Culture

jeudi, 07 mars 2013 05:00

Keen de Kermadec – le Cinéma en plein Coeur !

Lorsqu’il y a plus de 20 ans, j’ai vu marcher pour la première fois Keen de Kermadec, c’était sur les planches du Zénith lors d’un défilé d’une styliste talentueuse guadeloupéenne Patricia Procida. Grâce à sa plastique, elle aurait pu suivre un parcours plus aisé : celui du mannequinat. Elle a plutôt choisi la comédie, puis la réalisation de documentaires pour la télévision et enfin, a osé un premier film, « Coeur Chamallow ». Et ce fut un coup de maître.

Keen de Kermadec, comédienne, auteur, réalisatrice est originaire de la Guadeloupe. Sa première apparition remarquée date de 1998 dans le rôle de Camilla, une journaliste éprise d’un jeune Béké,Anthony Delon, dans la « Grande Békée » avec Lyne Renaud, réalisée par Alain Maline. Lorsque l’on songe à la « Grande Békée », on peut considérer que le sujet auquel le réalisteur de Jean Galmot s’attaquait est toujours d’actualité.
Même si l’histoire des Antilles et de ses différentes populations est mise en lumière, les rapports de classes sociales et de couleurs de peau subsistent. Tout nous prouve dans ce film que c’est dans l’union que nous pourrions mieux nous défendre, et quelquefois nous entendre.
Keen de Kermadec est femme d’images, elle a participé à des téléfilms, collaboré à des émissions télé sur la chaîne Voyage et en tant que chroniqueuse sur RFO.
Mais la jeune réalisatrice est une passionnée et une créatrice de cœur. C’est ainsi qu’elle s’est essayée à l’écriture menant à bien son projet, « Incivilités dans des quartiers dit sensibles ». « Un travail au côté d’adolescents qui m’a beaucoup enrichi. L’échange avec ces jeunes ont permis à deux d’entre eux de vivre aujourd’hui de leur métier au sein du cinéma » déclare la jeune créatrice. Cette expérience la conforte à s’associer avec Alain Maline pour la co-réalisation d’une série de documentaires sur l’écologie*. Enfin, sa toute première fiction : « Coeur Chamallow ».
Mais Keen de Kermadec est surtout une amoureuse du 7ème art et lorsqu’on l’interroge sur le rôle du cinéma antillais, voilà son ressenti.
Lorsqu’on l’interroge sur le reflet du cinéma antillais à sa terre natale, Miss de Kermadec répond sans langue de bois. « Je ne trouve pas que le cinéma antillais reflète le contemporain de nos terres natales. Exceptés les films « Nèg Marron » de Jean-Claude Flamand Barny, « Le Bonheur d'Elsa » de Mariette Monpierre, il y a eu également le « 30° Couleur » de Lucien Jean-Baptiste. Cela dit, j’ai peut-être oublié d'autres films, j’en suis désolée. Nous avons surtout tendance à voir des films sur le passé et sur l'esclavage par exemple.
Le passé est important, je le comprends bien mais notre présent est tout aussi intéressant. Nous avons nos propres imaginaires. Des récits à raconter, des histoires simples traitant de nos souffrances, de nos joies, de nos désirs, de nos richesses culturelles. Chez nous, il y a des auteurs talentueux. Il faut simplement unir nos talents pour offrir de belles oeuvres cinématographiques”.
Au cours de notre entretien en devisant sur le ciné, nous posant mutuellement des questions sensibles sur cet art là, Keen de Kermadec n’hésite pas à pointer du doigt certains points sensibles, et son impact au niveau national d’abord : « J'aimerai connaitre la solution, mais je n'ai probablement pas assez de recul. J'imagine que différents facteurs peuvent brider la production locale. Le nerf de la guerre reste toujours l'argent et comme nous sommes-les petits frères des pauvres-, c'est très dur de trouver les capitaux suffisant pour boucler nos budgets. Même si nos Régions se mobilisent, un film reste un investissement conséquent. Cette industrie coûte cher mais peut rapporter beaucoup aux régions. Il faudrait également que nos responsables de chaînes s’approprient de plus en plus des sujets dit "Exotiques".
Nous avons des choses à dire, des idées à défendre, des concepts qui plaisent, même en métropole. Nous manquons surtout de contacts, de relations dans l'industrie du Cinéma (producteurs, distributeurs, etc.) pour faire aboutir nos projets. C'est à ce niveau qu'il faudrait faire un réel travail ».

Notre interlocutrice nous fait encore remarquer combien il est difficile pour un jeune réalisateur ou producteur d’évoluer au sein de nos communautés. L’une des plus grosses difficultés est avant tout l’éloignement avec l’hexagone, territoire où tout se décide. Il est impossible de financer un film uniquement avec des capitaux locaux. Il faudrait s'associer à une production nationale, et là, débute la difficulté. Quand bien même votre scénario serait intéressant, difficile d'être crédible si vous n'avez pas la notoriété, le financement ou les relations. Quand on vient de loin, il faut se battre deux fois plus, parce que le combat est égal dans nos pays comme ailleurs, la valse aux projets en fait. C'est le meilleur qui trouvera preneur. Il nous faut sans cesse nous battre pour exister.

Je ne suis malheureusement pas devin, mais j'y crois fort. Il faut s'armer de courage, de patience, et garder espoir. Ne jamais faiblir. Créer permet de réussir, de défendre nos idées et ainsi produire nos propres films, grâce à des mécènes pourquoi pas. Il nous faut surtout cesser d’attendre des autres de croire en nos ambitions, oser écrire nos scénarios, réaliser et produire des films.

Propos recueillis par Migail Montlouis-Félicité


* Sauveteur de caoutchouc – Reportage réalisé par Keen de Kermadec pour universcience.tv - Des études menées en Guyane par le Cirad afin de mieux connaître le champignon qui décime l'hévéa, l'arbre à caoutchouc.

http://youtu.be/REkGaEa75YA

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