1.« Sonjé » est le titre du 16ème album Kassav, pourquoi ?
La raison principale est qu’il est le premier depuis la mort de Patrick, il était normal qu’on lui rende hommage. Sonjé c’est aussi donner une part au rêve, c’est croire que demain peut être meilleur. C’est donner une impulsion à nos vies. C’est aussi le temps de la réflexion. C’est se dire surtout que les choses sont possibles, c’est le « Yes we can » ! C’est surtout se rappeler qui nous sommes et ne pas se perdre.
2.Combien de temps a t-il fallu pour le «boucler» ?
On a commencé depuis juillet 2012 à écouter des bases rythmiques. Et le travail sur le cd et de studio a débuté en janvier dernier. Le mixage s’est fait en Grèce à Santorin où il y un magnifique studio. Il était entièrement à notre disposition, on y a logé pendant tout le temps du mix, ce qui nous permettait de rester ensemble. Partager la même table, Georges (Décimus) cuisinait, de temps en temps on allait au restaurant. On regardait la côte, la mer ensemble et cela change tout.
3. Le nouvel album contient 12 titres, quels sont ceux que tu as écrits ?
J’ai écrit les trois titres que je chante, et un texte pour Jacob.??
4. Mawonaj ! Cela signifie t-il que l'engagement culturel de Kassav est toujours lié à l'histoire de nos archipels ?
Mais bien sûr, on vient de là on ne peut se séparer de nos identités. Mawonaj parce que aujourd’hui c’est « tendance ». On m’a dit par exemple que Kassav ne faisait pas une musique majeure, j’avais envie de dire mais qu’est-ce qu’une musique majeure ? Je connais les gammes majeures ou mineures et il y a simplement une musique qu’il faut arrêter de stigmatiser. Et ici, en France on a trop l’habitude quand on ne comprend pas une culture de la confiner dans le grand panier de la world music. Nous avons choisi de ne pas faire de compromis, et de façon volontaire on « mawone » toutes les tendances, tous ce que l’on veut nous imposer, notre musique est belle et forte, et nous continuons à la défendre. C’est notre façon de « marronner ».
5. Les concerts « Zénith » sont pour toute l'équipe un super rendez-vous, comment t’y prépares-tu ?
On est sans cesse, extrêmement occupés par les répétitions, je ne suis pas disponible pour l’instant. On s’y prépare déjà musicalement, il y a la promo pour le dernier « bébé ». Je commence seulement à penser aux tenues de scène, mais je serai dans l’urgence comme d’habitude (rires).
6. Kassav ! Ce sont des chiffres étourdissants entre albums et concerts, l’aurais-tu imaginé lors de ton arrivée dans ce groupe ?
Peut-être mais je ne me souviens pas vraiment y avoir pensé, en avoir rêvé. Au départ on espérait que nos chansons plairaient au public. En 1982, ça a commencé doucement avec « Zanmi calculé » et en décembre1984 quand l’album de Jacob Desvarieux et Georges Décimus est arrivé, c’était la folie et l’adhésion de tous. Ce qui importait c’était de satisfaire notre public, les nôtres en particulier.
7- Que représente pour toi la maison du Zouk inaugurée en Angola ?
Jacob peut mieux y répondre. Je ne l’ai pas encore vue c’est lui qui nous a représenté lors de l’inauguration. Mais il y a eu déjà des maisons du Zouk ou nommées Kassav en Afrique* et je trouve fabuleux que cela.
8- Vous n’arrêtez pas de tourner et Sonjé vous remet à nouveau sur les routes du monde ?
Comme dit Jacob notre tournée est à 70%/80% à l’étranger*. On est le groupe français qui se produit le plus hors de nos frontières. Depuis 20 ans nous sommes toujours dans des avions. On n’a pas cessé de voyager. Nous tournons dans les villes de France hexagonale surtout lors des sorties d’album.
9- Quels sont tes derniers film et pièce vus, le dernier livre lu ?
Le dernier film c’est Flight avec Denzel Washington. La pièce je l’ai vu au Théâtre Aimé Césaire en Martinique il y a quelques temps. Quant aux livres, je bouquine plusieurs à la fois dit-elle en riant. Je lis un pavé sur l’empathie « Une nouvelle conscience pour un monde en crise », un autre plus facile « La Liste de mes envies *» qui raconte l’histoire d’une femme qui a gagné une énorme somme au loto, au départ elle le cache à tout le monde parce qu’elle est en panique. Et je vais certainement me plonger dans IQ84. En fait, c’est au hasard de mes envies dans l’avion que je choisis celui que je vais lire.
*La liste de mes envies de Grégoire Delacourt – Adapté pour le théâtre par Anne Bouvier - http://youtu.be/TffCcm5MXD4
*Kassav en Afrique – Extrait B.World Connection - http://youtu.be/7o3R0a3ynWE
*A l’étranger - Kassav performing live @ Prospect Park in Brooklyn NY - http://youtu.be/ASj8kOtJCkg
Jocelyne Béroard et nos « webzineurs »!
La Rédaction a donné l’occasion à quelques fans de Kassav de poser quelques questions à Jocelyne Béroard, et c’est avec plaisir qu’elle y a répondu sans détour.
