Sous ses dreadslocks naissantes, il y a une tête bien pleine. Et c’est de là qu’est sorti le concept du festival Éritaj, Mémoire vivantes. Cinq mois avant la 5e édition de ce rendez-vous culturel qui veut se distinguer, Laurence Maquiaba a présenté son bébé à un petit groupe de personnes dans ce restaurant de la Darse de Pointe-à-Pitre, bien connu pour son penchant pour la vie culturelle locale.
UN FESTIVAL POUR PARTAGER AUTOUR DE L’HISTOIRE
Femme dynamique et déterminée, Laurence Maquiaba affiche comme première compétence son identité : « Je suis Guadeloupéenne ». En réalité, elle est connue pour avoir travaillé sur des événements culturels. Alors, quand la ville de Petit-Canal lui a proposé de se consacrer à ce projet, il y a cinq ans, c’est naturellement qu’elle s’est engagée pour le conceptualiser et lui donner une philosophie propre : « Partager autour de l’histoire, pour que cette histoire ne soit plus un prétexte aux clivages, aux barricades, mais quelque chose qui permette aux gens de se comprendre en Guadeloupe ».
DES CARAÏBES AUX EUROPÉENS
Ainsi elle veut faire passer ce message : « Tout n’est pas noir, ni blanc. On a une histoire qui est formidable. Je ne dirai pas de résilience, mais c’est une histoire de liberté, de combattants et d’espoir. Ce sont des gens qui, même quand il n’y avait aucune raison d’espérer, se sont battus et ont surtout transmis à leurs enfants cette volonté d’espérer. Et cela, depuis les peuples Caraïbes jusqu’aux Indiens, aux ressortissants du Proche-Orient, aux Européens qui sont arrivés ensuite. C’est vraiment l’histoire de ce qui lie les gens en Guadeloupe. »
UNE PROGRAMMATION INÉDITE
Dans un archipel comme la Guadeloupe où les grands rendez-vous culturels de ce genre ne manquent pas, on pourrait se dire : encore un festival. Gardez-vous en ! Car, la créatrice de l’événement détient votre réponse : « La différence qu’il y a avec les autres, c’est une programmation totalement inédite. Les artistes auront un budget pour pouvoir créer spécialement pour le festival. On évite — c’est très rare que cela arrive — d’acheter des programmes qui ont déjà été diffusés. L’idée c’est de donner à l’artiste l’occasion de pouvoir créer, de mettre en place un certain nombre de choses. »
UN FESTIVAL PLURICICIPLINAIRE
Les manifestations vont donc se dérouler du 25 au 27 mai, aux Marches des esclaves, autour du ka, l’instrument de musique, mais ce ne sera pas un festival de gwoka bis. Le ka, vocable égyptien de l’énergie, sera également au cœur d’une programmation. Celle-ci comporte plusieurs volets : la création artistique avec des résidences d’artistes et des expositions, l’université populaire avec des conférences animées par des historiens, des sociologues, des écrivains et des artistes, le village de la Mémoire avec notamment son espace culinaire et bien sûr les concerts. En somme, c'est un festival pluridisciplinaire.
EN ATTENTE D’UNE IMPLICATION DE LA POPULATION
Autant dire que la ville de Petit-Canal, la société Neeya strategy, que dirige Laurence Maquiaba, et l’association Éritaj an nou, attendent une forte implication de la population. « Qu’elle vienne déjà en masse et qu’elle s’investisse autour du festival ! Plus que ça encore, qu’on puisse avoir vraiment une communauté autour de notre histoire. » Le soutien à ce festival peut aussi se faire par la souscription d’une adhésion à l’association Eritaj an nou.
DÉVELOPPER UN TOURISME CRÉATIF
Longtemps restée comme une porte d’entrée vers le nord Grande-Terre, la commune de Petit-Canal, qui a su bien conserver ses richesses patrimoniales, veut être désormais un véritable carrefour. Pour l'organisation du festival, il s'agira, à terme, de « sortir de la vision consumériste de l’art » et de se tourner vers le développement d’un tourisme créatif, proposant autre chose que ce qu’offrent les îles voisines. Tel est le défi d’Eritaj.
Un public déjà conquis a participé à la présentation de la 5 édition du festival Éritaj.