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vendredi, 13 décembre 2013 08:03

Hervé Celcal transfigure le bèlè à sa façon

Écrit par Karina Quibon
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Musicien, pianiste, auteur, compositeur mais aussi accompagnateur d'artistes, Hervé Celcal est un bosseur acharné.  A 38 ans ce martiniquais a sorti en Avril 2013 son premier Opus «  Bel air for the piano ». Un album revisitant la musique traditionnelle martiniquaise : le bèlè. Tout sur une touche de jazz, de piano, de tambours bàtà cubains. Accompagné d'une contrebasse jouée par le célèbre Chris Jennings. Si Hervé Celcal a souhaité transfigurer le bèlè en y mettant une touche originale. Son but ultime est de raconter une histoire...
En concert à Paris il y a un mois, il s'est confié à Outremerlemag.


Outremerlemag : Pourquoi avoir choisi le piano et le jazz pour transfigurer le bèlè ?
Hervé Celcal : J'ai choisi tout d'abord le piano car c'est un instrument que je pratique depuis l'âge de 5 ans. Et le jazz, parce que c'est une musique universelle. Lorsqu'on l'utilise, on est libre de s'exprimer, il y a toujours une partie d'improvisation.
 
Outremerlemag : Que représente cette musique pour vous ?
Hervé Celca : C'est mon identité. Elle est non seulement une identité, une musique, une danse, mais aussi un tambour puisqu'on l'appelle «  tambour bèlè ». Crée par les nègres « marrons », le bèlè est né de l'espoir des esclaves qui ont fondé une société qui réunissait l'entraide, ainsi qu'une manière de vivre. Cela a donné place vraisemblablement à l'identité martiniquaise, celle de personnes ayant une manière de parler, de danser, de rire, des mimiques.
Depuis toujours cette musique résonne dans ma tête. Le bèlè c'est quelque chose de profond. C'est avec les choses les plus fortes culturellement et musicalement qu'on fait émerger le meilleur.

 


Outremerlemag : Le bèlè a été influencé par d'autres cultures européennes, françaises, africaines. Est-ce une surprise ?
Hervé Celcal : Non, car aux Antilles on est empreint de diverses influences.  Toutes ces cultures nous construisent et contribuent à notre évolution, elles sont nos richesses.  L'influence des  indiens de Caraïbes se voit notamment aujourd’hui dans notre manière de vivre.
 
Outremerlemag : Quels musiciens ou artistes vous ont le plus marqués ou influencés dans votre parcours artistique ? 
Hervé Celcal : Il y  en a beaucoup. Oscar Peterson, Alain Jean Marie, Art Tatum, Eugène Mona, Chopin, Michael Jackson, Stevie Wonder. Bob Marley. Ils m'ont tous marqué par leurs sensibilités musicales, leurs façons d'aborder la musique, de transmettre un message de façon très profonde. Pour les pianistes, cela me touche davantage car c'est mon domaine.


 
Outremerlemag : Avez-vous  rencontré des difficultés dans la production de votre tout premier opus ?
Hervé Celca : Oui, des difficultés financières car les dépenses ne ramènent pas toujours de bénéfices. Pour le moment, au niveau de la diffusion d’information les choses se passent très bien. Par contre, j'aurai besoin d'aide concernant la perspective de diffusion. Pour me produire, présenter mon travail au monde entier.
Passer à la radio ne suffit pas. Jouer en live, présenter des concerts dans toute la France, aux Caraïbes, dans le monde entier serait idéal.  Je cherche des accompagnateurs qui peuvent placer et faire connaître ma musique par le live.

Outremerlemag : Etes vous le seul à vous être intéressé à ce registre là ?
Hervé Celcal : D'après mes recherches, d'autres l'ont fait. En revanche, je suis le seul à avoir introduit le piano dedans. J'ai essayé de trouver un jeu qui irait sur cette musique. L'enjeu était de pouvoir jouer du bèlè au piano car aujourd’hui aucune partition n'existe. D’où me viens d'ailleurs cette démarche de faire également les partitions, je vais bientôt sortir le recueil. Mon but est de transmettre cette richesse aux autres. C’est surtout cela que je mets en avant.

