Son premier recueil de poésie paraît sous le titre Au pipirite chantant, un titre qui vous ramène symboliquement aux petits matins créoles lorsque l’oiseau sireur vous réveille par son chant, et s’élève des entrailles de la terre des odeurs comme un appel au nouveau jour. Au Pipiri chantant, une pièce maitresse de son œuvre sera remarquée par des écrivains tels que Aimé Césaire ou André Malraux.
*Extrait de Au Pipirite chantant : "Au pipirite chantant le paysan Au pipirite chantant le paysan haïtien a foulé le seuil du jour et dessine dans l’air, sur les pas du soleil, une image d’homme en croix étreignant la vie. Puis bénissant la terre du vent pur de ses vœux, après avoir salué l’azure trempé de lumière, il arrose l’oraison de la montagne oubliée, sans faveur, sans engrains Au pipirite chantant pèse la menace d’un retour des larmes. Au pipirite chantant les heures sont suspendues aux lèvres des plantations Et si revient hier que ferons nous ? Et le paysan haïtien enjambe chaque matin la langue de l’aurore pour tuer le venin de ses nuits et rompre les épines des cauchemars. Et dans le souffle du jour tous les loas sont nommés. Au pipirite chantant le paysan haïtien, debout, aspire la clarté, le parfum des racines, la flèche des palmiers, la frondaison de l’aube."
Jean Métellus & Jean-Michel Martial au Musée du Petit-Palais
Dans le même recueil, l’on retrouvait le poème sur l’enfance : Rires et larmes d’un Enfant noir.
Extrait : "Un enfant noir contre la nature a mille ressources, dans sa lutte contre les saisons plus d'un atout, dans sa façon d'aspirer toute la vie qui naît du majestueux soleil, de tous les rocs polaires, une force, une joie, un appétit, une coquetterie qui fait pâlir la lionne fantaisie de la forêt abritant de frêles arbres. L'enfant noir crie quand vient tomber sur sa peau douce et pure comme l'eau de source que les rocs ont filtrée le jour qu'un horloger avare distribue en compte-gouttes. L'enfant noir crie et demande que son corps, le diamant de sa peau qui illumine ses nuits se substitue au soleil inconstant. L'enfant noir demande que sa peau plus riche qu'un ciel de fête de Noël prenne la direction d'un monde en ténèbre par la fumée qui monte des couches de l'or. C'est pour cela que de tout temps rit l'enfant noir."
Il fut souvent un des représentants de la littérature haïtienne en France, notamment au Festival des Etonnants-Voyageurs à Saint-Malo. Parmi sa bibliographie, il y eut l’excellent Jacmel au Crépuscule son preier roman paru en 1981. Un récit où il parle d’Haïti de la fin des années 50, de sa mère. Un livre écrit comme un chroniqueur rapporte des faits de société, de la vie économique, des coutumes sacrées…Dans un autre roman, La Famille Vortex, il parle de départs imminents de certains membres de la Famille parce que les évènements chaotiques du pays les y contraints.
Son troisième roman est une audace qui lui vaudra bien des reproches tant par les critiques littéraires que de certains des gens d’écriture haïtienne. On lui reprochait de ne plus raconter son pays comme il savait si bien le faire. En effet, dans Une Eau Forte paru en 1983, il racontait son ailleurs géographique puisqu’il vit en Suisse, à Môtiers précisément.
Des poèmes encore fleuriront sous sa plume tout au long de sa vie de littéraire mais il y a aussi le théâtre qu’il maitrise magistralement. Parmi ces pièces il y a l’incontournable Anacaona dont il nous parlait encore il y a peu de temps, le 9 novembre au Symposium initié par Jean-Michel Martial et sa Cie l’Autre Souffle. Un colloque qui pendant une journée a vu défiler les plus grands noms du théâtre de la Caraïbes, des faiseurs de pièces, des diseurs de mots et des rassembleurs culturels.
Jean Métellus au Symposium Théâtre Caraïbes – Le Répertoire au Musée du Petit-Palais.