Gaël
Comment expliques-tu l’exceptionnelle longévité de kassav et de son inspiration créatrice ?
L’exceptionnelle longévité est due au fait que nous aimons faire cette musique ensemble. Nous n’avons pas été un groupe qui à rejouer les musiques des autres. Nous avons créé un style et nous l’avons vu naitre et évoluer. On a créé un style et cela créé des liens. Nous avons donné de l’importance qu’à cela et non aux choses futiles qui auraient pu provoquer la scission du groupe. Nous apprenons les uns des autres. Nous avons appris chacun des autres tant au vue des caractères ou musical. On se complète assez. Quant à l’inspiration qui touche encore les gens, c’est que nous parlons réellement de nous, nous sommes Antillais, nous avons une base rythmiques et même si on a invité les autres cultures dans notre musique la nôtre et nos origines comptent par dessus tout. Nous sommes conscients de la richesse de nos cultures, nous y mettons tout notre amour et notre énergie.
Comment est apprécié Kassav par des non antillais par rapport aux Antillais, mieux pareil ou moins bien ?
En fait ça dépend des gens, il y des gens qui rythmiquement nous ressemblent comme en Afrique, en Amérique du Sud ou dans le bassin caribéen, c’est un peu difficile pour les Européens.
Geneviève
Si un de tes grands parents revenaient selon toi qu’est-ce qui les stupéfieraient dans ce monde moderne ?
Ah, s’il s’agit des Grands-parents, ce serait probablement Internet et l’ordinateur. Pouvoir communiquer avec des gens qui sont au bout du monde, voir leurs images à travers l’écran, tout ça est fabuleux. Ma mère à une époque était étonnée, et n’avait jamais imaginé qu’à travers un fil on pouvait parler à quelqu’un. Et même si ça semble si aisé aujourd’hui.
Maintenant il est recommandé de porter une valise de 23kg dans les airs, comme cadeau pour les êtres chers que mets tu dans ta valise ?
Les êtres chers, je les ai énormément gâtés (rires). Et comme j’ai beaucoup de choses je leur ai dit maintenant c’est fini. Quand je peux je prends. Il y en a certains qui font des collections d’assiettes par exemple, quand je suis dans un pays nouveau, je vais prendre une petite assiette du pays et des choses plus petites. Maintenant il y a des petits-enfants, je choisis les vêtements qui sont plus légers.
Emilie
Quelle est ton plus beau souvenir d’enfance ?
Mon plus beau souvenir d’enfance (réflexion)…Peut-être quand j’ai gagné la première fois une compétition de natation. Mais j’en ai tellement, j’ai des souvenirs d’enfance très heureux, toutes les fêtes familiales pour moi sont d’excellents souvenirs.
Si tu as un regret quel est-il ?
Le regret évidemment de ne pas avoir eu d’enfant bien que je m’en sois guérie aujourd’hui.
Patricia
Si tu devais vivre une autre vie que changerais-tu ?
Mon caractère peut-être (rires). Je suis trop spontanée, je m’énerve un peu trop vite. J’essaie d’avoir de la rigueur mais quelquefois on en a plus pour les autres que pour nous-mêmes.
(Plus légèrement) Je suis contente d’avoir mes deux jambes et en bon état mais j’aurai tendance à dire que je leur donnerai une plus jolie forme. (éclats de rires).
Thierry
Que penses-tu d’une émission comme the VOICE aux Antilles avec des chansons de notre patrimoine ?
Ce serait pas mal mais les jeunes connaissent-ils assez bien les chansons du patrimoine ? J’ai participé il y deux ans à un concours de chants, en tant que jury et je leur ai demandé de bien choisir des chansons qui ont de vraies mélodies. Parce qu’ils chantent « a cappella » ou juste accompagnés d’un piano. Et cela est une véritable difficulté. En écoutant le deuxième album d’Empreintes, on se rend compte combien Fernand Donatien est une grande figure de notre musique. Non seulement ses mélodies sont peaufinées note par note mais ce sont véritablement des exercices vocaux pour arriver à les chanter. De plus ses textes sont d’une telle beauté et c’est dommage que nos jeunes passent à côté de cela. Ce serait l’occasion de les encourager à aller fouiller dans cet héritage, il faudrait aussi leur choisir des chansons, parce qu’il y a des merveilles dans tout cela.
Comment vois-tu l’évolution de Kassav, qui reste pour nous le groupe mythique à l’instar des groupes anglophones ?
Quand on vit la chose on ne le voit pas clairement, ce sont surtout les autres qui le disent. Il y a eut cette période d’engouement, parce que c’était nouveau, ça surprenait et rendait fiers. Les gens s’y sont habitués et il y a l’attitude de dire « oui ils ont eu un parcours exemplaire, oui ils nous représentent » mais ça ne signifie pas qu’ils aiment nécessairement nos disques. Malgré tout il y a la reconnaissance que le travail de Kassav est essentiel, qu’il a permis d’ouvrir des portes. Que l’existence du groupe a fédéré et permis la réunion de gens différents.