture. Cyril Guei que l’on a vu dans Un bonheur n’arrive jamais seul, le jeune Azize Diabaté de La Cité Rose et Karina Lombard plus connue sur les séries américaines comme NCIS ou 44OO. Et tous les autres qui ont un talent fabuleux et qui vont tous chanter en créole, et là c’est une gageure.
M. M.-F. : Justement comment les avez-vous convaincus de jouer dans une histoire mettant les Antilles en avant ?
F. Z. : Ce qui les a touchés, c’est l’ambition du projet : cette ouverture sur le monde. A la lecture du scénario ils étaient tous heureux de cela et surtout on leur demandait d’aller vers le chant et la danse et ce fut là un atout. Les comédiens ont tout de suite été convaincus par le propos du scénario qui est de raconter l’histoire de ces deux familles dans un melting-pot qui est celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Je pense d’ailleurs que le public est également prêt pour une fiction mettant en avant cet aspect de notre société.
M. M.-F. : A Eloa Prod, qu’est-ce qui vous fait passer d’un genre à un autre, tellement distinct ?
F. Z. : C’est une volonté chez nous d’amener des caractères et des histoires différentes. Nous avons besoin de légèreté pour certains faits. Ici le choix a été de montrer nos cultures intégrantes, dans la société, avec humour. Mais nous nous devons de parler de l’histoire avec un grand H, parce qu’il y a le devoir de mémoire. Pour certains sujets nous faisons alors des piqûres de rappel, il nous faut transmettre. Comme pour le projet sur Aimé Césaire à tourner pour France Ô, nous tenons à raconter nos grands hommes et dire que l’on ne doit pas oublier certains leaders de l’histoire de France. Nous sommes surtout à la recherche de sujets quels qu’ils soient : comédie ou tragédie. Ce qui compte c’est comment les traiter : les prendre à contrepied ou de façon frontale ? L’intérêt c’est d’aller jusqu’au bout de nos réalisations.
M. M.-F. : Il y a quand même le « nerf de la guerre », comment cela se passe-t’il ?
F. Z. : Nous avons pour le moment la chance d’avoir France Télévision qui nous suit assez régulièrement pour nos fictions. C’est plutôt bien même si on a le sentiment d’avoir trop d’ambition par rapport aux moyens financiers qui nous sont donnés. Ce que l’on veut faire c’est prouver qu’avec ce que l’on nous donne on arrive à bien produire. Le film sur lequel nous travaillons actuellement en est l’exemple. Alors que nous allons tourner sur un Monsieur comme Césaire, nous avons eu des difficultés à trouver de l’argent pour cette entreprise d’envergure. Nous tâcherons malgré tout d’en tirer quelque chose de grande dimension. Mais il est vrai que le « nerf de la guerre » est pesant et le plus difficile à trouver. Nous avons l’envie de revenir avec un long métrage mais nous réalisons toutefois que là si on ne dispose pas du ticket d’entrée dans le « Club des élus », il est difficile d’obtenir des finances. Cependant nous avons réussi à faire nos preuves, c’est un nouveau combat qui débute et cela ne nous effraie pas. Nos projets sont engagés et sont de conviction, et cela nous a ouvert les portes de cette famille du cinéma qui nous reçoit avec respect. Certains estiment notre travail même si nous devons toujours démontrer ce dont nous sommes capables.
M. M.-F. : De temps en temps, la productrice laisse t’elle la place à la comédienne ?
F. Z. : Depuis cinq ans je me suis privée pour réussir dans ma fonction de productrice et obtenir la reconnaissance des gens du métier. Je tenais à faire mes preuves, à ne pas être une comédienne qui se sert dans ses productions. Cela étant fait, je repars sur les sentiers de l’actrice. Je viens de participer au tournage de La Smala avec Michèle Bernier pour France 2. On vient aussi de me proposer un petit rôle dans un long métrage que j’ai accepté avec plaisir. La chance que j’ai aujourd’hui c’est de pouvoir choisir, de ne pas avoir à attendre que mon téléphone sonne. C’est un véritable luxe qui me permet de rester active, et d’être toujours quelqu’un qui engendre les thématiques, d’être en amont et non en aval des projets.
M. M.-F. : En conclusion comment vendre votre Family Show ?
F. Z. : Je dirai, regardez le Family Show, il vous donnera l’envie d’être en scène quand vous serez en famille et vice-versa, d’être en famille quand vous serez sur scène. Et si la sauce prend ce sera grâce à vous.
Pour mieux connaître France Zobda – Comédienne et Productrice, née à la Martinique.
Emission
*Aux Bons Souvenirs France Zobda - http://youtu.be/2jdPZpkCSpA
Cinéma
* L’Exil du Roi Béhanzin – film de Guy Deslauriers BO Jocelyne Béroard - http://youtu.be/znq0H0YeMbQ
Télévision
*SOS 18 - http://youtu.be/nmvcTs6yYcY
Productions d’ELOA PROD – www.eloaprod.com
*Les amants de l’Ombre avec Anthony Kavannah -http://youtu.be/uzyODC6QEw8
*Fais danser la poussière adapte du livre de Marie Dô (ancienne danseuse de Alvin Ailey - http://youtu.be/ybrYXUN8API
*Toussaint Louverture avec Jimmy Jean-Louis - http://youtu.be/4bw2W4ssgT4
Patrick de Lassagne - scénariste et dialoguiste |