Politique

jeudi, 14 mars 2013 07:53

Greg Germain "J'ai peur de m'ennuyer dans la vie"

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3ème arrondissement de Paris

Petit-déjeuner convivial dans l'espace cuisine de ses bureaux (son coin préféré)

Président du OFF d'Avignon, comédien reconnu au théâtre et au cinéma, doublure vocale de Will Smith entre autre, réalisateur, Directeur de l'agence pour la promotion et la diffusion des cultures d'Outremer, présentateur de Multiscénik sur France ô, Greg Germain est un homme super actif. Malgré son emploi du temps de ministre, l'ex "médecin de nuit" le plus populaire de France a accepté avec enthousiasme de partager un petitdéjeuner entre deux réunions et deux bouchées de croissant...

 


VP: Est-ce que le petit-déjeuner est important pour toi?
GG: Oui parce que c'est le moment qui détermine ce que sera ma journée. Un moment de réflexion sur la façon dont je vais aborder mes réunions de travail, mes rendez-vous.

 

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VP: Manger, est-ce pour toi un plaisir ou une obligation?
GG: Une obligation et un plaisir aussi quand il s'agit d'un repas en famille ou avec des amis autour d'une belle table. Il n'y a pas que la nourriture qui compte. J'attache de l'importance à ce que je mange, surtout à la façon dont c'est préparé. J'ai un faible pour le "manger pays" (cuisine traditionnelle des Antilles), le court-bouillon de poisson, le fruit à pain, les viandes en sauce que préparent nos cuisinières de Guadeloupe. Mon dernier ancêtre doit beaucoup parler à travers moi ça je n'aime rien de plus que la morue salée, les ignames avec un filet d'huile dessus (repas typiquement créole). J'ai 5 frères et soeurs qui faisaient la fine bouche devant ce type de plat, moi j'étais toujours le 1er à me précipiter dessus.


VP: À la maison, qui cuisine?
GG: Moi! J'aime bien ça. Cuisiner me permet aussi de réfléchir. J'invente des recettes à partir de souvenirs d'enfance. J'ouvre rarement un livre de cuisine. J'ai une idée précise des ingrédients à utiliser pour donner du goût à un plat. VP: Quelle place les femmes occupent-elles dans ta vie?


VP: Quelle place les femmes occupent-elles dans ta vie?
GG: Je suis un fils de femmes...et pas parce j'avais un père très présent et très sévère. Ma mère l'était aussi...J'aime ce que représentent les femmes, j'aime leur sensibilité, leur façon de voir le monde, d'être au monde, avec l'esprit, l'imaginaire, la pensée. J'aime cette façon beaucoup moins tranchée qu'elles ont d'aborder les problèmes. Ma grande soeur a toujours été très proche de moi, très maternante...Petit, je me considérais comme un héros, elle ne me tempérait pas mais m'expliquait comment attaquer telle ou telle citadelle. J'ai également eu beaucoup d'amies, pas forcément des amantes, de vraies amies, toujours d'un grand secours. J'ai des amis garçons mais ils n'ont pas la même façon de voir les choses.

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VP: La journée internationale des droits des femmes est-elle toujours utile?
GG: Aussi utile que la Commémoration de l'abolition de l'esclavage et que la mémoire de la Shoah. Il faut conjoindre les mémoires. Le combat des femmes est loin d'être gagné. Elles sont quasi inexistantes dans les instances dirigeantes de la Culture, dans les conseils d'administration, dans le milieu du théâtre. Je trouve ça épouvantable de voir si peu de femmes metteurs en scène conventionnées, pratiquement aucune directrice de scènes nationales, de Centres dramatiques. Moins de 20% de femmes dans la Culture alors que le Ministre de la Culture est une femme! Il faut dire que dans les cabinets ministériels, il n'y a que des hommes...
Depuis que je suis Président du Off, j'ai initié une journée de la parité hommes/femmes dans le domaine du spectacle vivant avec des colloques, des tables rondes...cette initiative est aujourd'hui reprise dans d'autres festivals. Le Conseil d'administration du Off est à parité hommes/femmes. (Greg Germain serait-il féministe?)