Outremerlemag : A votre avis quelles en sont les raisons ?
Hervé Celcal : C'est d'abord dû à l'histoire, car tout est oral chez nous. Y compris la musique, donc il n'y a pas de trace écrite. On n’a pas été dirigé vers cette idée. Par exemple : quand on regarde les cubains, ils ont fait chaque partition de leurs morceaux traditionnels. Alors que nous en tant que  martiniquais n'avons pas fait cette démarche. Heureusement notre musique a été transmise de façon orale. Même si la trace écrite est la meilleure façon de transmettre un talent aux autres, de leur permettre de rentrer dans notre culture avec les outils qu'ils savent utiliser.

Outremerlemag : Friederch Ntetzh (poète et philosophe allemand)  a dit «  la vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue ». Peux-tu vivre sans musique ?
Hervé Celcal : Non, je suis obligé d'écouter de la musique. Lorsque je suis à Paris et que j’entends la nature, cela me suffit. Je marche dans la ville, il y a beaucoup de bruit. Pour moi, c'est de la musique car on entend des voix, des sons, du brouhaha. On est imprégné de cela.
 
Outremerlemag : Comment s'est déroulé votre rencontre avec vos quatre musiciens ?
Hervé Celcal : Premièrement c'est un travail de plusieurs années, de  longue haleine. J'ai pris tout mon temps pour chercher comment développer ce travail. Autour du piano, du bèlè, du jazz.  Ensuite, j'ai  beaucoup écouté des musiciens. Je suis allé les voir en concert. Je cherchais également des gens qui pouvaient rentrer dans cet univers, avec qui je pourrais avoir beaucoup d'affinités humaines.  Donc le casting a été principalement de côtoyer les musiciens sur la scène vivante. Pour Abraham Rodriguez, batteur percussionniste cubain, il a fallut travailler avec lui ardemment. J'ai du l'initier au bèlè qu'il ne connaissait pas. L'avantage était qu'il fut très curieux dès le départ, enthousiasme d'apprendre autre chose, de rentrer dans un autre univers que le sien.
Quant à Boris Reine-Adélaïde, je suis allé l'écouter, l'observer à un de ses concerts. Le contrebassiste est un des meilleurs mondiaux. C'est un canadien, il s'appelle Chris Jennings.

Outremerlemag : Vous avez été également accompagnateur d'artistes de dance-hall et autre. Comme Admiral T et Dédé Saint Prix...Qu’est ce que cette continuité professionnelle vous a apporté ?
Hervé Celcal : Elle fait partie de ma carrière. Cette année,  j'ai fait 'bel air for the piano' car c'était le moment. Je me suis imprégné de toutes ces musiques ou cultures que j'ai jouées tout au long de mon parcours professionnel. Ma musique est teinte de tout cela.



Outremerlemag : Quels conseils pouvez vous donner aux artistes d'Outre Mer qui souhaitent réaliser un album musical ?
Hervé Celcal : Je leur conseillerai de prendre leur temps pour réaliser leurs projets. Il est nécessaire de s'entourer de véritables professionnels car l'encadrement est primordial. Aujourd’hui, ce n'est pas parce qu'il existe différentes facilités pour créer des projets. Par internet, ordinateurs et autres qu'il faille négliger de développer son talent. Beaucoup doivent arrêter de croire qu'il faut faire des tubes. Le plus important est de penser à construire une carrière artistique solide.  Soyez concrets dans votre démarche, pour que votre succès perdure et que votre savoir-faire soit transmis à votre future génération, à vos enfants. Cultivez-vous !
Il ne sert à rien de vouloir briller par des tubes, car lorsqu'on veut aller trop vite c'est l'usine.

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