Culture

jeudi, 21 mars 2013 04:36

Bruno Henry

Parle-moi un peu de toi, de ton parcours ?
Après avoir quitté l'école volontairement avec mon BEPC en poche, je me passionne pour la danse de rue : Jazz-Rock.
Je passais ma vie en boite de nuit au grand désespoir de ma maman et de mon « daddy « qui me disaient sans arrêt que je foutais ma vie en l'air, car en plus je traînais, plus je galérais. Au bout d’un temps, je n’en pouvais plus. J’ai quitté de mauvaises fréquentations, et me suis engagé dans l'armée 18 mois. Je voulais repartir d'un bon pied et revenir en France, afin d’attaquer une solide formation de danse car c'était ma passion.


Pour pouvoir me payer mes cours de danse, j'ai fait plein de petits boulots. J’ai fait de la manutention, j’ai distribué des prospectus dans des boîtes aux lettres. J’ai aussi vendu des bouquins sur la culture antillaise, mais j'ai vite arrêté. J'avais un dialogue appris par cœur  pour vendre une collection de livres super chers à des familles qui n'avaient pas d'argent et je détestais ça. J'ai vendu des fringues dans des magasins, puis j’ai fait le barman en discothèque. Mais en enchainant tous ces boulots, je n’avais plus le temps de travailler sur ma véritable passion. J'ai tout stoppé pour faire le ménage dans l'école de danse ou je m'entraînais, et cela m’a permis de participer gratuitement aux cours. Une grande aide me venait aussi de ma grande sœur Nina, qui me glissait un petit billet chaque matin pour que je puisse manger.
Des professeurs de danse comme Lucienne Denance, Françoise Raquin, Rick Odums, Stephane Wenta, Reney Deshauteurs  ont cru en moi et c'est comme ça que je suis devenu professionnel.
J'ai dansé pour la télé, dans des clips (très joli souvenir avec Joelle Ursulle), mais également pour des défilés dansés, compagnies de danse jazz et de danses africaines. Après toutes ces expériences,  je suis devenu chorégraphe : TF1 (Jean-Pierre Foucault), France 2 (Jacques Martin) France 3. J’ai également crée des chorégraphies pour Ricky Martin, Istar, Billy Paul.

 

 

Après la danse pourquoi avoir choisi le théâtre ?
En étant chorégraphe, un prof de théâtre, Dominique Viriot a demandé à une de mes danseuses à l'époque, que je la mette en scène pour un examen de cours. J'ai accepté et ça a fait un carton. A la suite, Dominique m'a dit « tu t'inscris quand ? ». Je lui ai répondu « demain ». C'est comme ça que l'aventure en tant qu'acteur à commencée

 

Que représente pour toi le fait de jouer au théâtre ?
Le théâtre est une jouissance directe avec le public. Un partage d'émotions que l'on reçoit à travers les rires, les pleurs, les silences, les applaudissements. C'est du « one shot ». Et même si tu te trompes ou si tu as un trou de mémoire, tu ne peux rien pas refaire ta prise comme au cinéma. Le théâtre, c'est du brut, du vrai, du concret.

 

Quel est ton ressenti en tant que comédien d'origine antillaise ?
Je suis particulièrement fier d'avoir eu l'honneur d'interpréter Aimé Césaire sur scène dans une mise en scène de Lucette Salibur: Trois feuilles, trois Racines (sur la scène nationale de Guadeloupe).
J'ai joué aussi le rôle d’Hypolite, le cambrioleur, dans la version française de la  pièce de Jean-Pierre Sturn : « Ma Tatie Alfred » (Makoumin Alfred).
En tant que comédien NOIR  Antillais je trouve que nous ne sommes pas assez représentés. A chaque rentrée théâtrale on est souvent absents. Au cinéma ça commence à bouger. En publicité heuuuuuuuuuuuu ? Quoi comment ? Ou si alors pour des produits exotiques. Et pour les Antilles ou L'Afrique. Pourtant on fait parti de l'histoire française et de la France mais uniquement quand il y a une spécificité. Quand on est bien sous tous rapports c'est le français un tel mais dès qu’il y a le moindre souci ça devient le Martiniquais, ou le Guadeloupéen. Nous on ne change pas, on garde nos valeurs, nos racines, nos ancêtres (pas ceux que j'ai appris à l'école), pas besoin de s'intégrer puisse qu'on est Français. Mais souvent c'est le regard de l'autre qui change. Il faut montrer parfois «  patte blanche ».
Je parle créole, je cuisine créole (merci maman) mais je n'ai pas d'accent dans ma voix. Au téléphone avec mon nom bien Français, Bruno Henry, c'est facile. Les  gens ne me voient pas, je parle bien français pour un noir (chose véridique qui m'a été dite). C'est quand tu vas au devant des gens que les choses changent. Mais bon ça évolue. Et pourquoi ? Parce que je ne suis pas une victime et que je suis fier du pays d'ou je viens. Je suis fier aussi du pays ou je vis. Le métissage est une force, les échanges sont une force. La découverte de l'autre, le partage, la liberté. Tu peux avoir des convictions mais surtout ne pas juger trop vite et surtout ne pas avoir peur d'une couleur. Car à l'intérieur c'est une même couleur de sang. Un même squelette. On peut être très deux et très proches.