VP: Que t'inspire ce proverbe corse : " c'est la femme qui fait l'homme"?
GG: Moi, je me méfie beaucoup des corses et surtout de leurs proverbes (rires) car si mes souvenirs sont bons, lorsque je suis allé en Corse, j'ai vu des femmes manger sur une table derrière leur mari. Elles semblaient plutôt là pour le servir...Non, plus sérieusement, je préfère le bon sens populaire créole qui fait de la femme le poteau mitan (pilier) de la famille. Comme disait Glissant : " Les femmes n'ont jamais tutoyé les dieux mais elles ont toujours conduit la barque de la vie et tenu en main les cordes de la révolte". Cette citation correspond à ce que les femmes représentent dans ma civilisation.


VP: Tu t'inspires beaucoup de la pensée d'Edouard Glissant?
GG: Édouard et moi sommes restés 1 mois ensemble pour travailler mon rôle dans sa pièce de théâtre la plus emblématique " Monsieur Toussaint" écrite en 1959 en hommage à Toussaint Louverture, leader de l'indépendance d'Haïti qui a marqué le monde entier. Cette pièce se déroulait en 3 temps, passé, présent, futur. Glissant expliquait que nous autres, peuples dont l'histoire a été occultée, avons besoin d'avoir une vision prophétique du passé pour comprendre le présent et donc l'avenir.

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VP: Tu as également été très marqué par le "tout-monde" visionnaire de Glissant...
GG: Bien sûr! Edouard Glissant le définissait ainsi: " le choc actuel de tant de cultures, qui s'embrasent, se repoussent, subsistent pourtant, se transforment lentement ou à vitesse foudroyante, ces éclats, ces éclatements dont nous n'avons pas encore commencé à comprendre le sens et dont nous ne pouvons pas prévoir l'emportement". J'ai l'impression de voir ça aujourd'hui passer sous mes yeux, cette fréquentation compliquée de populations différentes, la vitesse à laquelle le monde évolue, la mondialisation, la globalisation, le fait que les peuples s'entrechoquent et que des civilisations entières disparaissent.


VP: Aujourd'hui, face à la mondialisation, que faut-il craindre le plus?
GG: "La disparition des peuples et donc des imaginaires" dont parlait Glissant. Il faut savoir qu'on ne sauvera pas une langue en laissant périr les autres langues. C'est l'exemple type du jacobinisme à la française qui veut que tout le monde doit parler français alors que le breton, le créole, le provençal, l'alsacien existent. "Avec toute langue qui disparaît s'efface une part de l'imaginaire humain, une part de forêt, une part de savane ou de trottoir fou, le goût des plats en zinc, la saveur du manger, le prix de la faim." Cette phrase signifie que toute création de l'humanité est belle, même en Papouasie, à des milliers de kilomètres, et doit être respectée.


VP: Tu as été particulièrement fier récemment d'entendre Christiane Taubira déclamer des vers de Léon Gontran Damas face à des parlementaires...
GG: J'ai trouvé formidable qu'elle fasse résonner la voix de ce grand poète de la négritude dans l'enceinte de l'assemblée nationale. Je connais Christiane depuis 17 ans. Nous nous sommes rencontrés à Kourou en Guyane, où je me produisais pour la 1ère fois. Elle est souvent venue au Festival d'Avignon. Elle est intervenue auprès du Maire d'Avignon lorsqu'il a été question que de m'enlever la Chapelle du Verbe incarné, mon théâtre. Depuis qu'elle est Ministre de la justice, nous nous voyons moins mais je l'apprécie toujours, de loin.


VP: Tu n'es pas ministre mais tu as un emploi du temps aussi chargé. Avec toutes tes casquettes, Président, Directeur, Réalisateur, Acteur, ne serais-tu pas un peu "work addict"(accroc du boulot)?