Et lorsque Jean Métellus, avec son profil longiligne, monta sur la scène, « quelque peu las » de ses années longues à transmettre la culture bèlman haïtienne, ce fut véritablement un moment de profonde émotion. En parlant de Anacaona, Jean Métellus parle de la tragédie légendaire de la Reine des Indiens Caraïbes. Il raconte un pays meurtri mais résistant. Il parle de mémoire ancestrale, de ce qui fait de ce peuple Haïtien un exemple universel. Il parle des envahisseurs, des uns et des autres qui ont construits, battis cette Nation. Il faut se rappeler que les mots de Métellus ont raisonné au grand Théâtre de Chaillot en 1988 mis en scène par Antoine Vitez.
Dans son théâtre, l’auteur Métellus a parlé également de Dessalines, de Christophe Colomb ou de Toussaint Louverture. De ces hommes qui ont marqué le temps et l’histoire.
Jean Métellus est surtout un homme engagé par sa littérature, sa poésie, son phrasé. Il n’aura de cesse de communiquer sur l’histoire de son monde caribéen, avec des essais entre autres comme De l’esclavage aux abolitions 18ème-20ème siècle. Une œuvre majeure qui accuse et condamne l’esclavage. Ce roman est un véritable « plaidoyer » pour le respect des Hommes entre eux. Voilà ce qu’en disait alors France Inter en novembre 1988 : « Il y a cent cinquante ans était aboli l'esclavage. Depuis la découverte de l'Amérique en 1492 jusqu'à 1848, l'histoire d'un continent et de nombreuses îles s'écrit dans la honte, dans l'humiliation. Que de combats pour que triomphent enfin les droits de l'homme ! C'est cette terrible histoire de l'esclavage et des luttes menées pour l'abolir que nous racontent un écrivain haïtien, un historien et des artistes (peintres, dessinateurs, photographes). A lire, à regarder, à méditer. Plus qu'un beau livre, un livre nécessaire. "
Force est de constater que le Médecin et le Linguistique, ce grand homme a rempli allègrement ses missions. N’hésitant jamais à se déplacer pour dire sa Parole et faire comprendre ses aspirations. Jusqu’en 2010, Jean Métellus n’a pas cessé d’éditer, de faire paraître sa vision du monde à travers moults romans, poèmes, essais, pièce de théâtre.
En 2010 alors que s’apprête à se tenir les Etonnants-Voyageurs à Haïti et que le séisme en 10 minutes a détruit Port-au-Prince, le romancier se prononce dans Linbération : Extrait « On entend depuis le début de ce tremblement de terre, qui a écrasé le pays, des expressions qui recourent tacitement au surnaturel pour expliquer l’acharnement des forces de la nature, sur Haïti. En 1701, en 1752, en 1770, Saint-Domingue a connu déjà des catastrophes semblables, de plus elles sont survenues au même endroit avec les mêmes points d’impact. Est-ce la nature qui a tort ? Les pouvoirs publics ont-ils été négligents et méprisent-ils la vie des gens en s’obstinant à répéter les mêmes erreurs dans l’édification des villes ? Inutile, en tout cas, voire absurde, de parler de malédiction. Haïti est sévèrement frappée, la population est dramatiquement éprouvée, toutes les couches sociales sont atteintes. Les hôtels de luxe, les ministères, la cathédrale, le Palais national, des bidonvilles sont dévastés. On ne parlera plus dans les mêmes termes de l’effondrement d’Haïti après cette catastrophe qui a dénudé les plus humbles, humilié l’arrogance des riches, giflé la superbe de ceux qui se croyaient au-dessus du panier. Chacun de nous a perdu un frère, une sœur, un cousin, un voisin. Tous les Haïtiens endeuillés sont préoccupés par une seule crainte : si des répliques de ce séisme venaient encore ajouter à ce désastre ! »
Et même si depuis 40 ans, il vivait en France, véritablement là, nous avons perdu un Grand Haïtien. Il nous manquera alors une mémoire vive, intelligente, primordiale et exceptionnelle de la littérature mondiale d’origine haïtienne.
Jean Métellus s’est éteint samedi 4 janvier 2014, à l’aube de l’année nouvelle. Il nous avait tant appris, et il nous reste encore à fouiller encore et encore dans ses écrits pour mieux découvrir Haïti, Nation Mère.