 

Y'a t'il selon toi un théâtre noir ? Au lendemain du décès d'un des fondateurs de la première troupe de comédiens noirs, Robert Liensol, quel avenir a, selon toi, le « théâtre noir » ?
Je pense que oui, il y a un théâtre Noir. Je pense aussi que ce théâtre noir devrait attirer toutes les autres couleurs. A mon avis, le théâtre, ou toute autre forme de comédie, n'a pas de couleur. Jouer la comédie, c’est réussir à poser des émotions sur un texte. Certaines pièces sont issues d'histoires vraies, d’autres sont romancées. En ce moment je suis en tournée avec « Des Souris et des Hommes » de Steinbeck, une pièce qui se déroule lors de la récession aux Etats-Unis. J’interprète le rôle de Crooks, un palefrenier mis à l’écart de tout et qui passe ton temps à lire. C’est une histoire très profonde, portée par des mots puissants.
Pascal Antonini, metteur en scène, a craqué sur un texte de José Pliya « Parabole », qui se joue actuellement au Théâtre de Belleville.
Je pense qu'il y a des auteurs metteurs en scène comme Patrick Cheval-Edragas, Michelle Césaire, Lucette Salibur, Jean-Pierre Sturn qui font des choses pour la communauté ....Mais la plupart du temps les salles sont combles d'antillais. Ou sont les autres ? Et quand moi je vais au théâtre des autres, où sont les miens ?

 

Quelle est la place des acteurs et comédiens noirs dans le cinéma français ?
Le place des noirs devrait être comme celle des blancs, des chinois, des arabes, des juifs, et de tout être humain. Je prône l’égalité des chances pour la réussite. Oui, c'est encore utopiste mais on y arrive.
Par exemple, France Zobda et Jean Lou, de la société Eloa Production, se battent pour faire exister la communauté. Mais pour ne pas citer qu’eux, il y a aussi Fabrice Pierre, Euzane Palcy, Marie-José Allié, Osange Silou-Kieffer, Jean Claude Barny.

Considères-tu avoir de la chance de jouer régulièrement ou de collaborer à des films ?
La chance c'est toi qui te la créée. Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. J'ai du me battre pour m'en sortir et je continue à le faire, mais pas dans la haine. Je ne reste pas en attente de quelque chose. Je ne me positionne pas en victime, et je crois en moi, en mon talent. Je crois aussi aux autres, l'amour de l'autre est dans mon cœur. Le partage, la générosité sont des convictions très importantes pour moi. Et surtout j'adore me mettre à nu dans des rôles. Alors oui, je travaille, mais je ne suis pas seul. Il y en a d'autres de bons: Lucien Jean Baptiste, Edouard Montoute, Alex Descas, Firmine Richard, Greg Germain, Marc Grossy, Joséphine Joseph.

 

Quel jugement portes-tu sur la grande famille du cinéma ?
Je ne veux pas être juge, j'ai juste envie de dire : soyons unis et forts, il y a de la place pour tout le monde. Ecrivez des rôles pour des acteurs, et non pour une couleur. Arrêtons avec le mot « bankable ». Nous sommes des artistes avant d’être des « people ».


Certains comédiens noirs se tournent vers le stand up ou l'humour, est-ce vraiment la bonne attitude ?
Artiste rime avec liberté d'être. Le principal étant d'être heureux dans son art quel qu'il soit.

 

Quelle est ton actualité en ce moment ?
J'ai quatre longs métrages en post-production:
« Dealer » de Jean-Luc Herbulot,  « L'Engagement 1.0 » de Stéphane Guénin, « W.A.K.A » de Françoise Ellong et « Etre » de Fara Sene. Deux Clips tournés à Los Angeles, tous les deux en post-prod aussi. Je suis aussi en préparation d'un court-métrage  pré-acheté par France2 avec le CNC, "Poussières" de Daniel Metdge, et d’un tournage Eloa Prod pour France2 "Family Show". En ce qui concerne le théâtre, je prépare la pièce « Carré Noir Carré Blanc » de Maryline Mahieu. Je suis en tournée depuis trois ans avec « Des Souris et Des Hommes » de Steinbeck, que nous avons joué aussi au Théâtre D'Aimé Césaire à la Martinique, et que nous aimerions bien jouer en Guadeloupe et Guyane.
Un spécial Coup de Coeur à Ephrem Youkpo, Maman , Dada, Anjaya, Mamino, Ranya et toute ma Famille que j'aime.

 

Bruno Henry / Actor
+33 6 14 65 30 11
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http://vimeo.com/47996747

Crédit photo: © William LET

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