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GG: Non, je ne suis pas un work alcoholic (drogué du travail). Je travaille beaucoup mais quand on est professionnel, on doit savoir s'organiser. J'ai peur de m'ennuyer dans la vie et pour moi, chaque minute compte. Quand quelque chose me plait, je le fais mais je reste dans mon cercle, la culture. J'aime tout ce que je fais. C'est jubilatoire de jouer le comédie, c'est formidable de filmer, de découper puis d'assembler des séquences, c'est formidable de lire et d'apprendre des textes, d'écrire des présentations de théâtre et de les présenter.


VP: Quelles surprises le Président du OFF d'Avignon nous réserve t-il pour ce cru 2013?
GG: Avec mon équipe, nous avons pour devise d'améliorer l'existant et de préparer l'avenir. Notre leitmotiv: marier l'audiovisuel avec le théâtre car le spectacle vivant à toujours besoin de faire son cinéma. Cette année, nous lançons une WebTv qui va permettre au OFF d'Avignon de vivre toute l'année sur les réseaux sociaux et sur la toile. Autre point fort, un partenariat renforcé avec France Télévisions.


VP: Le spectacle vivant venu des Outre-mer aura t-il sa place dans le OFF d'Avignon?
GG: Comme chaque année! Le Toma (danse et théâtre des Outremer à la Chapelle du Verbe Incarné) existe dans le OFF parce que j'avais constaté à mes débuts la difficulté
pour nous autres noirs, originaires d'Outremer, d'exister comme les autres français au théâtre et au cinéma. La société française était si crispée que j'ai décidé en 1991 de faire quelque chose pour aider mes compatriotes. Ca n'a pas été sans mal. Quand je me suis positionné pour diriger le théâtre de la Chapelle du Verbe incarné, il n'y avait à l'époque aucun directeur de théâtre noir...

VP: Compte tenu de ta notoriété, les portes des institutions se sont-elles ouvertes plus facilement?
GG: Absolument pas! Quand j'ai démarché le Ministère de la Culture et celui de l'Outremer, on m'a ri au nez. Ces gens là pensent que parce qu'ils émargent dans un
Ministère, ils ont la science infuse et que la Culture leur appartient...J'ai mené un vrai combat contre l'état. Finalement, grâce à la Mairie d'Avignon, à Madame Marie-Josée Roig, j'ai pu ouvrir ce lieu. J'aurais pu tout arrêter la 2ème année en raison de multiples difficultés, j'ai été formidablement aidé par Marie-Pierre Bousquet, ma compagne, productrice.

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Depuis, nous avons retapé la Chapelle du verbe incarné qui est le théâtre du Toma. Cet espace "théâtre et danse" du Off d'Avignon fait chaque année la promotion des cultures d'Outremer. Les comédiens et danseurs de ces régions de France bénéficient grâce au Toma, d'une visibilité nationale et d'une forme d'égalité de traitement, au même titre que les autres comédiens français.
Le théâtre d'Avignon, c'est du 8 au 31 juillet. Faites-vous plaisir, venez découvrir le OFF!

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Les 7 péchés capitaux de Greg Germain
Gourmandise: Quand j'étais petit, je rêvais des gâteaux à la crème que je m'achèterais à l'âge adulte avec mon argent. En fait, je n'en achète jamais, je ne suis pas gourmand.
Orgueil: C'est peut-être ce cheval là que je chevauche trop souvent. Ce n'est pas bien!
Avarice: Je ne sais pas ce que c'est. Je suis l'homme le plus généreux de la terre.
Luxure: On ne peut pas vivre sans mais je reste incorrigiblement un enfant de jésuite. Marié à 22 ans, j'ai passé 16 ans avec la même femme. Quand je suis parti, j'ai eu de multiples aventures mais avec l'âge, je me suis bien calmé.
Envie: Non, je ne suis pas envieux des autres. Je me dis qu'ils ont mérité ce qu'ils ont...même si c'est faux.
Colère: J'en suis quelque fois victime car je peux me mettre très, très en colère et ça n'est jamais bon puisque la plupart du temps je le regrette.
Paresse: Je ne sais pas ce que c'est.

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