Jean-Pierre Sturm, quel est votre bilan de cette tournée de la pièce Bienvenue Lajòl ?
En un mot : triomphal ! C’est au-delà même de mes espérances. D’ailleurs, je ne pensais pas qu’on aurait fait autant de représentations en si peu de temps. Le public a adhéré tout de suite. Dès Le Moule (22 et 23 novembre), on était complet, ensuite c’est le bouche-à-oreille qui a vraiment très bien fonctionné. Et là, bien sûr, merci, merci au public, qui nous a apporté beaucoup.
C’est un succès vous surprend ?
Quand j’écrivais cette pièce, je savais qu’elle avait une portée. C’est bien en deçà de ce que je pouvais imaginer. Quand je vois comment les personnes âgées ont ri… vraiment ça m’a fait plaisir. J’ai même versé une petite larme parce que la pièce fonctionne complètement. On la prend pour soi. Chacun imagine une histoire après. J’ai entendu Monsieur le Maire (Jacques Bangou), dire qu’il avait été surpris par la fin. Oui, c’est vrai, la fin surprend, mais cette pièce me surprend également et l’impact qu’elle a sur le public me surprend totalement.
On vous a quand même connu animateur radio, depuis l’époque de Tonton Jean-Marie sur RFO. C’est une histoire qui date. Vous avez fait un sacré parcours, avant d’arriver à cette vie d’auteur de pièce de théâtre, n’est-ce pas ?
Tout le monde me connaît en tant qu’animateur. Je suis un enfant de la télé, un enfant de la radio. Les gens m’ont vu grandir, ils me voient vieillir en ce moment. C’est un parcours extraordinaire que j’ai pu faire. Je crois que j’ai arrêté la radio et la télé au moment où il fallait, pour me diriger vers autre chose qui était déjà en moi. Cela faisait un moment que j’avais envie d’écrire mais je ne savais pas comment exprimer ce désir. Et puis bon, ça s’est révélé. Maintenant je vis de ça. C’est un nouveau métier. L’écriture fait partie de moi. Sans cesse, je suis en train d’écrire. Là, je suis en train de penser à la prochaine pièce. Quand je vois la réaction du public, cela me donne encore plus d’envie d’écrire.
Combien de pièces avez-vous écrit et quelles sont celles qui vous ont le plus marqué ?
Ma première pièce n’a jamais été jouée jusqu’à maintenant. J’espère qu’elle le sera un jour. C’est une première œuvre, donc forcément on y trouve quelques petites erreurs, mais il suffit juste que je la reprenne. C’est une belle histoire qui va aussi toucher les gens en Guadeloupe. Un jour je vais la présenter. Sinon il y a eu Ma commère Alfred, Moun France, quelques petits spectacles et surtout la série Rigobè et Dèdette que j’ai écrit pour la télévision. Après Trois belsè, je me suis accordé trois ans parce qu’il fallait que je fasse le point avec moi-même et puis, cette histoire s’est imposée à moi, parce que cela faisait longtemps que j’avais envie d’écrire une pièce avec deux personnages et une histoire forte entre eux. C’est une pièce sur l’amitié, pas seulement sur l’incarcération mais sur le parcours de chacun. Je ne suis pas pour faire la morale à qui que ce soit, ni donner des leçons. Je voulais d’abord écrire une comédie et je crois que c’est réussi puisque les gens rient beaucoup, mais je ne voulais pas seulement m’arrêter à la comédie. Dans mon esprit, oui, il fallait faire rire mais aussi amener au questionnement. Et puis, il y a de l’émotion dans cette pièce et on l’a vu. Le fluide est passé.
Y a-t-il un élément particulier qui a marqué votre carrière d’auteur et de metteur en scène ?
Je ne m’estime pas metteur en scène, je mets en espace. Auteur oui. Moi, ce qui m’intéresse, c’est créer des personnages. Rigobè et Dèdette n’existaient pas. Maintenant, ils font partie de la Guadeloupe. Ma commère Alfred, Jérémie et tous les autres n’existaient pas non plus. Il y a des personnages que les gens ont adoptés. Le public va désormais adopter Blaise. On a de l’empathie pour Blaise. On admire le petit jeune, Josué. Ce sont deux nouveaux personnages qui font partie de ma vie. Je l’ai dit, c’est mon bébé cette pièce parce que j’ai beaucoup souffert pour l’écrire, maintenant les applaudissements, les rires du public me font un bien fou.
Donc il n’est pas question d’arrêter ce métier d’auteur pour en faire un autre. Est-ce que c’est un métier qui nourrit son homme ?
Auteur, oui, mais je n’ai pas besoin de beaucoup de choses pour vivre. Tout est relatif. Je perçois les droits d’auteur et ça me va. Je me contente de peu.
Quelle est votre vision de l’humour, de la comédie, du théâtre, en Guadeloupe et plus généralement en Outre-mer ?
On manque d’auteurs, c’est sûr. Il faudrait qu’il y en ait beaucoup plus parce que les comédiens ont besoin d’auteur. Nous qui écrivons, on a besoin des comédiens, mais ces derniers ont besoin d’histoires et de personnages à défendre. Quand j’ai fait appel à ces deux-là (Christian Julien et Daniel Bilong), ils ont tout de suite aimé l’histoire. Il faudrait qu’il y ait plus de gens qui s’intéressent à l’écriture, mais pas seulement, puisque dans ce métier-là on a besoin de régisseur, de décorateur. Pour cette pièce, mon décor a été fait à Paris et cela aurait été mieux si on l’avait fait sur place. Il faut que les jeunes se dirigent vers ces métiers du spectacle vivant.